vendredi 23 février 2018

le fantôme d'Elseneur


Les populismes émergents s’inscrivent dans une histoire. Poutine se place dans les traces du Grand Staline. Les nationalismes basques et irlandais ont accouché dans la douleur du terrorisme. Les néo-nazis en Allemagne relèvent les drapeaux ensanglantés du nazisme. Les populistes  italiens redécouvrent les sillons du fascisme italien. Le populisme français n’en finit pas de rompre avec Vichy.

Cette histoire est fondatrice et encombrante. Chaque fois, pour triompher, les ancêtres doivent être lavés de leurs crimes. Le populisme est un révisionnisme généralisé. Pour assurer son emprise idéologique, Poutine doit effacer les crimes du stalinisme. Les historiens sont censurés, les archives détruites, les instituts de mémoire étouffés. En Pologne, des lois menacent la recherche historique sur la participation de Polonais au génocide. Les populistes français cherchent à réhabiliter le pouvoir de Vichy, à nier sa participation aux rafles des Juifs. En Allemagne, les élus du nouveau parti nazi ne se lèvent pas pendant la minute de silence de la journée de la déportation. En Corse, Talamoni est absent de la cérémonie en l’honneur du préfet Erignac assassiné. Les communistes français furent de grands dissimulateurs des crimes du communisme. Les révélations du goulag sonnèrent le glas de ceux qui avaient voulu le cacher. Au Pays Basque français, les populistes et leurs complices s’efforcent de faire disparaître les victimes de l’ETA. Le nombre 829 leur est odieux. Les noms de Blanco ou de Yoyès les empêchent de dormir. Le musée de la terreur les terrifie. Quand ils franchissent la frontière, ils s’arrêtent généralement au ventas ou aux galeries commerciales d’Irun car d’aller plus loin, ils risquent de rencontrer les enfants de Yoyès ou la veuve de Blanco.  

Tous ceux qui inlassablement rappellent les crimes de l’ETA doivent refuser avec indignation l’accusation de ne pas vouloir « refermer les plaies ». Ce n’est pas lubie, ce n’est pas obstination. L’histoire des crimes de l’ETA est un obstacle au populisme basque. Qui veut lui dégager la route doit fermer les cimetières.

C’est pourquoi il est si difficile de traîner les élus munichois du Pays Basque jusqu’aux victimes de l’ETA. Agiles et légers pour rendre visite aux assassins, ils pèsent un pottok mort pour  rencontrer leurs victimes. Pour faire accepter leur complicité, ils doivent dissiper les fantômes, enterrer une nouvelle fois les morts. Ils n’y arriveront pas. La société basque française les soutiendra peut-être mais pas  la société basque espagnole. C’est là le principal point de clivage entre le nord et le sud basque : au nord, amnésie, au sud, lieu de mémoire.

Le Roi du Danemark assassiné réapparaît comme fantôme à Elseneur et sa fonction est de dire à Hamlet : n’oublie pas, n’oublie pas.  Lady Macbeth ne réussit pas à nettoyer la tache de sang. Les élus complices du Pays Basque doivent se laver les mains en permanence pour effacer les tâches de sang. Ils n’y arrivent pas.

Ils n’y arriveront pas. L’œil est dans la tombe et les regarde.

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