mercredi 31 janvier 2018

stals et abertzale


Pierre Pradier avait publié un article critique de l’ETA et Gaby Mouesca, de sa prison, lui avait envoyé une lettre de réponse. Cet échange de correspondance se termina en amitié. Pierre Pradier dans ses notes autobiographiques (que j’ai reprises dans mon livre, Pierre Pradier, un homme sans frontière) a longuement raconté cette relation. Gaby Mouesca, dans son livre autobiographique La nuque raide, n’en dit pas un mot.  Il ne dit pas que Pierre lui avait ménagé un emploi à la Croix Rouge pour le faire sortir de prison plus tôt. Il l’a supprimé, il l’a symboliquement tué. Pourquoi ? Parce que Pierre Pradier était d’une intransigeance absolue dans sa lutte contre les mouvements identitaires. Il fallait donc le faire taire. Il faut bien se rendre compte par de telles absences de cœur que nous avons à faire en face de nous, comme adversaires, à des monstres qui ne reculent devant rien. Après avoir testé pendant quelques dizaines d’années la voie armée vers un lendemain abertzale qui chante, après avoir testé le grand soir des cimetières, ils continuent  à utiliser les modérés comme les bolcheviks avaient utilisé les mencheviks. Une fois au pouvoir, les modérés sont éliminés. Ils sont comme ça les nationalistes, comme Erdogan, comme Orban, comme Poutine. Comme l’IRA militaire éliminait les républicains modérés qui voulaient cesser le feu.

            Ils refusent de se repentir, ils refusent de demander pardon parce qu’ils se rappellent avec nostalgie le bon temps où il était possible d’éliminer un intellectuel, un policier, un élu, un adversaire, d’une balle dans la tête. Maintenant, c’est plus compliqué. Mais lisez leur presse et vous verrez qu’elle ressemble étrangement à l’Humanité et à la Pravda. D’ailleurs, Gaby Mouesca, à sa libération, vous savez ce qu’il fait à sa sortie de prison ? Facile à deviner : à la fête de l’Humanité, où il a retrouvé cette chaleur militante, cette camaraderie des armes, cette alliance d’illusions et de camarde.

            Ils sont déterminés, prêts à tout, menaçant, impressionnant les modérés qui les rejettent et les admirent, parce que quand même, des militants aussi résolus, on aimerait en avoir un peu plus chez nous. Des patriotes qui étaient prêts à mourir et à tuer pour elle. Pour la patrie. À chaque étape de leur combat, ils menacent. Si vous ne faites pas l’EPCI, vous nous ferez regretter d’avoir déposé les armes. Si vous ne libérez pas nos prisonniers, vous sèmerez la colère et la reprise des armes. Si vous n’amnistiez pas, la guerre risque de reprendre. La guerre continue… Si vous n’officialisez pas la langue basque, si vous n’amnistiez pas les tueurs, si vous ne leur assurez pas un emploi et un avenir, ils vont replonger dans le maquis. On vous aura prévenus.

En face, ils sont impressionnes, comme les socialistes étaient impressionnés par les communistes et comme les rêveurs du Quartier Latin étaient impressionnés par le boucher Che Guevara.

Comment les combattre, ces fous de la nation ? Ce n’est pas toujours simple. Mais ce n’est pas impossible. Il faut défendre la vie avec la même énergie qu’ils défendent la mort. Défendre la démocratie avec la même passion qu’ils défendent les coups de force. Défendre la justice avec la même ferveur qu’ils abattent les juges.

Comment le combat s’est-il mené contre les staliniens français ? En n’arrêtant pas de dénoncer, jour après jour, ce qui était leur identité première : la solidarité avec les pays communistes. Allez-vous dénoncer les camps, oui ou non. Allez- vous demander la libération des écrivains emprisonnés. Oui ou non. Complétez la liste. Contraints à la retraite, ils en sont aujourd’hui à 1,5 % et ne peuvent plus empêcher les réformistes d’accéder au pouvoir.

Et pour les abertzale qui se plaignent que la mauvaise hygiène dans les prisons les empêche de nettoyer le sang qu’ils ont sur les mains ? Pareil. Dénoncer jour après jour leur identité première. Ceux qui reprenaient le slogan de De Valera : le peuple n’a pas le droit d’avoir tort. Si le peuple prend des positions désagréables, il faut le contraindre à coups de kalachnikovs. Donc, accéder à toutes les demandes légitimes sur le statut des prisonniers, car une démocratie s’honore de respecter le droit malmené par les etarras. Et exiger en permanence, tous les jours, que les anciens tueurs rompent avec la terreur : en dissolvant leur organisation, en demandant pardon. Ce combat se mène politiquement et culturellement en faisant en permanence l’histoire de leurs forfaits. De même que les communistes ne pouvaient prospérer qu’en essayant de faire oublier leur complicité avec la terreur stalinienne, de même les héritiers de l’ETA ne peuvent parader que si le silence s’installe sur leurs crimes.

dimanche 28 janvier 2018

moulins à vent


Moulins à vent ?



En 1995, le terrorisme était considéré comme le principal problème de la société basque espagnole par 45% des habitants d’Euskadi. En 2016, le pourcentage tombe à 0,7% (el Pais). Nous avons changé d’époque. Restent deux catégories de personnes qui se sentent de plus en plus étrangers dans leur pays : les demi-soldes de l’ETA et les victimes ou leur famille.

Nous parlons ici du Pays Basque espagnol. Le terrorisme n’a jamais été le premier sujet de préoccupation au Pays Basque français. Il est d’autant plus surprenant qu’un mouvement qui se présente comme mettant fin à la guerre sous le titre « les artisans de la paix », puisse ainsi entraîner les principales forces politiques et associatives du Pays Basque français. Comment expliquer qu’une société en paix négocie avec une organisation terroriste le désarmement symbolique de caches d’armes aussi inoffensives que les œufs de Pâques au printemps ? Comment une société qui condamne le terrorisme refuse-t-elle de débrancher une ETA agonisante ?

Si l’on en juge à la présence dans les conversations, dans la presse écrite ou les réseaux sociaux, dans les discours, ce sujet est tout simplement absent. Il faut s’intéresser pour trouver des dossiers, des articles, dans la presse nationaliste comme Enbata, de temps en temps dans sud-ouest. On comprend bien pourquoi les patriotes ont besoin de prisonniers, de martyrs, de livres de prison. Sans Jésus-Christ, pas d’église romaine,  sans martyrs, pas de nation. Mais comment trouvent-ils des élus, des maires, des députés, des sénateurs, qui les accompagnent dans une promenade non pas  de santé, mais de survie ?

 Ce phénomène est propre au Pays Basque français. Partout où des fous de la nation ont fait couler le sang, ils sont applaudis par ceux qui ont une conception guerrière de la politique, mais vilipendés par les démocrates. En Corse, une cérémonie marquera le vingtième anniversaire de l’assassinat du Préfet Erignac. Au Pays Basque espagnol, on connaît Yoyès et Miguel Angel Blanco. Au Pays Basque français, on connaît Gaby Mouesca et Philippe Bidart et  personne ne lit Patria, L’année est rythmée par deux grandes manifestations, les fêtes de Bayonne et la fête de la paix. Dans la première, Jean-René Etchegarray, quand il était maire de Bayonne, lançait les clés de la ville aux festayres. Dans la seconde, le même Jean-René Etchegarray, devenu lehendakari de la communauté d’agglo du Pays Basque, lance une sucette aux combattants démobilisés parce que sinon, ils vont se mettre à hurler et à trépigner.

Et pourquoi tu t’en fais ? Pourquoi ça te tracasse ? Es-tu inquiet des fêtes de Bayonne ? La fête de Pampelune te fait-elle peur ? Pourquoi cette colère, cette inquiétude, qui vire parfois à l’angoisse, devant ces soins palliatifs pour une guerre morte? Le Pays Basque français a le droit de faire la fête à sa manière. Il a sa langue, ses chansons, ses danses, ses poèmes. Après tout, la France tout entière chante régulièrement « formons non bataillons, marchons, marchons, qu’un sanguimpur… ». Et le 11 novembre, le 14 juillet, des anciens combattants viennent présenter les armes sous les confettis, pendant que le village danse place de la mairie. Pourquoi le Pays Basque n’aurait-il pas le droit d’avoir des anciens combattants décorés, ses drapeaux déployés, ses veuves et ses orphelins ?

Je suis inquiet du manque d’inquiétude, de la tranquillité avec laquelle la socialiste Sylviane Alaux souhaite que l’ETA ne se dissolve pas, car l’organisation terroriste doit garder une place à la table des négociations. Je suis inquiet des visites deVincent Bru aux prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée. De la manière dont il les trouve corrects.  Inquiet parce qu’il faut des mois de travail, de discussions, de coups de téléphone, pour que les élus du Pays Basque français acceptent d’aller rencontrer des associations de victimes, en traînant les pieds. Même ces amis qui me suivent, qui sont d’accord avec moi, ne semblent pas partager mes inquiétudes. Le repli identitaire leur semble un danger lointain. Tellement flou qu’il est difficile à combattre. Comment dissiper des brumes autrement qu’en attendant un coup de vent ?

Si je suis inquiet pour rien, s’il n’y aucun danger de repli identitaire au Pays Basque français, alors je m’évertue à combattre des moulins à vent. Ce ne sont pas des monstres lui crie Sancho Panza, ce ne sont pas des chevaliers. Quelle rude vie que celle de Don Quichotte ! Entre les paysans qui le bastonnent, les pèlerins qui le rudoient, sa famille qui se moque, comment peut-il s’obstiner ? Comment tenir bon alors tous les autres ne voient que des moulins à vent ?

Aux élections, les patriotes tournent autour de dix pour cent. Suffisant pour qu’ils soient intégrés dans des majorités municipales ou d’agglo. Tout le monde a besoin de ces dix pour cent pour être élus. En échange, on obtiendra des ikastolas, des cours de basque, des délégations dans les prisons auprès des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée.  Le président d’un festival dira « egun on », l’animatrice dira milesker et personne ne condamnera quelques excités qui brûlent une maison ou une agence immobilières. Pas de quoi en faire un piment d’Espelette.

Les patriotes envoient leur soutien aux indépendantistes catalans, aux autonomistes corses. Ils réclament le rapprochement des prisonniers, le retour des exilés, la réintégration des libérés. Mais on voit bien que ces incursions adultères sont l’admission morne d’une stagnation autochtone. Ils constatent comme moi que ça patine. Bon, ils vont obtenir le rapprochement des prisonniers qui depuis longtemps savent que le combat est perdu. Plus ils sortent de prison, plus la conscience de l’échec sera aigue. Il faudrait qu’ils restent encore quelques années, le temps d’une reprise, on ne sait jamais. S’il n’y a plus aucun prisonnier, il restera quelques sièges à la communauté d’agglo, des négociations aux municipales pour des strapontins, la korrika annuelle sans portraits de prisonniers. Comme de l’axoa sans piment.

Il resterait alors des patriotes sans objectif, des républicains sans adversaires, alors que partout ailleurs menace le repli identitaire. Le grand projet abertzale du siècle dernier est-il devenu un moulin à vent ? Les patriotes ferait semblant de lutter pour l’indépendance et moi je ferais semblant de penser qu’ils constituent un vrai danger.

Ouvrez les yeux. Une coalition sans principes a donné au Pays Basque français des frontières. Désormais, une mécanique s’est mise en route. La frontière doit être justifiée, elle doit entourer des locuteurs, elle doit désigner des résidents, elle doit trouver des ancêtres et louer les martyrs. Ce ne sont pas des moulins à vent qui la dessinent.


vendredi 26 janvier 2018

brûler les maisons, pas les étapes


Et maintenant la question des exilés.

En effet, il y a les prisonniers, et puis les exilés. Ceux qui ont fait partie d’une organisation terroriste, ETA ou Iparetarrak, et qui plutôt que de se présenter devant un tribunal pour être jugés, sont partis à l’étranger depuis des années. Parfois depuis des dizaines d’années. Certains ont refait leur vie. Ne veulent pas revenir. D’autres voudraient revenir comme touristes, revisiter les lieux de leurs crimes, parcourir dans les cimetières les tombes de leurs victimes, partager une manifestation avec les artisans de la paix, être interviewés par Mediabask, prendre la parole au Forum social. Ils ne peuvent pas, car ils risquent d’être arrêtés et d’être jugés pour activités terroristes  en bande armée.

Donc le Forum social, pas les artisans de la paix, chacun son rôle, lance une campagne pour le retour des exilés, qui sera reprise ensuite par les artisans de la paix, qui sera reprise ensuite par les élus de la République, par les maires, par le président du conseil d’agglo et une grande manifestation à Bayonne demandera que la paix soit enfin assurée et définitive quand le dernier exilé pour activités terroristes pourra librement visiter le musée de la terreur à Vittoria.

Mais pas trop vite. Une étape n’est pas une maison, elle ne doit pas être brûlée. Pour le moment, les lessiveurs de mémoire veulent obtenir le rapprochement des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée.  En haut ça traîne. Ils disent, au cas par cas, selon le droit commun. Les patriotes tiquent. Le droit commun, pour nos héros ? Être traité comme un violeur ou un braqueur de banque ? Comme un trafiquant de drogues ?  Ils sont obligés d’accepter, en soupirant, car sinon ils risquent de perdre l’appui des idiots utiles. Puis, disent-ils en haut, avant de rapprocher les criminels, ils devront consulter leurs victimes, les familles. Les patriotes sursautent. Mais ils doivent encaisser, sinon, ils vont perdre le soutien de blanchisseurs pacifiques.

Dans les états-majors, ça discute. Tu as vu en Corse, l’Elysée refuse le rapprochement des prisonniers et l’officialisation de la langue, ils répondent par une grosse manifestation. Tu ne crois pas que c’est le moment d’organiser un grand rassemblement à notre tour. Sur la langue ? Non, sur le rapprochement des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée.  Et sur le retour des exilés. Non, il faut attendre. La Catalogne et la Corse, ça fout la trouille à nos amis modérés. Patience.

Pour faire patienter les patriotes, le conseil d’agglo vient de voter une subvention de 250 000 euros au conseil de développement du Pays Basque, qui a tant œuvré pour que se réalise l’agglo basque, et qui normalement devrait se dissoudre mais veut continuer et récolte une belle subvention en attendant le retour des exilés.


jeudi 25 janvier 2018

excusez moi


Excusez-moi.



Ils étaient douze ou quinze autour de la table, la section socialiste de Biarritz  devait voter mon renvoi devant une commission de discipline parce que je dénonçais publiquement l’appui des élues aux prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée.  Ils ont voté et depuis leur candidat a  recueilli six pour cent des voix aux présidentielles et  Macron a été élu. Imaginez l’inverse : une majorité de socialistes biarrots refuse de me sanctionner et Macron battu par Fillon. Tout est pour le  mieux dans le meilleur des mondes.

Ils m’avaient renvoyé devant une commission disciplinaire et cette décision m’a beaucoup blessé. Je n’ai pas oublié. Les votants ont oublié. Ils n’ont jamais dit, je regrette, c’était une bêtise, ils font comme si rien ne s’était passé.  Biarritz est un village. Je les rencontre dans la rue, au café, à une réception, sur une terrasse, le long de la promenade des plages. Quand je suis avec d’autres personnes, je les présente : « je te présente M…, qui m’a envoyé devant une commission de discipline parce que je protestais contre l’appui des élus socialistes aux prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée ». M… bafouille.

J’ai été exclu du PCF. Parmi les gens qui m’ont exclu, certains m’ont présenté leurs excuses. Ils regrettaient. Je les remerciais. Ne vous en faites pas, nous n’étions pas au pouvoir, donc il n’y a pas mort d’homme. D’autres continuent à me dire bonjour, à me parler, à me dire, les temps étaient durs (pour les exclus comme pour les exclueurs, il y avait des responsabilités partagées), mais sans jamais dire : excuse-moi, je n’aurais pas dû t’exclure. Ceux-là ne se remettent pas en cause. Ils refusent de dire, de penser surtout, qu’ils ont été complices d’un système de massacre des peuples. Ils se rendent bien compte que s’excuser, c’est mettre le doigt dans l’engrenage, c’est commencer à penser que tout leur engagement était d’une historique nocivité. C’est difficile.

Quand il y accident de voiture et blessés ou pire, l’avocat dit à son client, surtout n’allez pas vous excuser auprès de la victime ou de la famille, parce que si vous vous excusez, ça veut dire que vous êtes coupable, et pour l’indemnisation, c’est catastrophique.

Comme responsable du PCF, j’ai exclu des gens. Quand je les rencontre, je m’excuse. Je leur dis, je te prie d’accepter mes excuses. C’est difficile, mais pas impossible. J’ai eu  la force de présenter des excuses parce que je sais que j’été complice de Staline et de  Pol Pot. Comme prof de fac, j’ai harcelé des collègues ou des étudiantes. Quand j’ai rencontré certaines de mes victimes, je leur ai présenté des excuses. Ce fut difficile. J’en ai eu la force parce que je pouvais replacer mes comportements inadmissibles comme partie d’un système de domination et de pouvoir. Si mes comportements étaient compris comme de simples badineries, je ne me serais jamais excusé.

Les excuses sont importantes, elles s’intègrent dans des combats politiques. Elles sont reconnaissance d’une responsabilité. Au Pays Basque espagnol, dans certains quartiers, les victimes rasent les murs. Les bourreaux paradent, font des discours, sont applaudis à la sortie de prison.

Si vous rencontrez Gaby Mouesca, demandez-lui s’il s’est excusé auprès de la famille d’Yves Giumarra. Comment, vous ne connaissez pas Mouesca ? Ah, si bien sûr vous connaissez. C’est Giumarra que vous ne connaissez pas. Yves Giumarra est un gendarme qui a été abattu par les amis de Mouesca dans une forêt des Landes, le 7 août 1983. Gaby Mouesca n’a jamais demandé pardon. En revanche, quand une famille de prisonnier crève un pneu en allant rendre visite à leur fils ou maris emprisonné, Gaby Mouesca demande à l’État français tout entier de présenter des excuses pour la crevaison d’un pneu, pour le rhume de l’épouse, pour la fatigue de la route.






mardi 23 janvier 2018

prudence


Prudence

Les responsables corses sont déçus. Ils n’ont pas obtenu le rapprochement des prisonniers, ni le statut de résident, ni rien du tout. Ils vont manifester. Tout est normal. Ils vont manifester et les abertzale vont leur envoyer des encouragements, peut-être même aller manifester à leur côté. Parce que manifester au Pays Basque espagnol contre la terreur, c’est beaucoup trop loin, au moins trente kilomètres, alors que manifester à Ajaccio, c’est tout près.

Là où je m’impose  une certaine prudence inhabituelle, c’est que je m’apprêtais à dénoncer l’appui à cette manifestation du conseil d’agglo du Pays Basque (CAPB), puisqu’il demande aussi le rapprochement des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée, l’officialisation de la langue, et un petit peu le statut de résident mais pas beaucoup. Or, pour le moment, le conseil d’agglo n’a pas apporté son soutien, ni envoyé de message, rien du tout.
S’ils n’envoient pas de message, ce n’est pas sympathique. Parce que Simeoni et Talamoni ont signé l’appel à manifester, les Corses ont envoyé leur soutien et une délégation pour la manifestation du 9 décembre en faveur des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée. Prudence ?

sans titre


Laurent Ortiz a quitté le groupe « Esprit Biarritz » pour trois raisons : la plage Marbella, l’opposition de Guy à la communauté d’agglo et aux artisans de la paix. Chacun de ces points est politique et n’a rien à voir avec le caractère ou le comportement de Guy Lafite. Le comportement ? Qui ne s’est pas frotté une seule fois à Guy Lafite, ou à Michel Veunac ou à Didier Borotra ?

Pour réagir, il faut conserver un regard politique. Premièrement c’est l’engagement de Guy qui a permis à l’opposition de gauche de passer d’une insoumission inutile à une participation efficace. Vous vous rappelez les élus socialistes dans l’opposition ?  C’est l’engagement de Guy qui a permis à la gauche d’engager des programmes de logements sociaux, de soutenir à une politique solidaire. Oui ou non ? Ensuite, c’est l’engagement non moins total contre le projet identitaire de communautés d’agglo qui a permis à une minorité importante de résister à une vague abertzale, et qui permet aujourd’hui encore de résister à une dérive à la Corse ou à la Catalogne. Enfin, Guy Lafite est parmi les élus le seul à refuser l’emballement de soutien aux prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée.  

Quand Laurent Ortiz reçoit les félicitations de Brisson, de Jean-René Etchegarray, croit-il un instant que c’est pour le féliciter de ses positions balnéaires ? Allons-donc. Leur appui à sa démission est dû à leur politique : réticences sur les logements sociaux, acceptation sans critique des dérives identitaires, oubli des victimes de l’ETA.

En résumé, c’est grâce à  Guy Lafite et à ses soutiens (dont Laurent) que Biarritz est une ville plus solidaire, une ville moins perméable aux dérives identitaires, plus résistante aux sirènes de l’abertzalisme. Sans lui, il y aurait moins de logements sociaux et  Biarritz aurait voté majoritairement pour l’agglo basque.
            Je sais bien que les affrontements de personnes ne se dissolvent pas dans les programmes politiques. Mais ça peut aider.

lundi 22 janvier 2018

je n'ai aucun moyen de vous faire parler


En politique, la parole est d’argent et le silence de bourbe. Qui ne parle pas ne dit rien. On peut ne rien dire en parlant, mais on est certain de ne rien dire en ne parlant pas. S’il y a une seule chose que j’ai retenue de ces années d’engagement, c’est ça. Une feuille de papier et un crayon sont fabriqués pour écrire. Un ordinateur est moyen d’expression. Une main est faite pour demander la parole. Une bouche pour crier. Le curé célèbre une messe pour l’âme de Louis XVI. À l’église Saint-Martin. Personne ne dit rien. Personne ne bouge. Pourtant, les pieds aussi sont faits pour parler. Dans les églises catholiques de Belfast, quand le curé excommuniait les tueurs de l’IRA, les républicains présents se levaient et sortaient. Ils parlaient avec leurs pieds. Quand une personne prononce des paroles nauséabondes dans un dîner, rien n’empêche de dire « ça pue ». Si personne ne dit « ça pue », l’espace de la salle à manger ne sera pas vidangé.

Au Pays Basque, un conseiller d’agglo, Laurent Ortiz, déclare qu’il soutient la manifestation du 9 décembre pour les prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée.  Et il ajoute qu’il a rompu avec Guy Lafite, le chef de file d’esprit Biarritz, parce qu’il ne soutenait pas les artisans de la paix. Personne ne savait que Guy Lafite n’avait pas voté pour la manifestation du 9 décembre, celle qui réclamait le retour à la maison des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée.  Grâce à Laurent, désormais, on le sait. Merci Laurent.

Quand des élus de la République vont visiter en prison des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée, ils préviennent la presse, ils prennent des photos et les font circuler dans les réseaux. Donc, nous sommes au courant. Ça devient un événement. Si un élu va visiter une exposition à San Sebastian sur la barbarie de l’ETA et qu’il ne dit rien à personne, c’est un non-événement.

sélection à l'université


Dans le souci permanent qui est le mien d’améliorer mes relations avec la communauté universitaire en particulier et avec l’humanité en général, je voudrais soumettre une hypothèse sur les mécontentements que provoquent les nouvelles modalités d’accès à l’université chez une partie de mes collègues.

Quand trois quarts des étudiants sont éliminés en première année, la communauté universitaire ne frémit guère. Mais une partie, que j’espère faible, se réveille quand que nouvelles modalités permettent de mieux orienter les étudiants. Ces collègues, qui mettent tous ou à peu près, leurs enfants dans des classes préparatoires aux grandes écoles, où comme chacun sait, la sélection n’existe pas, pour intégrer des établissements prestigieux dont la sélection est absente, se mettent à crier à la sélection dans leur université. Ils sont contre.

Mon hypothèse est la suivante : les étudiants éliminés n’augmentent en rien leur charge de travail. Mais examiner les dossiers sérieusement est chronophage.


dimanche 21 janvier 2018

la gueuse


Dimanche 21 janvier. Anniversaire de la mort de Louis XVI. À l’église Saint-Martin, les prêtres de Mgr Aillet, évêque de Bayonne, invitent à prier pour le martyre du roi et pour les victimes de la terreur révolutionnaire. À la sortie les scouts d’Europe distribuent leur littérature. Deux mouvements politiques se battent au Pays Basque contre le jacobinisme et la République : les intégristes catholiques et les abertzale.  

samedi 20 janvier 2018

sous la plage le monstre


Laurent Ortiz, conseiller municipal élu sur la liste « esprit Biarritz » a démissionné de son groupe. Deux raisons sont avancées. La première concerne les projets de réaménagement de la plage Marbella. La seconde, le soutien aux artisans de la paix qui manifestent pour les prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée.    Laurent Ortiz n’est plus d’accord avec son chef de file, Guy Lafite, sur ces deux points. Il est contre le projet de Marbella et contre le non-soutien de Guy Lafite aux artisans de la paix.

Y-a-t-il un lien entre ces deux points ? Oui. Clair, aveuglant. C’est mon ami Laurent qui trace la ligne entre ces deux points, comme dans ces jeux d’été où le crayon révèle le dessin d’un monstre endormi. Je n’ai aucune compétence et aucune information qui me permette de donner un avis sur Marbella. J’ai entendu des conversations, lu quelques articles, parcouru quelques commentaires. J’ai entendu une musique familière. Marbella est la seule plage où se réunissent les vrais Biarrots, les surfeurs authentiques. Il faut protéger Marbella contre les dérives des autres plages, qui sont désormais terrain de jeu pour touristes. Personne ne le dit comme ça et pourtant je l’ai entendu. Si je suis tout seul à avoir entendu cette musique, si j’ai entendu des voix, j’irai consulter.

Sur le deuxième point, je n’avais jamais entendu mon ami Laurent évoquer les artisans de la paix. Et puis en réponse à mon étonnement exprimé sur la toile concernant un vote unanime du Conseil d’agglo du Pays Basque,(CAPB), Laurent me répond qu’il a effectivement voté l’appel à manifester le 9 décembre pour les prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée. Il est pour la paix au Pays Basque. Depuis, on s’est appelé, il m’a dit qu’il me rappellerait pour qu’on discute du processus de paix. Mais la discussion n’aura pas lieu.

Le nombre de gens qui réagissent à mes opinions sur le repli identitaire au Pays Basque en disant « il faut qu’on en discute », dépasse la centaine. Il faut qu’on en discute mais on n’en discutera pas. On n’en discute pas plus que ma mère peut être objet de discussion politique, ni mes enfants, ni le goût du bouillon de mon enfance. Entre la justice et ma mère, disait Camus, je choisis ma mère. La discussion était close.

Je ne mets pas en cause ces sentiments universels, cet attachement à la terre des ancêtres et je le comprends peut-être plus que d’autres parce que j’en ai été privé. Mais je me battrai jusqu’au bout, de toutes mes forces, contre les forces politiques nauséabondes qui utilisent ces sentiments pour conforter un nationalisme d’exclusion.

jardin secret


Il m’est impossible d’écrire des mots destinés à ne pas être lus. Si j’écris des mots pour ne pas être lu, autant ne pas les écrire, car c’est la seule manière de ne jamais être lu. L’assurance de ne pas avoir de vie est l’avortement ou la contraception. Sinon, vous risquez la vie et c’est un grand risque. De même, dès que vous tracez des mots sur une feuille de papier, sur un écran d’ordinateur, quelqu’un quelque part peut les lire et en retour, vous demander des comptes. En ce sens, facebook a mis fin à l’hypocrisie du journal secret, celui que vous gardez précieusement sous clé au fond du placard, en priant mon dieu que personne ne le découvre, mais intérieurement, vous imaginez le premier lecteur découvrir le carnet cadenassé. Combien de querelles de familles se sont joués autour de mots cachés destinés à être lus, mais pas vraiment. La grande sœur découvre son journal, le jeune frère lui court après pour lui arracher des mains, c’est un journal secret, les colères sont grandes, tu l’as pas le droit.   

Existe-t-il des mots vraiment secrets, que personne d’autre que le scripteur n’a jamais lu ou ne lira jamais ? Stupide question. S’ils existent, c’est qu’ils ne sont plus secrets, abruti.

jeudi 18 janvier 2018

solution finale?


France inter 19 janvier 18. Des voyageurs qui n’en peuvent plus des drogués et des sdf dans le métro.

C’est effectivement insupportable. Mais on ne peut pas supprimer les drogues. Quelles sont les solutions ? Dans certains pays, on élimine les usagers. Impossible chez nous. Donc s’il est impossible de supprimer les drogues et de supprimer les usagers, il ne reste plus que les centres d’accueil, les lieux de consommation, les logements d’urgence.

Mais on ne peut pas à la fois hurler contre la présence des drogués dans le métro ou dans la ville et hurler contre l’ouverture d’un centre d’accueil et de consommation. Parce qu’alors, il ne reste plus qu’une absence de solution.


mercredi 17 janvier 2018

mise en scène


Dites-moi un nom, un parti, une association, un élu, qui ne soutienne pas les artisans de la paix. On entend ici et là chuchoter… mais un désaccord public ? Personne.

Personne ? Si, le lehendakari du Pays Basque espagnol. En réponse à l’invitation pressante de Jean-René Etchegarray, il a répondu « je n’irai pas à la manifestation. Comprenez-moi : les morts sont de notre côté ».

Au Nord, tout le monde applaudit. Au Sud, on entend les acclamations des abertzale radicaux, d’Otegi, de Sortu, qui citent le Pays Basque français en exemple. Et puis cette gifle, le Lehendakari qui refuse, qui dit « les morts sont de notre côté ».

Pour l’ETA, la question était urgente. Comment justifier la terreur, les mille morts, les milliers d’années de prison, sans avoir obtenu rien d’autre que ce que le Quebec, l’Ecosse et la Catalogne ont obtenu sans verser une goutte de sang ?  On pourrait imaginer un cessez-le-feu définitif, une demande de pardon, et puis le silence. Mais ce serait reconnaître l’indicible : ils sont morts et ils tué tué pour rien. Comment sortir de ce guêpier ? Que leur reste-t-il ? Des caches d’armes et des prisonniers. Suffisant pour organiser un grand spectacle. Pour transformer ensuite les prisonniers en « prisonniers politiques » dont il faut demander la libération pour que la guerre soit vraiment terminée. Un spectacle son et lumière, un Puy du Fou patriote avec participation bénévole de la population locale et jeux de piste dans la campagne.

      Un tel scénario est possible au Nord. Impossible au Sud parce que le roman d’Aramburu, Patria, qui parle des années de plomb y est un immense succès de librairie.  Parce que les associations de victimes sont actives, préparent un centre à la mémoire des victimes du terrorisme. « Parce que les morts sont de leur côté ». Parce qu’au Sud on ne demande pas le rapprochement des victimes, les cimetières sont si proches qu’on peut s’y rendre à pied.

Au Nord, c’est possible, parce que personne ne lit Aramburu, personne ne connaît les associations de victimes, le mémorial aux victimes du terrorisme. C’est possible parce que pendant les années de plomb, les Basques du Nord n’entendaient pas l’appel du Sud. J’ai participé à une manifestation à Vittoria après l’assassinat de Miguel Blanco. Avec des élus de Biarritz et leur écharpe tricolore. Le maire de Vitoria est venu nous saluer : bravo, enfin, depuis le temps qu’on vous attendait. Alors œuvrer pour la paix avait un sens.

Mais ici ? Il est possible d’inventer la paix parce que nous avons si peu connu la guerre. Au Sud, ils vivent en paix depuis que l’ETA a cessé le feu. Les élus peuvent se promener avec leur famille sans une dizaine de garde du corps. Il n’y a pas si longtemps ils traversaient la Bidassoa avec le sentiment de partir en vacances, les gardes du corps restaient à Irun et ils allaient librement prendre un café face à la mer à Hendaye. Ils vivent en paix depuis que l’ETA a cessé le feu.

Au Nord, il est possible de dire sans pudeur qu’il ne s’est rien passé depuis que l’ETA a cessé le feu. Qui a inventé que la guerre continue parce que des armes rouillent dans une cave ? Les artisans de la paix, en négociant avec l’ETA. Qui a inventé que la guerre continue quand les prisonniers dans leur majorité demandent pardon, s’engagent à ne plus recourir à la lutte armée, déclarent qu’ils n’ont plus rien à voir avec l’ETA, que ce n’est plus l’ETA qui leur guide la conduite à conduire ? Les artisans de la paix. Au Nord tous acceptent d’applaudir le spectacle des faiseurs de paix parce que ce sont des cérémonies de l’oubli.

Oubliée la honte,  le silence de la société basque quand nos frères appelaient à l’aide. Quand ils avaient vraiment besoin d’artisans de la paix. Quand ils manifestaient après les assassinats monstrueux, les kidnappings d’entrepreneurs. Alors, les artisans de la paix regardaient leurs sandales. Grâce à ce son et lumière, tout le monde pousse un soupir de soulagement. Nous avons contribué à la paix. Grâce à nous, le Pays Basque vit en paix. Nous pouvons oublier la honte de notre silence.

L’ETA offre à nos carabiniers une panoplie de faiseurs de paix pour Noël, et ils vont jouer avec, visiter les prisons, déterrer des armes, faire des discours sur la paix quand il n’y a plus de guerre.

L’effet est nul. L’ETA a cessé le feu sous la pression de l’opinion publique au sud. Il y a dix fois plus d’etarras en prison qu’en cavale. Elle se prépare à la dissolution. Le gouvernement examinera les dossiers au cas par cas. La terreur de l’ETA n’a servi à rien. Le spectacle des artisans de la paix ne sert à rien. Le Pays Basque français se condamne à vivre avec des ombres. Le réveil risque d’être sévère.

Mais nos élus ont reçu un beau cadeau de Noël. Jean-René Etchegarray, tous nos députés et sénateurs, tous les pacifistes de foire, ont l’enivrante illusion d’avoir résolu le conflit israélo-palestinien.

           

mardi 16 janvier 2018

modestie militante


Le combat continue



D’après Mediabask  17 janvier 18, le rapprochement des prisonniers se fera au cas par cas, selon les règles de droit. En concertation avec les autorités espagnoles. La chancellerie souhaite rencontrer les associations de familles de victimes d’ETA. Les auteurs de crimes de sang ne seront pas rapprochés. Cette information est confirmée par un entretien avec Vincent Bru dans le même journal.

Ne mettons pas cette position forte, républicaine et respectueuse d’une société de droit, à l’actif d’un petit groupe de citoyens résistant à la vague des artisans de la paix. Non ce serait se monter le bourrichon. Il s’agit d’une une attitude de principe, de collaboration avec l’état espagnol (dont les artisans de la paix dit qu’il ne fait rien) et avec les associations de victimes (que les artisans de la paix n’ont jamais rencontrées). .

Les abertzale qui pilotent les artisans de la paix vont être évidemment fous de rage. Ce n’est pas du tout ce qu’ils demandaient. Qu’est-ce que c’est que cette distinction entre crimes de sang et transport d’armes, extorsions de fonds et kidnappings ? Et puis qu’est-ce que ces actions en lien étroit avec l’état espagnol dont ils dénonçaient l’inactivité ? Ça ne va pas du tout. Ils vont être très en colère contre ce petit groupe de citoyens qui inlassablement a rappelé les victimes et la terreur. Je leur déclare ici solennellement que ce petit groupe n’a eu qu’une influence mineure, encore qu’un caillou dans la chaussure, à force, ça fait mal.

Autre bonne excellent nouvelle : Vincent Bru annonce publiquement qu’il va rencontrer les associations de victimes en février prochain. Il ne dit pas, parce qu’il sait que nous sommes modestes, que cette décision a été prise après un entretien de deux heures avec Gérard Courtois, Maurice Goldring et Alain Robert, il ne dit pas, parce qu’il sait qu’on ne pousse pas du coude, que ces trois citoyens engagés feront partie de cette délégation en février. Il ne le dit pas parce qu’il sait que ça va agacer encore plus les abertzale artisans de la paix.

Pourtant dans son entretien, il s’attarde sur une entrevue avec des etarras : voici comment : « Ce sont des personnes très construites intellectuellement. Leur approche est intéressante et permet de mesurer le chemin parcouru. Ils dégagent calme, sérénité et sens des responsabilités. Ils sont et resteront des nationalistes basques, mais ils veulent sincèrement tourner la page de la violence au Pays Basque ».

Il aurait pu dire, dût notre modestie en souffrir, de ces trois citoyens qu’il a longuement rencontrés : « Ce sont des personnes très construites intellectuellement. Leur approche est intéressante et permet de mesurer le chemin parcouru. Ils dégagent calme, sérénité et sens des responsabilités »

Le directeur de la prison lui a confié que ces détenus étaient « très corrects ». Alors là, ça m’a fait froid dans le dos. Des assassins très corrects, ça me rappelle les années quarante d’un  autre siècle.  

Vincent Bru a rencontré des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée. Ils étaient très corrects. Vincent Bru a rencontré des citoyens préoccupés par l’oubli des victimes. Il n’en parle pas, par égard pour leur simplicité.

dimanche 14 janvier 2018

identités


Si vous définissez un Juif par sa langue (le yiddish) et sa religion, il n’y a presque plus de Juifs en France. Si le vous définissez par le territoire, la majorité des Juifs n’a pas de territoire et n’habite pas Israël. Par son soutien au sionisme ? Minoritaire. La circoncision ? Une définition qui exclut les femmes, et inclut la majorité des Musulmans et un grand nombre de Nord-américains. Le sang ? Trop de mariages mixtes. Si vous définissez un Basque par sa langue, la majorité des Basques ne la parle pas. Par son territoire ? Il y a plus de Basques qui vivent en dehors des frontières basques qu’à l’intérieur.  Par son soutien au nationalisme ? Il est minoritaire. Par son rhésus négatif ? Il ne reste plus grand monde.

Il faut donc trouver d’autres définitions. Ou plutôt admettre qu’une définition est impossible. Toutes les définitions excluent.

Je propose deux définitions non-excluantes :

La première : Est Juif ou est Basque celui qui se définit comme tel. Chacun décide et j’aimerais bien rencontrer quelqu’un qui me dise : non, tu n’es pas basque. Au nom de quoi ? La langue, le territoire, le nationalisme ? Le rhésus non négatif ?

La seconde : Est Juif ou Basque celui qui se pose la question « qu’est-ce qu’un Juif » ou « qu’est-ce qu’un Basque ». Si vous vous posez la question « qu’est-ce qu’un Juif », vous êtes Juif. Si vous vous posez la question « qu’est-ce qu’un Tchéchène ? » vous n’êtes ni Juif ni Basque. Vous êtes tchétchène. La question « qu’est-ce qu’un Irlandais » vous accorde l’identité irlandaise.

Donc, si je me pose la question « qu’est-ce qu’un Basque ? » et que je réponds « je suis basque », je suis deux fois basque, parce que je me pose la question et parce que je décide de l’être.

eugene Green


Eugene Green est écrivain et cinéaste. Il a réalisé un film en 2015 faire la parole, sur la recherche de la langue basque par quatre jeunes bascophones qui se baladent au Pays Basque en parlant basque.

Eugene Green est attiré par le Pays Basque, par la langue basque, par la défense des langues minoritaires. Il a essayé d’apprendre le basque, mais a abandonné. Trop difficile, dit-il, dans cette salle du cinéma Atalante le samedi 13 janvier 18. Je ne peux pas lui reprocher de faire un film sur la langue basque sans apprendre la langue. Car le problème justement, c’est que l’apprentissage de la langue basque n’est pas nécessaire pour parler de la langue puisque tous les bascophones sont bilingues. Moi-même, j’ai travaillé et écrit sur l’Irlande et sur la place du gaélique dans la société irlandaise sans avoir fait l’effort d’apprendre le gaélique car tous les gaélophones irlandais sont bilingues. Si vous travaillez sur le monde arabe, il est recommandé de parler l’arabe, sur le monde anglophone, il vaut mieux parler anglais, sur le continent chinois, la familiarité avec le mandarin et recommandé. Mais pour écrire, étudier, filmer, le monde de la langue basque ou de la langue gaélique, il n’est pas nécessaire de maîtriser la langue basque ou gaélique. C’est même la principale difficulté dans la survie de ces langues, c’est qu’elles ne sont pas nécessaires. Alors que la langue nationale des pays où ils vivent leur est indispensable dans leur relation avec l’administration, les hôpitaux, les écoles, les entreprises.

Si l’apprentissage d’une langue n’est pas indispensable ou utile ou agréable, comment maintenir cette langue en vie ? Tous les jours des langues disparaissent faute de locuteurs. C’est cette difficulté qu’affronte Eugene Green et il s’en sort mal. Dans son film il enferme l’aspiration à une langue dans une histoire politique dont le feu est désormais éteint et dans une aventure folklorique.

L’histoire politique. La langue basque a été opprimée par l’impérialisme français et castillan. Interdite, pourchassée. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, mais les militants linguistiques parlent toujours de la « violence jacobine », dans une œuvre entièrement financée par les subventions de la République française, CNC, région, département…. Et toutes les écoles ou ces quatre jeunes ont appris le basque ne survivent que sur fonds publics, certainement pas par les contributions des familles.

Surmontant les images, un poète en exil, Joseba Sarrionandia condamné pour activités terroristes, parle d’un ton lugubre d’un petit enfant pour lequel il est prêt à sacrifier sa vie pour qu’il apprenne le basque. Il a surtout sacrifié la vie des autres, 830 victimes de l’ETA, (pour deux millions d’habitants, soit l’équivalent pour la France vingt-cinq mille victimes. Il pourrait revenir, demander pardon en basque, ça serait un encouragement considérable à la langue. Il préfère rester en exil.

Le film enferme la langue basque dans une communauté imaginée, sans contact avec le monde extérieur. Le monde extérieur est hostile (ils ne nous connaissent pas, ils ne connaissent pas notre histoire). Personne ne travaille, sauf une journaliste bascophone dans un journal interdit qui a dû fermer. L’avenir, c’est la construction d’un groupe de chanteurs.

La langue peut survivre dans la mémoire d’une histoire héroïque ou guerrière, dans la musique d’une communauté fermée, mais pour combien de temps ? Si elle ne s’ouvre pas à d’autres horizons, son avenir est sombre.

Le nombre de bascophones en France diminue régulièrement. Si vous voulez savoir pourquoi, allez le film d’Eugene Green.




samedi 13 janvier 2018

ecu eusko euro


Jean-René Etchegarray voudrait utiliser l’eusko comme monnaie co-officielle de la communauté d’agglo du Pays Basque (CAPB). Il devrait regarder le débat présidentiel entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron, ce moment baroque où elle voulait ressusciter l’ECU entre le franc et l’euro.

Rappelons que l’ETA a toujours refusé l’eusko comme paiement de l’impôt révolutionnaire.

assassins et victimes


Victimes et assassins



Gérard Oyhamberri le remarque. Dans la langue abertzale, une personne abattue par le GAL est assassinée. Une personne abattue par l’ETA est une victime. L’assassinat est un meurtre avec intention de donner la mort. Une victime peut être tuée par accident, sur un passage à niveau. On ne dit pas « un skieur a été assassiné par une avalanche ». On dit, une policière a été assassinée par un djihadiste.

Pour prendre des exemples et afin de vous entraîner : Yoyés est victime d’une balle perdue. Des djihadistes ont été assassinés par l’armée française. Miguel Angel Blanco est victime d’un accident de tir. Les frères Coulibali ont été assassinés par la police française.

Les mots sont importants. Si les morts dues à l’ETA n’ont pas été assassinés, leurs assassins ne sont pas des assassins. Ils doivent être jugés pour homicide par imprudence.

vendredi 12 janvier 2018

élites


Elites

Entre l’heure où je me lève, entre cinq heures et sept heures du matin, j’écris des mots dont certains se retrouveront sur le livre des visages, sur un journal électronique. Sur mon journal électronique, quelques dizaines de lecteurs dont je connais le nom. Mes textes sont comme un voyageur de métro aux heures de pointe, perdu dans la masse, parmi des photos d’animal familier, des  paysages du soir et des nouvelles de l’appendicite du petit avant-dernier.

Certains de mes lecteurs disent « j’aime ». Je n’arrive pas, je n’arriverai pas, même sous la torture, à dire « me likent ». Pourtant il suffit de remplacer le k par un s pour que la phrase prenne sens. Quand j’écrivais des articles dans la presse communiste, puis dans la presse anticommuniste, puis dans des revues universitaires en français et en anglais, j’avais moins de j’aime. Moins de réactions que sur le livre des visages. Et depuis que j’écris sur le livre des visages, j’ai retrouvé des lecteurs de mes articles qui me disent qu’ils aimaient mes articles, mais ils me le disent maintenant, remarquez, il n’est jamais trop tard.

Des livres que j’ai écrits, certains ont été suivis de bonnes recensions, d’autres sont restés confidentiels. Tout ça pour dire que cette plage horaire de cinq à sept, quand j’écris au minimum une page parfois plus, est celle qui me rattache au monde. Ensuite, je lis, je dors, la presse, des livres, je dis bonjour.

Je fais partie d’une élite qui sait que la terre est ronde et qu’elle tourne autour du soleil et pas l’inverse. Une élite qui ne croit pas en Dieu. Je suis entouré de gens qui croient en Dieu, qui croient en une équipe de football ou de rugby, qui pleurent quand une chanson s’arrête. Ils pensent que je les méprise. Pas du tout. Une élite n’existe qu’en relation. L’élitisme est un rapport, une opposition, une façon de faire face. Tout le monde fait partie d’une élite. Par rapport.

Je ne vais pas demander pardon d’avoir travaillé, réfléchi, confronté, discuté, cherché dans les archives de Paris, Londres, Dublin, Belfast, New-York, participé à des colloques où l’on me demandait des preuves, des traces, des hypothèses, écrit des articles acceptés ou refusés. D’être un intellectuel dont la carte d’identité est d’avoir des activités intellectuelles.

Il y a des gens qui méprisent les élites, qui disent qu’elles ne connaissent pas le peuple, qu’elles ne prennent jamais le métro, qu’elles n’ont jamais des fins de mois difficiles. Des démagogues de l’extrême vacuité, à gauche ou à droite. Ceux qui méprisent les élites méprisent le peuple. Ils pensent que le peuple n’est pas capable de penser.

jeudi 11 janvier 2018

hurler avec les louves?


Le monde 10 janvier 2018. Une autre parole : un collectif de femmes dénonce le puritanisme de la campagne metoo.



Dans cet appel, le viol est condamné. Sans doute aussi le meurtre. Encore que le meurtre passionnel pourrait être l’expression « d’une grande misère sexuelle » comme de se frotter dans le métro. Mais tout le reste peut se justifier. La drague insistante ou maladroite n’est pas un délit. Ni la galanterie une agression machiste. Une campagne de délation qui a fait des victimes innocentes : toucher un genou, tenter de voler un baiser, envoyer des messages à connotation sexuelle. La liberté d’importuner est indispensable à la liberté sexuelle.

 Cette campagne est dénoncée comme puritaine. Au nom d’un prétendu bien général, on emprunte les arguments de la protection des femmes pour mieux les enchaîner. Crier contre les gestes équivoques, la drague brutale, c’est la même chose que de couvrir les nus des tableaux, de censurer les œuvres d’art. Cette fièvre de délation sert les pires réactionnaires, la morale victorienne. Un climat de société totalitaire. Un féminisme qui prend la forme d’une haine des hommes.

Tout a été dit en réaction à ce texte. La sagesse me conseille le silence.  Mais je sens que je vais parler. Tellement ça m’énerve que je n’y tiens plus.

J’ai lu ce texte attentivement. Il est dans la lignée de tous les textes condamnant les avancées des droits des femmes, depuis le suffrage jusqu’au divorce, l’IVG, la contraception. Toutes ces avancées ont retiré du pouvoir aux hommes et donné du pouvoir supplémentaire aux femmes. Toutes ont rendu nos sociétés plus paisibles, plus intéressantes. Dans ces campagnes, les femmes n’ont pas toujours été du côté des droits des femmes. Beaucoup de femmes ont été contre le divorce, contre le droit de vote, contre l’IVG, contre la contraception. L’égalité des sexes suppose un pourcentage de réactionnaires aussi important chez les femmes que les hommes. Il y a des Noirs et des Juifs racistes.

En fin 19ème siècle, des femmes s’opposaient au droit de vote. Des femmes s’alarmaient de ces femmes qui passent le matin à lire Malthus, l’après-midi à Adam Smith, et leurs soirées des rapports parlementaires sur la balance commerciale. (Blackman’s magazine, octobre 1861). L’auteur leur demande de revenir sur terre : « descends, veux-tu, car l’amour est dans la vallée » ». Une dame, dans the Catholic Bulletin (1901) se plaint des suffragettes : « depuis que les femmes réclament le droit de vote, les hommes ne se lèvent plus pour leur céder la place. D’autres femmes interviennent contre les suffragettes : on nous demande de détester les hommes, je ne veux pas les détester. Nous voulons  être protégées. Allez à la bibliothèque nationale, vous y trouverez sans peine les ancêtres de Catherine Deneuve et d’Elizabeth Lévy. (si vous êtes intéressé, voyez mon livre « Tu ne voteras point, éditions Atlantica).

Est-ce si compliqué de penser le harcèlement comme la nostalgie d’un pouvoir qui échappe ? Comme l’un des moyens privilégiés de freiner ou de remettre en cause les droits nouveaux exercés par les femmes dans tous les domaines ? Des rapports de pouvoir. De haut en bas. Vous avez entendu parler d’un chauffeur agressant Theresa May, un garde du corps importuner Madame Merkel, un conseiller envoyer des messages équivoques à Christine Lagarde ? En revanche, des puissants qui importunent des stagiaires ou des femmes de chambre…

lundi 8 janvier 2018

il faut imaginer le sparadrap heureux


Il faut imaginer le sparadrap heureux



Loïc Corrégé m’appelle pour m’empêcher de parler « au nom de la République en marche » sur la question de la langue basque. J’avais annoncé que j’interviendrai au cinéma le Royal dans une réunion sur la langue basque pour préciser la position de l’Elysée et de Matignon sur les langues régionales. Pas d’officialisation.

Loïc me dit que je ne suis pas le porte-parole de la République en marche et je n’ai pas le droit. Je réponds que j’ai le droit, et même le devoir, de défendre la position de notre gouvernement. Non je n’ai pas le droit.

Je lui ai dit, tu te rends compte si Emmanuel Macron, à qui on disait qu’il n’avait pas le droit de fonder un nouveau mouvement, avait obéi, il ne serait pas à l’Élysée aujourd’hui. C’est un exemple à suivre d’initiative citoyenne.

Je lui dis que grâce à mes interventions interdites, une délégation composée de citoyens engagés et de deux élus, Vincent Bru et Max Brisson, iront en janvier prendre contact avec les associations de victimes. Je n’ai pas le droit de m’engager ainsi. Je ne suis pas le porte-parole de la République en marche.

Mais la République en marche ne s’est engagée sur la question  basque que pour soutenir la manifestation du 9 décembre où les élus de la majorité défilaient derrière une pancarte « nous les voulons à la maison », c'est à dire qu’ils demandaient l’amnistie des prisonniers basques condamnés pour activités terroristes en bande armée.  Ils avaient le droit ? Les revendications de cette manifestation étaient en totale opposition avec le gouvernement de la République en marche. En m’opposant à cette manifestation et à ce soutien, je me trouvais de fait le porte-parole de la République en marche.

Mais je n’ai pas le droit.

Je déclare donc qu’il y a deux porte-paroles de la République en marche sur la question basque : ceux du département, des opposants à la politique gouvernementale. Et moi, qui soutiens le gouvernement.

corse pays basque


Siméoni, dirigeant autonomiste corse, reconnaît qu’il y des points de blocage dans la négociation qui s’ouvre avec l’état français : la co-officialisation de la langue corse, le statut de résident et l’amnistie des « prisonniers politiques ». (Le monde 7 janvier 18).

Les points de satisfaction : la volonté du gouvernement de donner les moyens techniques, juridiques et financiers nécessaires pour que fonctionne la nouvelle collectivité territoriale.

Je ne comprends pas. Je ne comprends rien. Y-a-t-il une seule collectivité territoriale qui ne dispose pas des moyens techniques juridiques et financiers nécessaires pour son bon fonctionnement ? Sinon, à quoi bon la créer ?

À moins que les seules véritables raisons de créer une nouvelle collectivité territoriale soient précisément les « points de blocage ». La langue, nécessaire pour la nation corse, le statut de résident, l’équivalent de la carte d’identité pour l’État, et l’amnistie pour les « prisonniers politiques », c'est à dire la reconnaissance de la patrie aux bandits et mafieux. Pour le reste, il faut que le gouvernement de la République donne à cet ensemble les moyens de fonctionner. Parce qu’il ne fonctionne pas en ce moment ?

Je suggère le rassemblement du Pays Basque français et de la Corse en une seule collectivité territoriale où trois langues seraient officielles, où le statut de résident permettrait de résider à Bastia ou à Bayonne, où les prisonniers basques et corses condamnés pour activités terroristes en bande armée deviendraient des prisonniers politiques.

Il faudra que le gouvernement donne les moyens techniques, juridiques et financiers nécessaires pour que fonctionne cette nouvelle collectivité territoriale. Broutilles. L’essentiel sera la langue officielle, la carte de résident et l’amnistie de la terreur patriote.

dimanche 7 janvier 2018

conseils


Il est temps de décider de ne pas donner de conseils, parce que toute une vie de conseils m’a servi de leçon, et si j’ai une leçon à donner, c’est de ne pas donner de conseils. Même si c’est dur.

Si malgré tout, vous ne résistez pas, voici quelques conseils pour donner des conseils. Pour faire la leçon. Premièrement, ne pas donner des conseils à tout le monde. C’est comme donner des conseils à n’importe qui. Quand j’entends la déferlante des conseils imprimés, radiodiffusés, reseauxsocialisés, je me dis que ces conseils ne servent à rien car ils s’adressent à tous, donc à personne. Il faut choisir vos interlocuteurs, ceux qui peuvent vous entendre sinon vous comprendre, réagir, contredire, approuver. Mais surtout pas à tout le monde. Ridicule.

Pour qui a une fibre sociale, solidaire, humanitaire, ne pas donner de conseils à ceux qui ne s’intéressent qu’à eux-mêmes, encore que s’intéresser aux autres peut-être de nature égoïste.

Une fois choisis vos interlocuteurs, réduire vos conseils au possible. Vous n’êtes pas un rêveur de l’impossible, un prophète du Grand Soir suivi d’un morne matin, vous n’êtes pas un charlatan, un guérisseur, un gourou. Contre la fièvre des grands rassemblements, conseillez le vaccin qui donne à l’enfant une vie de merde ou de bonheur. Le vaccin ne prédit pas,  il  permet. Il donne le choix. Voilà le bon critère : donner des conseils qui ne vont pas transformer la vie, mais seulement permettre de choisir entre différents domaines, de vous dégager des assignations de sexe, d’ethnie, de quartier, de naissance…

Ce que j’apprécie chez Macron, c’est cette absence totale de rêve, d’enthousiasme, d’élans collectifs, mais la construction de possibles. Construction parfois terne, mais une main qui tire du bourbier des déterminismes.

Cette politique est l’équivalent de ce qu’on appelle en toxicomanie la réduction des risques. Difficile d’empêcher le recours aux drogues, mais on peut distribuer des seringues propres. On peut soigner les abcès. Pour qui se tape la tête contre les murs, les matelasser.

Mieux vaut la réduction des risques que les risques de réduction.


samedi 6 janvier 2018

statut de résident


Le statut de résident

Seuls ne comprennent pas ceux qui ne veulent pas comprendre. Vous vivez dans un lieu touristique de plus en plus prisé, (par exemple, la Corse ou le Pays Basque), les touristes sont prêts à acheter à prix d’or des résidences de vacances. Vous, qui n’êtes pas touristes, vous qui vivez au pays, vous n’avez plus les moyens de louer ou d’acheter un logement dont le prix flambe. Pas le logement, le prix.

Pour combattre ce fléau social qui rejette les enfants du pays de plus en plus loin des côtes, parce qu’ils n’ont plus les moyens d’acheter une maison ou un appartement proche de la mer, les nationalistes corses ou basques proposent un statut de résident. Seuls pourront acheter un terrain ou un logement les personnes qui habitent depuis plus de cinq ans au pays (Corse ou Pays Basque).

Apparaissent immédiatement des objections. Vous êtes une famille corse ou basque dont les racines plongent dans la nuit des temps, mais vos enfants se sont exilés pour trouver du travail. Ils n’habitent pas le pays, mais aimeraient bien acheter une maison de vacances. Il faudra bien évidemment leur accorder le statut de résident. Pas résident par le sol, mais par le sang. Maintenant, imaginez que votre fils aîné divorce et que sa femme, maintenant divorcée, souhaite acheter une maison pour ses enfants. A-t-elle le droit d’acheter, mérite-t-elle le statut de résidente ? Peut-on perdre le statut de résident ? Dans ce domaine, jusqu’à quel point de relations familiales peut-on acquérir ou perdre le statut de résident? Un cousin de résident peut-il être résident alors qu’il a passé toute sa vie comme trader aux États-Unis ?

Vous êtes résident. Vous souhaitez vendre votre propriété pour aller faire le tour du monde en trimaran. Le voisin veut bien acheter votre bien, mais un non-résident vous en offre le double. La nouvelle loi peut-elle interdire à un résident le droit de faire le tour du monde en trimaran ?

Vous êtes universitaire. Vous avez passé votre vie à étudier l’histoire et la littérature corse ou basque sans vivre au pays. Résident ou pas résident ? Pierre Loti, L’auteur de Ramuntcho était-il résident ou pas résident ? Prosper Mérimée, résident ou non ? La personne qui vit en concubinage notoire avec l’héritière d’une vieille famille basque est-elle résidente ou pas résidente ?

Ces objections ne doivent pas effacer la difficulté initiale, qui est le logement pour les jeunes basques ou corses. La solution qui apparaît être la meilleure serait la construction de logements sociaux accessibles plutôt qu’une loi ou un statut impossible à mettre en œuvre. Mais si vous construisez des logements sociaux à loyer modéré, vous aurez des dossiers prioritaires pour des familles immigrées qui vivent au pays depuis moins de cinq ans. Faudra-t-il accorder priorité aux résidents ?

L’autre solution est de menacer les non-résidents, les spéculateurs immobiliers, de taguer les murs (« la Corse ou le Pays Basque ne sont pas à vendre » ou « dehors les étrangers »), et pour que ces menaces soient prises au sérieux, d’incendier une ou deux fois par an une propriété achetée par un non-résident.

Quand les propriétés brûlent, les prix ne flambent pas.