dimanche 30 décembre 2018

Buber Neumann


Margarete Buber-Neumann, épouse d’un responsable communiste allemand, fuit le nazisme en 1937 pour Moscou. Le couple est accusé de déviationnisme. Son mari est arrêté, jugé, il disparaît, sans doute exécuté. Margarete est déportée en Sibérie. En 1940, elle est livrée à la Gestapo par Staline,  avec d’autres antifascistes allemands,  et déportée à Ravensbruck.  



            Elle écrit son expérience dans Prisonnière de Staline et d’Hitler, Le Seuil  1949. En 1949, elle témoigne au procès Kravchenko (auteur de « J’ai choisi la liberté), et pour la première fois, compare les camps hitlériens et les camps staliniens.



            Je n’ai pas lu son livre quand il est paru. Je n’ai pas lu sa déposition au procès Kravchenko. J’ai lu « J’ai choisi la liberté à la bibliothèque de la ville de Saint-Quentin. Je ne l’ai pas acheté, bien évidemment. Mais à l’époque, le fait d’aller aux sources, de lire le diable, était d’une folle audace. Je trouvais dans ce livre des arguments supplémentaires pour mes convictions communistes.



            Quand elle a témoigné au procès Kravchenko, la presse communiste s’est déchaînée contre ce témoin qui osait comparer Ravensbrück et le Goulag. Elle fut traînée dans la boue.



            Depuis, je cite son expérience quand on me reproche de comparer le stalinisme et le nazisme. Elle  a le droit de comparer puisqu’elle a subi les deux systèmes. Personnellement, quand j’affirme qu’on peut comparer (dans éloge de l’infidélité) c’est seulement une position politique.

samedi 29 décembre 2018

le sac et la chemise


Lui fait tourner les chemises. Il en possède une dizaine. Il les porte généralement trois jours. Quand elle sort de la machine, quand elle a été repassée, elle est rangée en queue de file et attend sagement son tour. Elle est remplacée par la chemise en tête de la rangée. Ce n’est pas très compliqué à comprendre.

 

Elle aime les sacs. Quand elle remarque un sac qui lui plaît, elle l’achète et cet achat annihile tous les autres sacs, qui sont nombreux, sans excès. Dans les jours qui suivent, parfois des semaines, elle ne porte plus que le sac le plus récent, vante ses poches variées, l’harmonie de ses couleurs.

 

Lui dit, heureusement que je ne suis pas un sac, parce que je serais remplacé au bout de quelques semaines par un autre sac et je disparaîtrais dans le cimetière des sacs rejetés.

 

Elle dit, heureusement que je ne suis pas une chemise, parce que je serais utilisée trois jours, et puis il me faudrait attendre presqu’un mois avant d’être portée à nouveau.

 

Ensemble ils disent, heureusement que nous ne sommes ni une chemise ni un sac. Si l’un était une chemise et l’autre un sac, jamais au grand jamais nous n’aurions pu faire couple.

 

Les choses sont parfois bien faites.

morne plaine


Notes sur un article de Barbara Loyer, « le juste en son reflet : réflexion sur l’ETA ». (Presses universitaires de Rennes, 2018).

 

            Dans l’Espagne démocratique, la violence politique avec mort d’homme dans une société qui permet toutes les formes d’expression politique, « ne doit pas être relativisée par le sentiment d’injustice » dont feraient état les assassins et leurs soutiens. Ce « relativisme » (tuer, ce n’est pas bien, mais…) « met en péril la société ». Au Pays Basque, des profs d’université, des journalistes, des élus, ont dû quitter leur région pour échapper à la menace. Au Pays Basque le terrorisme est un ensemble de faits, une liste de victimes. L’analyse de ces faits doit « reposer sur une évidence » : « tuer un homme n’est pas défendre une idée, c’est tuer un homme ».  

 

            A cette conception s’oppose l’interprétation de ces morts comme le résultat d’un « conflit », un conflit entre les nationalistes et l’état espagnol (et français). La paix est la fin de ce conflit et la reconnaissance du statut politique et militaire des emprisonnés.

 

            Pour ceux qui condamnent sans réserve, sans justification, le recours à la violence meurtrière dans un pays démocratique, il n’y a pas de conflit, pas de paix, mais la victoire de la démocratie sur le terrorisme.

 

            Ce débat classique du post-terrorisme fait rage au Pays Basque espagnol. Au Pays Basque français, il n’existe pas. La société politique, les élus, les journaux, acceptent l’idée d’un « conflit » entre terroristes et états qui doit se terminer par des négociations, par la reconnaissance du statut politique des assassins. Ceux qui ne sont pas d’accord se taisent. C’est pourquoi les héritiers des assassins félicitent tous les jours, dans les discours, dans leur presse, dans leurs manifestations, une société basque française qui reprend leur récit mot pour mot. Il faut terminer le « conflit » par des mesures de rapprochement ou d’amnistie. Les héritiers des assassins félicitent « une classe politique responsable ». Ils félicitent le député Vincent Bru qui sort d’une entrevue avec un prisonnier en déclarant qu’il était «correct ». Vous avez bien lu. « correct ». Pas avec un K. avec un c.

 

            Ce relativisme nous dit Barbara Loyer, « met en péril la société » toute entière. La grande majorité des élus du Pays Basque français, en adoptant la thèse d’un « conflit » qu’il faut terminer, en reprenant ainsi les thèses des assassins de l’ETA, fragilisent la démocratie. On ne les entend pas beaucoup, même pas du tout, protester contre les actions illégales des jeunes « patriotes », contre les actions illégales des gilets jaunes. Ils ne peuvent pas, ils se sont liés les mains avec leur soutien aux thèses de la gauche abertzale la plus radicale.

 

            C’est pourquoi il importe de saluer ceux qui sauvent l’honneur du Pays Basque français, qui ont pris position publiquement contre les blanchisseurs de terreur que sont les « artisans de la paix ». Les élus Jean-Jacques Lasserre, Brigitte Pradier, Alain Robert. La liste est brève. Ils se remarquent d’autant plus que leur station debout se détache sur une morne plaine d’échines courbées.

jeudi 27 décembre 2018

GJCGJ


Les gilets jaunes n’aiment qu’on leur impose. Des impôts, des règlements, des codes…



Un nouveau mouvement vient de naître. Un mouvement des gilets jaunes contre l’obligation du gilet jaune dans la voiture.



Il se nomme GJCGJ. Gilets jaunes contre Gilets jaunes.



Les manifestations ont lieu dans les grandes avenues commerciales, la nuit de préférence. Sur les boulevards périphériques, les autoroutes. Personne ne les voit et le ministère de l’intérieur est incapable de chiffrer le nombre de manifestants, puisqu’ils ne portent pas de gilets jaunes.



Le nombre de victimes est élevé. Les conducteurs ne voient pas ces GJCGJ. Les manifestants accusent le gouvernement. Si les gilets jaunes n’étaient pas obligatoires, disent-ils, ils ne seraient pas obligés de ne pas en porter. Et voyez le résultat.



Les hommes politiques sont perplexes. Jean-Luc Mélenchon soutient le mouvement, mais quand il enlève son gilet jaune, il est accusé de trahir le mouvement des gilets jaunes. Laurent Wauquier a juré devant caméra que s’il ne porte pas de gilet jaune, ce n’est pas prendre position contre les gilets jaunes. Il a ajouté qu’en portant un gilet jaune, il n’avait pas non plus pris position contre les GJCGJ. Marine Le Pen a déclaré qu’elle comprenait la colère de ceux qui étaient obligés d’acheter un gilet jaune.


j'ai la réponse


Il faut dire ce qui est. Tout le monde sait parfaitement ce qu’il faut faire. A peu près dans tous les domaines : macroéconomie, finance internationale, écologie, santé, éducation, loisirs. Vous vous mettez face au présentoir d’un marchand de journaux et vous trouvez immanquablement des solutions à tous vos problèmes. Les réponses existent avant même que les questions apparaissent.

Tout le monde connaît les bonnes réponses et telle est la raison d’une mauvaise humeur ambiante. Mettez-vous dans la peau d’un prof qui explique à sa classe que deux et deux font quatre, patiemment, il pose deux bananes sur son bureau, ajoute deux bananes et se tourne vers la classe, triomphalement. Il s’attend à provoquer une forêt de mains levées, m’sieur, m’sieur, deux et deux ça fait quatre. Et il se rend compte alors que pour une partie de la classe, deux et deux ça fait trois, ou cinq. Non seulement une partie des élèves n’accepte pas le résultat, mais certains proposent un référendum pour décider quelle est la meilleure solution. Un QCM, deux et deux, ça fait combien ? Trois réponses possibles, trois, quatre, cinq. Cocher la case qui vous semble la bonne réponse.

Voilà le problème. Les réponses ne sont pas toutes les mêmes, mais chaque porteur de réponse est persuadé que sa réponse est la meilleure. Dans l’exemple donné ci-dessus, essayez de dire au patron que vous avez pris deux fois deux cafés, donc je vous dois trois cafés. Essayez pour voir.

La tentation est alors forte de s’énerver. Parfois, les gestes, les actions les plus spectaculaires, les agressions les plus glaçantes, finissent par remplacer les démonstrations inutiles, puisque vous avez en face de vous une personne qui prétend connaître une réponse plus juste que la vôtre. Devant ces difficultés, les réactions divergent. Certains renoncent, pensent que ça n’en vaut pas la peine. D’autres persistent, répètent leur démonstration, se tapent la tête contre le mur. Galilée, devant la menace du bûcher, s’est incliné devant l’église. Jean Hus, plus courageux, est mort dans d’atroces souffrances pour défendre des vérités que tout le monde a oubliées. Jan Palach, lassé d’expliquer aux soldats russes que l’invasion de la Tchécoslovaquie n’était pas la bonne solution, s’est immolé par le feu, est mort de ses blessures. Vous croyez qu’il a convaincu l’armée soviétique ? 

Personnellement, je fais partie des gens qui disposent de bonnes solutions à de nombreux problèmes, mais je sais que si les annonce publiquement, elles seront immédiatement réfutées par des ignorants ou par des carriéristes sans scrupule. C’est pourquoi j’évite de les rendre publiques. Je ne les donne que sur demande, vous m’envoyez une enveloppe timbrée et je vous donnerai la réponse. Dès réception, il vous appartiendra de trouver la question qui correspond.

mercredi 26 décembre 2018

le marteau sans maître


Mademoiselle Hamel, professeur de piano, tenait beaucoup, insistait même,  à son titre de Mademoiselle, jusqu’à son mariage tardif avec le père d’un ami marchand forain comme mes parents. Elle donnait des cours de piano. Toutes les familles bourgeoises de la ville de Picardie tenaient à ce que leurs enfants, garçons ou filles, accèdent à la maîtrise d’un instrument de musique. Violon ou piano. Des années plus tard, la guitare remplacerait les prestigieux instruments. La flûte ne comptait pas. Tout le monde jouait de la flûte dans les écoles primaires. Le violon trônait dans les premières places parce que le violoniste créait les notes, elles ne se présentaient pas toutes prêtes aux doigts de n’importe quel marmot assez grand pour accéder au clavier. Pour jouer du violon, il fallait de l’oreille. Mon oreille n’existait pas. Mademoiselle Hamel, qui complétait ses revenus en donnant des cours de solfège au conservatoire de Saint-Quentin, tapait des notes sur le piano que je devais traduire en signes noirs sur une portée et je constatais que mes signes et les notes de Mademoiselle Hamel ne coïncidaient pas. Pourtant, je ne chantais pas plus faux qu’un autre et si l’idée bizarre de cacher mes qualités musicales dans un chœur d’enfants m’était venue, j’aurais sans doute été accepté. Les affirmations se répétaient semaine après semaine Je n’avais pas d’oreille. Les oreilles physiques qui prenaient mon visage en étau comme des presse-livres, n’existaient pas, puisque je n’en avais pas. Quand ma mère approchait un gant savonneux en criant dans une langue étrangère qu’elle allait me nettoyer ce qui n’existait pas, je lui répondais en une langue pour elle étrangère qu’elle allait nettoyer rien du tout, puisque je n’en avais pas. Mon père intervenait alors dans une troisième langue que je ne comprenais pas, sans doute parce que je n’avais pas d’oreille, pour dire à ma mère qu’elle n’écoute pas mes bêtises et qu’elle nettoie l’absence d’oreille comme si elles étaient vraies.

Violon ou piano, il fallait s’exercer. Travailler. Une heure par jour disait Mademoiselle Hamel jusqu’à son mariage avec le père de mon ami Michel. Jusqu’à ce qu’elle devienne tardivement Madame et puisse ainsi acheter les premiers microsillons en vinyle et l’appareil qui accompagnait et ce devait être très cher puisque Mademoiselle Hamel, tardivement Madame, malgré les cours particuliers de toutes les familles de marchands forains, plus les cours de solfège du conservatoire municipal, n’a pu accéder à cette qualité de son, et cette durée surtout, presque une demi-heure avant de changer de face, qu’en épousant le père de l’un de ses élèves. Et ce père, qui n’avait aucune culture musicale, à partir du moment où il comprit que son mariage qui transforma Mademoiselle Hamel en madame avait pour raison principale l’acquisition d’une discothèque de microsillons, exhibait la machine à tourner les galettes noires comme un époux montre l’échancrure du corsage de la nouvelle épousée.

Il fallait travailler. Monter les gammes. De do à do, puis redescendre de do à do. En respectant le doigté. Si je ne respectais pas le doigté, le rythme s’en ressentait immédiatement. C’est par la musique que j’appris à respecter le doigté. Agir avec doigté. Ne pas brûler les étapes, taper fort ne vous mènera nulle part, si vous ne respectez pas le doigté. Tous ces gens qui crient fort, qui cassent les vitrines et leur propre vie, n’ont jamais appris le doigté et résultat, ils passent sans transition de Petit papa Noël au marteau sans maître qui brise les vitrines.

mardi 25 décembre 2018

etat de siège




Scènes de la vie quotidienne.



Benjamin Grivaux vient au Pays Basque tenir une réunion publique. Pour éviter les gilets jaunes et les Seaska et les EH Bai et les Bake Bidea, le lieu de la réunion est modifié au dernier moment. Ce qui n’empêche pas les manifestations. Mais la réunion a lieu quand même. Après discussion obligée avec les gilets jaunes.



Une visite d’Emmanuel Macron est prévue à Biarritz le 18 décembre 2018. Visite annulée parce que les gilets jaunes plus Seaska, Bake Bidea etc… ont prévu de manifester contre la visite du président, et aussi contre la tenue du G7 à Biarritz.



Le responsable de La République en Marche convoque une réunion du comité Biarritz pour le 10 janvier prochain. Il précise que le lieu de la réunion sera donné au dernier moment. Pour éviter l’intrusion des gilets jaunes et autre manifestants.



Sur tout le territoire, les gilets jaunes manifestent où ils veulent, sans demander la permission, sans négocier le parcours de la manifestation. Certains gilets jaunes cassent, pillent, attaquent les forces de l’ordre. Dix morts depuis le début du mouvement.



Le président leur accorde une part importante de leurs revendications. Il leur écrit des lettres. Le gouvernement comprend les raisons de la colère.



La France est en état de siège. Pas du fait du gouvernement. Du fait d’une minorité, qui décide seule et impose seule les manifestations, la brutalité, l’illégalité. Dans les ronds-points, les gilets jaunes imposent leur loi. Vous klaxonnez, vous donnez de ‘l’argent, vous signez une pétition pour demander la démission du président, sinon vous ne passez pas. Le chauffeur du car scolaire met un gilet jaune en évidence, il transporte un groupe scolaire qui va jouer un match de foot, s’il ne signe pas, l’équipe ne pourra pas jouer.



Au Pays Basque, c’est tous les jours comme ça. Les abertzales manifestent sans demander la permission, les élus défient l’autorité de l’état et défendent des terroristes comme s’ils étaient des prisonniers politiques.  



Au Pays Basque, des jeunes patriotes incendient des maisons, noircissent les panneaux routières qui ne leur plaisent pas, stoppent les TGV dans les gares. Cassent des agences immobilières. Du temps de l’ETA, ça s’appelait la calle borroka. Dans l’acceptation active ou résignée des élus, de la population. Quand je disais que de tels agissements mettaient la démocratie en danger, on me répondait tu exagères. Maintenant que ces agissements sont repris à  l’échelle de la nation, on comprendra peut-être mieux mes avertissements.

samedi 22 décembre 2018

ce qui est rare est cher


            Ceux qui m’aiment et me suivent savent que les trottoirs de Biarritz sont malcommodes, malaisés, inaptes à soutenir les genoux arthrosés, les hanches prothésées, les roulettes des caddys, les poussettes des nouveau-nés.  La solution à ces difficultés m’est depuis longtemps apparue évidente. Puisque les trottoirs sont impraticables et les chaussées plus accueillantes, j’ai depuis longtemps quitté les trottoirs pour me déplacer sur la chaussée.

 

            Je pratique ce sport depuis quelques années. Les voitures qui me croisent ou me doublent ralentissent. Si je me range, le conducteur me remercie de la main qui ne conduit pas. Parfois, une légère accélération, un doux signal sonore m’annonce l’arrivée d’un véhicule. Jamais de remarques acerbes, jamais de klaxons déplacés. C’est pourquoi l’inquiétude de la personne avec qui je partage ma vie me semble infondée. « Un jour me dit-elle, tu te feras fauché par une voiture ». Je la rassure. A Biarritz les piétons et les etarras sont respectés.

 

            Je m’étais donc installé dans cette béatitude urbaine. Le coup de tonnerre fut d’autant plus impressionnant. Hier, vendredi 21 décembre 18,  à 12 heures 15, marchant tranquillement avenue Victor Hugo, sur la chaussée évidemment, d’une berline BMW a jailli l’insulte : « tu vas te pousser, vieux con ! ».

 

            Voici en quoi cette scène est éminemment politique. Ou bien je raconte cette histoire en boucle, comme si c’était une manifestation de gilets jaunes, et on ne retiendra qu’elle, on s’indignera de l’inconduite des conducteurs, on se rappellera comment c’était mieux avant, comment les grands-parents étaient respectés.

 

            Ou bien j’expliquerai que pendant des années et des années, j’ai marché sur la chaussée avec la tranquillité d’une perle dans son huître. Je raconterai que pendant des années, des centaines, voire des milliers de voitures m’ont entouré de leur politesse ouatée. Et que cette BMW n’est un monstre que parce qu’elle détonne dans le paysage.

 

            Plus le nombre d’homicides baisse et plus les romans noirs, les séries policières, les récits de crimes abominables rencontrent le succès.

jeudi 20 décembre 2018

Crise de régime


            Crise grave

 

Pas la peine de se voiler la face. Nous traversons une crise de régime. Nous ne sommes pas les seuls. La démocratie britannique est secouée. L’Italie, la Belgique, la Hongrie, l’Autriche, se disloquent. Tous les pays d’Europe, au lieu de s’unir pour affronter les puissances égoïstes  (Russie, Chine, Etats-Unis), se chamaillent.

 

            Le capitalisme est devenu fou, rendu tout puissant par les égoïsmes nationaux et par le recul des organisations  de défense des salariés. Les utopies expirent. Il reste des révoltes sporadiques, impuissantes, réduites à la négociation par l’émeute, c’est-à-dire un recul historique vers les origines du capitalisme. Entre les deux, une société intellectuelle, enseignante, soignante, réfléchissante, compétente, accueillante, qui permet à tous de tenir debout. Cette part intellectuelle et compétente de la société, qui invente, qui innove, qui assure l’interface entre les exclus, les malades, les galériens, les migrants et l’appareil d’état, je la voyais représentée par la République marchante. Elle allait être respectée, écoutée. Le capitalisme fou allait être bridé et ses ressources mises au service de l’intelligence. Les galériens allaient être pris en charge et remis à flot. Nous allions éviter les dérives qui ont mené Trump et Bolsonaro au pouvoir par l’effacement des catégories intermédiaires et le face à face terrifiant entre les puissants les plus conservateurs et les couches sociales mues par la peur et la haine de leur propre histoire.

 

            Nous pensions que la victoire d’Emmanuel Macron nous permettrait d’affronter cette période de tous les dangers. Nous sommes-nous trompés ?

 

            Il n’y eut guère de négociation avec le capitalisme financier. Plutôt une certaine prévenance, une satisfaction des demandes avant même qu’elles s’expriment. A l’égard des corps intermédiaires, syndicats, associations, ONG, chercheurs dans tous les domaines de la vie sociale, un désintérêt sinon un mépris. Les discours célébrant la richesse et la réussite étaient flamboyants. Les discours célébrant l’intelligence étaient pauvres et parfois franchement conservateurs. Les ministres de la culture, le ministre de l’éducation n’avaient que condescendance pour les recherches et les inventions dans ce domaine. Le patrimoine devint une valeur l’emportant sur l’invention. La dictée, la blouse, Stéphane Bern, Jean d’Ormesson et Johnny Halliday célébrés comme icônes.

 

            La réaction aux gilets jaunes s’inscrit dans cette régression. Elle exprime la fascination méprisante pour la partie du peuple qui répugne à se hisser aux compétences et aux énergies que nécessite l’accès au pouvoir. Je me répète : plutôt Gavroche sur une barricade qu’un syndicaliste à l’ENA.  

 

            Et maintenant le lancement d’une grande discussion pour obtenir des résultats qu’une lecture attentive des recherches et des réflexions nous aurait épargné. Une petite satisfaction : identité et migration ont été retirées des ordres du jour. Mais rien que de l’avoir proposé… On a oublié les débordements des débats lancés par Nicolas Sarkozy sur l’identité.

 

            Au lieu d’une remise à plat politique, on recourt à des gadgets. Le référendum comme outil démocratique. Je ne vais pas répéter ici toutes les critiques. Les maires célébrés comme responsables politiques modèles. On a oublié le nombre de maires (la majorité ?) qui ont supprimé la réforme des rythmes scolaires alors que les spécialistes, les chercheurs, les sociologues, les médecins, avaient tous célébré sa mise en place comme favorable aux élèves. On a oublié le nombre de maires (pas la majorité), qui préfèrent payer une indemnité plutôt que de construire des logements sociaux.

 

            Va-t-on s’en sortir par le haut ? Si l’échec s’approfondit, nous savons qui est à l’affût pour la relève.

mardi 18 décembre 2018

pas content


            Si vous êtes contents, pas moi.

 

            Il y a des jours où la frénésie auto-construite nous entraîne là où nous ne voulons pas aller. Des jours où vingt personnes occupent un rond-point et les gens qui regardent pensent qu’ils assistent en direct à la prise de la Bastille. Des jours mauvais.

 

            Donald Trump a pris le pouvoir, légalement. Par les élections. Tous les jours il gazouille et à chaque gazouillis, le monde recule d’un pas. Le Royaume-Uni s’est retiré de l’Europe et tous les jours, l’immeuble patiemment construit se lézarde. C’est à la suite d’élections. Un referendum qui a connu tant d’insultes, tant de désinformation, tant de mensonges, qu’à côté les expressions publiques des gilets jaunes ont l’air d’un séminaire de recherches. Mais ils ont voté.

 

            Les gilets jaunes sont arrivés au pouvoir sans qu’il y ait eu vote. Ils montrent qu’un groupe de personnes déterminées, mues par une colère désinvolte, peut obtenir ce que des citoyens attentifs et engagés n’ont pas réussi à obtenir. Le chemin est désormais ouvert à toutes les aventures. Les policiers ont appris la leçon et se préparent à bloquer. Les lycées se sont mis à rêver eux aussi. Ils ont plus de mal parce que le pouvoir débloque quand ils bloquent. Alors que les gilets jaunes pouvaient bloquer à loisir. Après une société bloquée, voici la société bloquante.

 

            Quel rapport entre Donald Trump, le Brexit et les gilets jaunes ? À vous de voir. A vous d’entendre. Si vous en avez le courage, allez vous promener sur la toile, allez écouter les messages des gilets jaunes, et vous y trouverez la même indigence de pensée, la même vulgarité, que dans les gazouillis de Trump ou les éructations de Boris Johnson.

 

            Aujourd’hui, ils veulent un référendum d’initiative citoyenne. Et on les écoute. C’est une bonne idée. Les journalistes décortiquent. Les constitutionnalistes analysent. Les insoumis de gauche et les insoumis de droite applaudissent.

 

            Rappelez-vous. Ce n’est pas si loin. Les mêmes agités qui interdisaient la construction d’un aéroport à Nantes n’ont pas accepté les résultats d’un référendum d’initiative citoyenne dont le résultat ne leur plaisait pas.

 

            C’est pourquoi je ne suis pas content. Pourquoi je m’inquiète. Je constate que par des moyens légaux ou illégaux, des minorités goguenardes défient la République et la République ne se défend pas.

lundi 17 décembre 2018

blanchisserie


Dans la nuit du 16 au 17 dec 18, la sculpture d’Oteiza (un « grand sculpteur basque » selon le communiqué du maire de Pays Basque, a été souillée par de tags incitant à la violence. Un « acte d »’un autre temps », Honte à ses auteurs. Dit le maire Michel Veunac.

 

J’ai un peu de mal avec « un grand sculpteur basque ». Je trouve que « grand sculpteur » aurait suffi. De nombreux articles le classent parmi les grands artistes espagnols. Faut-il comprendre que l’adjectif « basque » aurait dû protéger contre les tags, comme la résidence d’Helette incendiée par des patriotes aurait dû être protégée parce que ses propriétaires étaient « basques » ?

 

Ne soyons pas trop surpris. Les élus du Pays Basque français, Vincent Bru, Max Brisson, plus les blanchisseurs Txetx and C°, ont passé beaucoup de temps à blanchir les crimes d’ETA, à inaugurer une sculpture avec la hache, symbole de l’organisation terroriste.

 

Maintenant, tous ces blanchisseurs pourront blanchir la sculpture d’Oteiza, de ses tags appelant à la violence. Ils ont maintenant l’expérience.

vendredi 14 décembre 2018

fausses nouvelles


Fausses nouvelles

 

 

Sur les réseaux sociaux circule une annonce ahurissante. Il paraît que le gouvernement français s’apprête à signer une déclaration dite des « droits de l’homme » qui commence ainsi : tous les hommes naissent égaux en droit ».

 

 

« Égaux en droit ». Ça veut dire que les hommes et les femmes sont égaux en droit ? Que des Noirs et des Blancs sont égaux en droit ? Que les catholiques et les protestants sont égaux en droit ? Que les musulmans ont les mêmes droits que les témoins de Jehova ? Que des enfants nés en France de parents étrangers auront les mêmes droits que des parents français nés à l’étranger ? Mais où va-t-on ?

 

Marine Le Pen, Laurent Wauquier, Eric Ciotti, Nicolas Dupont d’Aignan, demandent que cette signature soit suspendue.

 

 

une réunion d'un comité en marche à Biarritz.


Biarritz. Réunion de La République en Marche 13/12/18.

 

 

Si j’ai bien compris la convocation, il ne fallait pas donner trop de publicité à la réunion du comité La République en Marche de Biarritz. Elle aurait pu être dérangée. Par les temps qui courent. 

 

Effarement. Je me rappelle il y a trois ans. Une réunion du PS perturbée par la CGT et les abertzale. Nous nous sommes réunis dans un jardin privé. J’ai demandé un communiqué de protestation public. Frédérique Espagnac m’a répondu : Protester « c’était mettre de l’huile sur le feu ». Il n’y a pas eu de protestation. Au Pays Basque français, on est habitué à courber l’échine devant les coups de force.

 

Vincent Bru député de la république s’incline devant les artisans de la paix, il inaugure une sculpture de la honte. Cinq citoyens manifestent contre la sculpture. Il s’incline devant les parapluies et dit haut et fort que le ralliement aux artisans de la paix était, je cite, une « connerie ». Guy Lafite écrit courageusement un texte contre la dérive identitaire de La République en Marche 64 dirigée par Loic Corrégé. Loïc Corrégé met le texte à la poubelle. Guy Lafite garde courageusement ce texte dans la poche. Il me dit courageusement qu’il aurait dû le publier.

 

Tant de courage m’impressionne.

 

On discute des gilets jaunes. On dit qu’il est impossible de discuter avec eux. Qu’ils disent tout et son contraire. Mais la question n’est pas là. La question pour ceux qui gouvernent, pour ceux qui se battent contre les extrêmes de gauche et de droite, la question est de comprendre le mouvement, et ensuite d’intervenir, ne pas se taire.

 

Je me rappelle. Excusez-moi d’avoir des souvenirs. J’avais quitté le PCF pour le PS et je constatais  à quel point les militants socialistes étaient impressionnés par les militants communistes. Leur détermination, leur engagement. Ils donnaient la parole aux ouvriers alors que le PS était composé de petits-bourgeois, d’enseignants. Ceux dont Karl Marx et Lénine dénonçaient le pusillanime. Dans les réunions du PS, j’ai expliqué qu’il fallait répondre, ne pas se laisser impressionner, que le réformisme avait fait pour les ouvriers beaucoup plus que toutes les phrases révolutionnaires.

 

Je retrouve cette fascination devant le mouvement des gilets jaunes. Gavroche sur les barricades est beaucoup plus tendance qu’un syndicaliste qui entre à l’ENA. C’est comme ça que les gens d’en haut aiment le peuple : inorganisé, inarticulé, incapable de gouverner.

 

Mais haut en couleur. Enfin les gens qui ne parlent pas prennent la parole. Il faut les entendre.

Beaucoup de responsables, syndicaux, intellectuels, économistes, des amis du président, mettaient en garde contre l’aspect unilatéral de la politique économique ; Personne ne les écoute. Les niais. Ils auraient mis un gilet jaune,  pris une boule de pétanque et brisé la vitrine de la bijouterie Boucheron place Vendôme, on les aurait écoutés.

 

Pouvait-il faire autrement ? Le gouvernement ne dispose d’aucun mouvement, d’aucun parti. Des militants qui seraient prêts à mener une bataille politique contre ce glissement vers une situation à l’italienne.

 

Tant que cette situation durera, tant qu’il n’y aura personne entre le gouvernement et la société, le gouvernement sera démuni devant un mouvement social déterminé.

 

Notamment pour les prochaines élections municipales. Tant de questions qui ne pourront jamais être affrontées par des cercles mystérieux. Tant de questions qui doivent être discutées par le plus grand nombre : l’hôtel du Palais, faut-il le conserver ou le vendre ? Les logements sociaux : faut-il mener campagne ? La question des alliances. Avec qui ? Avec les abertzale, qui ont décidé de présenter leur liste ? Sur quel programme ? La place de la langue basque dans les écoles. Actuellement, Vincent Bru se trouve du côté de Seaska contre le ministère de l’éducation nationale. On en discute ?

 

Allons-nous laisser quelques élus discuter de tout ça ? Faudra-t-il  mettre des gilets jaunes pour être entendus ?

 

 

mardi 11 décembre 2018

qui va tirer les bruns du feu?


Qui va tirer les bruns du feu ?

 

Ce jour est un jour noir. Pendant des mois et des mois, venus du mouvement La République en Marche, des élus, des syndicalistes, des économistes, des militants, des adhérents, ont mis en garde le gouvernement : la politique économique est déséquilibrée. Personne ne les écoutait. Il ne s’agissait pas d’ennemis du président, mais d’amis, qui manifestaient une certaine inquiétude.

 

Une manifestation de cent mille personnes, avec gilets jaunes réclament des mesures pour les plus démunis. Non, ce n’est pas exact. Quelques milliers de personnes en colère mettent le feu aux voitures, pillent les magasins, quelques dizaines de personnes en gilet clament leur volonté de rester inorganisés, refusent de discuter, réclament la dissolution, la mort du tyran, la révolution. La précision est importante, parce que s’il n’y avait pas eu ces scènes d’émeutes urbaines, s’il n’y avait eu que des manifestants pacifiques, les aurait-on écoutés ?

 

La France insoumise qui n’a jamais accepté le résultat des élections de 2017 soutient. Elle croit tenir sa revanche. Une avant-garde déterminée peut faire l’histoire. Elle est désorganisée, inarticulée, incapable de gouverner. Mais elle peut enfoncer la porte et les insoumis suivront. Eux sont organisés, articulés, et tout à fait capables de plonger le pays dans le chaos. Le RN suit. Les bruns voient se développer et s’exprimer un peuple comme ils l’aiment. Eloquent comme Trump, conservateur comme Bolsonaro, xénophobe comme Salvini. Le vent de l’histoire souffle, dit-elle.

 

Le pouvoir en place est tétanisé. Il ne dispose d’aucun parti qui puisse mener campagne, une campagne politique, contre les gilets jaunes. Quelques députés La République en Marche, rares, vont discuter avec les gilets jaunes, la plupart du temps pour leur donner raison.  

 

Mais raison sur quoi ? Les gilets jaunes sont un mouvement insurrectionnel qui veut annuler les élections et mettre à la place pour gouverner ceux qui ont perdu les élections, c'est à dire Mélenchon et Le Pen. Les cinq étoiles et la Ligue du Nord. S’ils disaient vrai, le mouvement aurait cessé le jour de l’annulation de la hausse du carburant. Mais à chaque concession montent les revendications. Maintenant, il faut quitter l’Europe. Il faut une nouvelle assemblée. Il faut effacer les élections.

 

Il est temps de réagir.

dimanche 9 décembre 2018

ce qui se joue


Ce qui se joue

 

            Nos sociétés sont traversées par des intérêts différents, souvent contradictoires. Ceux qui occupent les meilleures places, qui cumulent les privilèges, (aristocratie, caste, hommes, clans…) tentent par tous les moyens de conserver ces places et ces privilèges.

 

            Ces moyens peuvent être la force et la terreur, longtemps utilisées et encore utilisées en de nombreux endroits, mais en recul. La terreur coûte cher. Il faut payer des mercenaires qui réclament toujours plus. Elle empêche la société de respirer, de se développer.

 

            L’autre moyen est la redistribution. Le pouvoir agit comme agent de répartition des richesses matérielles et culturelles pour qu’une partie importante de la population partage les places et les privilèges. C’est le système qui domine dans les pays développés. Le résultat est clair : la majorité de ses citoyens ne veut pas la révolution. Ils ont le sentiment sage qu’ils ont plus à perdre qu’à gagner dans l’aventure.

 

            La lutte des exclus contre les privilégiés peut prendre des formes différentes. Elles s’inscrivent dans deux grands courants. Le premier considère que les nantis n’abandonneront leur pouvoir et leurs privilèges que par la contrainte. La seconde considère que la meilleure solution n’est pas l’élimination de l’adversaire, mais le compromis, le dialogue. Ce deuxième courant considère que l’adversaire fait partie de la solution. Les premiers sont des révolutionnaires, les seconds des réformistes ».

 

            Ces termes sont modernes. Dans l’histoire de l’humanité que nous n’avons pas connue, les conditions et les moyens du réformisme n’existaient pas. Il n’y avait ni négociations, ni compromis. Pas de lieux d’expression et de discussion. Ne restaient que les émeutes, les assassinats, les guerres. Le réformisme et la révolution sont apparus avec les régimes démocratiques qui offraient le choix aux peuples. Dans les rapports de domination coloniaux, le développement d’institutions démocratiques crée des espaces de discussion sur les voies de la libération. Certaines colonies utilisèrent le vote pour accéder à l’indépendance. D’autres furent contraintes ou choisirent la voie armée. L’Inde, l’Afrique du Sud, la Guinée, l’Algérie connurent des périodes d’alternance de ces voies. Chez les Noirs d’Afrique du Sud, aux Etats-Unis, les catholiques en Irlande du Nord, s’opposèrent des partisans de la voie armée et de méthodes démocratiques. Le seul mouvement social de libération qui ne fut pas traversé par ces discussions fut le féminisme, jamais tenté par la violence meurtrière, par l’élimination de l’adversaire masculin, si l’on excepte Valérie Solanas et sa société « SCUM », société pour émasculer les hommes. Les très radicales Femen ne mettent en danger qu’elles-mêmes dans leurs actions considérées comme les plus radicales.

 

            La possibilité du réformisme n’empêche pas l’émergence d’actions plus radicales. La domination en régime démocratique n’est pas moins violente parce qu’elle est devenue légale. Les assignations sociales par le quartier, par la famille, par l’ethnie, pèsent terriblement sur les destins individuels. Pour les soulever par des moyens légaux, il faut organiser le nombre, apprendre à gouverner. Un chemin long, difficile.  

 

            C’est pourquoi il y a toujours des périodes où les dominés ont cherché des raccourcis pour sortir de leur situation. Des actions militaires violentes, des émeutes qui expriment la colère devant ceux qui occupent les meilleures places. Ces mouvements sont généralement réprimés violemment et leur conséquence dans l’histoire est de fournir des martyrs, des héros, des récits admirables qui fouettent les mémoires des classes dominées. Lorsque ces mouvements sont assez forts pour accéder au pouvoir, ils aboutissent à des catastrophes. Mouvements fascistes ou communistes, ils ont tous permis aux pires d’entre nous d’occuper des places décisives aux dépens des intérêts les plus généraux. Faut-il énumérer ces catastrophes ? Faut-il désigner les lieux et les pays où elles continuent d’exercer leur sinistre pouvoir ?

 

            Ce rappel permet peut-être de comprendre la fascination des élites pour les émeutes sans issue. Elles considèrent qu’elles ne peuvent pas déboucher sur changements fondamentaux, sur des modifications profondes des lieux de pouvoir, de propriété, de privilèges. Les gilets jaunes ne menacent pas les pouvoirs en place. Ils ne menacent pas les propriétaires d’entreprise, les actionnaires majoritaires, les élites médiatiques. Ils donnent un spectacle et une sensation de danger qui procure de délicieux frissons.

 

            Comparez la violence des réactions à l’égard des mouvements sociaux qui font réellement bouger les lignes. Le féminisme est encore une fois un bon exemple. On admirerait sans doute des femmes martyrs, on admire moins les femmes qui réclament et pire encore, obtiennent, la parité dans les partis politiques et les conseils d’administration, ou l’égalité des salaires. On est fasciné par les émeutes dans les « quartiers », émeutes sans danger, mais quelle violence dans le rejet de la discrimination positive, de l’ouverture des grands établissements à des jeunes issus de ces mêmes quartiers !

 

            Pour les nantis, Gavroche sur une barricade est plus sympathique qu’un syndicaliste à l’ENA.

jeudi 6 décembre 2018

angoisse


Inquiétude, angoisse. L’Italie a glissé. Donald Trump et Vladimir Poutine se moquent d’Emmanuel Macron. Salvini glousse. L’Iran conseille à la police française plus de modération.  En trois semaines, la situation nous échappe. Quand avons-nous déjà partagé l’angoisse du sablier incapable de retenir l’écoulement des grains ?



Personne ne maîtrise plus rien. Dans les lycées, les proviseurs disent que les militants connus sont complètement dépassés. Ils tentent de reprendre la main en durcissant les revendications mais que glissent-ils exactement à l’oreille de leur camarade de classe met le feu à la poubelle du concierge ? L’autre n’écoute pas. Mettre le feu n’est plus un spectacle, c’est une politique. « On a raison de révolter ».



La guerre d’Algérie et le coup d’état de 1958 ? Tout le monde sauf les communistes s’était rallié. 80 % de oui au référendum. Il y eut de la colère, de l’engagement, des discussions serrées. Un moment la terreur de l’OAS, massivement rejetée par la société entière. Mais pas l’angoisse de l’inconnu.



1968 ? Partout on discutait. Un piéton s’arrêtait pour demander du feu, l’autre sortait son briquet, dans la minute qui suivait, cinquante personnes se mettaient à discuter. Partout on parlait. Des discours fous ou rationnels, des conférences dans la rue. On se levait le matin le cœur léger, on savait que mille fois dans la journée, on aurait l’occasion de se mêler au grand chambardement. Les partis se réunissaient, ça refaisait le monde. Un moment des attentats terroristes, massivement rejetés.



Aujourd’hui, cette agitation ressemble aux mouvements de foule qui de manière régulière bousculent les pays où les institutions ne fonctionnent pas. Où il n’y a pas d’assemblée élue, pas de gouvernement responsable, pas de constitution. Le seul fait de manifester est une déclaration. Ici, chez nous, le gouvernement gouverne, l’assemblée discute du budget, les partis s’opposent et tout se passe comme si rien de tout cela n’existait. Les responsables veulent rencontrer des manifestants qui leur échappent. Les responsables décident de ne pas décider. Ils suspendent, ils annulent, ils repoussent.



Pour le moment, la police intervient contre les casseurs. Mais la classe politique d’opposition est en déroute. Ils ne peuvent exister qu’en encourageant les émeutiers à l’émeute. La droite qui représente la loi et l’ordre, la hiérarchie et les privilèges, applaudit quand des boutiques sont pillées, des officiers de police bousculés. La gauche révolutionnaire, les insoumis, plongent dans le courant et découvrent la droite identitaire. Les ministres et les députés de la majorité se battent sur les plateaux de télévision, mais se battent contre qui ?



Le plus inquiétant encore est le silence. La majorité des citoyens français ne souhaite pas la révolution. N’approuve pas les violences insurrectionnelles. Mais elle se tait. Une poignée d’élus de la majorité présidentielle tente de dialoguer. On détruit leur permanence à coups de masse.



En écho, le général de Villiers nous explique ce qu’est un chef. Sale temps.




mercredi 5 décembre 2018

LR et PS dans le même bâteau


Sud-Ouest 5 dec 18. Elections professionnelles. LAB syndicat basque, demande pour les fonctionnaires territoriaux une commission paritaire de la communauté d’agglo, indépendante de la commission paritaire des Pyrénées Atlantiques. « afin que les carrières ne soient plus gérées par Pau ».

 

LAB est un syndicat de salariés se réclamant du courant de gauche séparatiste basque abertzale. Il est principalement implanté dans la partie espagnole du Pays basque mais compte quelques sections dans la partie française. « Commissions ouvrières nationalistes ». Proche des indépendantistes de Sortu ou EH Baî. Moins de vingt pour cent aux élections  professionnelles.

 

 

Les sénateurs Max Brisson et Frédérique Espagnac demandent une CIC propre à la communauté d’agglo. Une CIC basque. Pays Basque et Béarn sont des bassins économiques propres. Le président Garetta suivra de près le vote des élus « basques »  qui évitera, espère-t-il un « jacobinisme exacerbé ».

 

Voilà au moins un point où patrons et syndicats du Pays Basque sont d’accord. Pour que la défense de leurs intérêts se mène à l’échelle du Pays Basque. D’un Pays Basque français.

 

Etrange. Cet adjectif qui s’ajoute. Des ouvriers, des salariés, des chefs d’entreprise industrielle et commerciale souhaitent comme le syndicat LAB une CIC identitaire.

 

            Des organisations syndicales dont le nom est suivi d’une désignation communautaire (nationale, ethnique, religieuse) correspondent généralement à des revendications d’indépendance ou des affirmations culturelles. Il y eut en France des syndicats chrétiens. Il y eut des syndicats juifs qui correspondaient à la revendication d’un état (le Bund). Que les nationalistes revendiquent des chambres de commerce et des syndicats nationalistes est dans la logique de leurs revendications d’’indépendance d’ « un Pays Basque réunifié ». Mais que des élus républicains ou socialistes soutiennent cette revendication « contre le jacobinisme exacerbé » est plus surprenant. Est-ce que Max Brisson et Frédérique Espagnac soutiennent la revendication d’indépendance du Pays Basque français ?

mardi 4 décembre 2018

Trop tôt pour le dire?


Il est trop tôt pour le dire.







            Les manifestations contre les projets de réforme du travail portés par Myriam El Khomri étaient autrement massives. François Hollande a tenu bon et sa fermeté a ouvert le chemin d’une nouvelle donne politique, celle d’Emmanuel Macron.



            Sur la politique économique et sociale du nouveau président, des syndicats réformistes, des économistes qui avaient contribué au programme de La République en Marche, des personnalités de la gauche et du centre réformiste et progressiste, avaient mis en garde contre le déséquilibre de la politique mise en œuvre. Ils ne furent pas entendus.



            Quelques milliers de manifestants ont mis le feu à des voitures, pillé des magasins, saccagé des préfectures. Le gouvernement entend leur colère, remise ses projets immédiats. Si les cent milliers de manifestants en jaune n’avaient rien cassé, les aurait-il entendus ?



            Les succès et les échecs de François Hollande ont ouvert la voie à Emmanuel Macron.



            Les reculs du nouveau pouvoir devant les incendies risquent d’ouvrir la voie à d’autres héritiers moins acceptables.

lundi 3 décembre 2018

ne pas flatter la bêtise








Des hommes et des femmes incendient des voitures, pillent des magasins, caillassent les forces de l’ordre, incendient des meules de foin, mutilent le bétail. Dans l’histoire, cela s’appelle émeutes,  insurrections, jacqueries, révoltes paysannes ou urbaines. Si les émeutiers, les incendiaires, obtiennent un appui de la société, de partis politiques, d’intellectuels, d’églises, leur mouvement devient politique. S’ils restent isolés, leur mouvement ne pose qu’un problème de police.



Nous sommes effarés devant les scènes de « guérilla urbaine ». Dans un pays démocratique, les élections, le droit de manifester, de faire grève, offrent régulièrement les moyens d’exprimer une opinion, une révolte. En quelques images, en quelques journées, ce pays démocratique est rabaissé au rang de nations en formation, où les résultats électoraux sont contestés et régulièrement suivis par des affrontements meurtriers. Des pays où rien ne fonctionne, ni l’état, ni les services sociaux, ni les hôpitaux, ni les écoles. Où la police et l’armée sont aux mains de chefs de bande. Ces images sont profondément dérangeantes car elles nous bousculent, elles nous rabaissent, elles nous dévaluent. Nous devenons objets de curiosité dans le monde entier. Il y eut naguère les images d’émeutes dans les banlieues qui nous dérangeaient pareillement, mais moins, parce que ces territoires étaient considérés par beaucoup comme « territoires perdus de la république », pas tout à fait intégrés. Alors que ces derniers jours, nous voyons ce qui apparaît comme la « France profonde », débarquer dans l’avenue symbole de la réussite économique, dans les quartiers symboles du pouvoir et se conduire comme des émeutiers de pays sous- développés.



Nous avons du mal à nous retrouver parce que le nombre de gens qui parlent à la place des gilets jaunes dépasse de loin leur parole sans filtre. Quand on les écoute, à la radio ou à la télé, on perçoit qu’ils sont en colère, qu’ils n’y arrivent plus, ils refusent la taxe sur le diesel, la limitation de la vitesse à 80kmh. Les moyens qu’ils énoncent parfois pour atteindre cet objectif sont la dissolution de l’assemblée nationale, la démission du président Macron, des référendums sur différents sujets. Jamais dans ces moyens réitérés on ne trouve l’incendie des voitures ou le pillage des magasins. Pourtant, les interviewés ne condamnent pas les violences urbaines, disent les comprendre tant a colère est grande.



Pour appréhender l’approbation affirmée par les instituts de sondage pour les actions des gilets jaunes, il faut une comparaison toute simple avec le traitement de l’information sur les émeutes des « quartiers ». L’accent était mis sur les violences, les incendies de voitures. La condamnation était unanime, tous partis confondus. Les medias recueillaient la parole des commerçants pillés, des mères éplorées, des enseignants indignés. La condamnation était tellement unanime que les instituts de sondage n’ont jamais évalué le niveau de soutien des émeutiers. Personne ne leur demandait tant la réponse paraissait évidente. Dans le cas des gilets jaunes, la sympathie est si forte, si universelle qu’il faudrait une capacité de résistance exceptionnelle pour ne pas se joindre au chœur des sympathisants. Tables rondes avec des historiens, des sociologues, des politologues où des paroles qui ne seraient pas en harmonie avec le courant dominant sont exceptionnelles. Voire absente. Même les représentants du gouvernement pourtant au banc des accusés disent qu’il faut comprendre, qu’il faut dialoguer, qu’il faut prendre en compte.



Ces événements nous posent quelques questions, sur la politique, sur les partis et syndicats. Le peuple disent-ils. Dans une société traversée par de multiples conflits, sociaux, économiques, culturels, si nous ne voulons pas vivre en permanence dans la guerre civile que décrivait Hobbes, il nous faut organiser les négociations, apprendre les compromis, ne pas considérer la politique comme une guerre civile froide où le succès passe par l’élimination de l’adversaire. Cet apprentissage est tout récent. Dans les premiers temps de la révolution industrielle, toutes les formes d’organisation des salariés étaient considérées comme séditieuses et punies par la loi. Une réunion de trois ouvriers qui se réunissaient pour comparer leur salaire suffisait pour les envoyer au bagne. La loi Le Chapelier (1791) interdisait les syndicats. L’Irlande était renommée au 19ème siècle pour la violence de ses paysans. Les historiens ont découvert que parmi  ces « violences », se trouvaient comptabilisées les lettres, souvent écrites par le curé de la paroisse, où les paysans demandaient poliment la réduction du loyer de la terre. Ces lettres étaient considérées comme insurrectionnelles. Les statistiques de la violence s’envolaient.



Reste que le monde paysan était violent parce que les structures de négociation étaient absentes. Quand le loyer de la terre était si élevé qu’il réduisait les fermiers à la famine, les récoltes flambaient, les bétails étaient mutilés, les régisseurs étaient parfois assassinés. Si ces incidents se multipliaient, les propriétaires baissaient le fermage. Ce que l’historien Eric Hobsbawm appelait « la négociation collective par l’émeute ». Michael Davitt, l’organisateur de la Ligue agraire, au dix-neuvième siècle disait les choses crument : si vous voulez que cesse la violence agraire, encouragez les fermiers à s’organiser et négociez avec leur organisation.



Ainsi se sont constitués les groupes de défense des intérêts collectifs. Syndicats ouvriers, coopératives, syndicats paysans. Portés par les militants, encouragés parfois par les classes dominantes qui préféraient négocier que d’affronter des émeutes sans issue. Ces organisations étaient les universités des classes laborieuses. On y apprenant les formes de lutte, les manières de négocier, l’art de gouverner. Elles avaient leurs écoles, leurs centres de formation. Des intellectuels, des sociologues, des historiens, des écrivains, participaient à leur montée en puissance. Des partis politiques, travaillistes, socialistes, sociaux-démocrates ou communistes, parachevaient leur formation.



Les gilets jaunes nous ramènent à l’aube des mouvements ouvriers, à la préhistoire des mouvements sociaux. Revendiquant l’absence d’organisation, dépourvu d’intellectuels organiques, si l’on excepte Alain Finkelkraut et Brigitte Bardot, ils n’existent que dans le spectacle. Les incendies ne sont pas un accident. Ils poursuivent un spectacle couleur de feu.



L’action politique est difficile. Il ne suffit pas de slogans (slogan est un terme gaélique qui signifie cri de guerre). Il faut se hisser au niveau de connaissances et de maîtrises de compétences qui permettent d’affronter ceux qui se contentent de naître au bon endroit. L’émeute donne l’illusion qu’il est possible de contourner la formation nécessaire. Porter le gilet jaune vaut tous les diplômes, toutes les formations. Vous mettez un gilet jaune, vous criez « Macron démission » et « j’en ai marre », vous accédez à la notoriété. De même que les actions terroristes permettent d’éviter tous les efforts pour accéder à la maitrise et à la connaissance du monde. Sans aller jusqu’à la terreur, la calle borroka au Pays Basque espagnol ou les émeutes urbaines en Irlande du Nord étaient considérées par la gauche patriote comme de bonnes écoles de formation pour futurs militants. La qualité intellectuelle n’était pas garantie, mais la détermination pouvait être évaluée.



Ce qui est inquiétant n’est pas l’existence de manifestants plus ou moins violents. Ce qui est inquiétant est la légitimation de leurs actions par des hommes responsables, par des intellectuels, par des partis. Ceux qui les flattent. Ceux qui leur disent vous représentez le peuple, allez sur les Champs Elysées même si c’est interdit. Laurent Wauquier, Jean-Luc Mélenchon, Marine le Pen. Les médias peut-être, en extase devant des manifestants qui ne menacent pas leurs privilèges. Tous retiennent leur progéniture, les enferment à la maison, parce qu’ils savent que s’ils manifestent, s’ils sont arrêtés, s’ils sont condamnés, ils auront un casier judiciaire qui les empêchera d’accéder aux plus hautes fonctions. Mais le peuple tel qu’il le fantasme se fiche bien des futurs concours.  Je ne me lasserai jamais de dire et de répéter ce qui n’est pas  un secret : dans la France de mai 1968, tout était arrêté. Mais rien ni personne n’a empêché que se tiennent les concours d’agrégation, les concours d’entrée aux grandes écoles. Tous les professeurs qui encourageaient leurs étudiants à construire des barricades n’ont jamais manqué à l’appel pour recruter les futurs normaliens ou polytechniciens.



Les événements de cette fin d’année renforcent mes convictions sur deux points : il ne faut jamais flatter l’ignorance, les préjugés, la méfiance à l’égard du travail intellectuel. Nous assistons à la naissance d’un électorat qui a porté ailleurs au pouvoir Trump, Bolsonaro, la ligue du Nord en Italie, le Brexit en Grande Bretagne. Un électorat qui se met en place devant nos yeux à force de flatterie. Si tout le monde dit bravo aux fronts têtus, comment voulez-vous que ça ne leur monte pas à la tête ?



Deuxièmement : il faut que le pouvoir et de ce point de vue, la victoire d’Emmanuel Macron n’a pas fait avancer les choses, il faut que le pouvoir intègre dans ses rangs des hommes et des femmes qui ont été formées dans les universités populaires que sont syndicats et associations. Et des intellectuels qui s’acharnent à comprendre la société où nous vivons. Qui se donne ainsi les moyens de mener ainsi une bataille politique contre la bêtise et les préjugés.

L’état actuel de La République en Marche n’incite pas à l’optimisme.


samedi 1 décembre 2018

impossible déconnexion.


Si je déconnectais mes réflexions, mon écriture, ce qui ressemble à un travail intellectuel, du monde tel qu’il va, si je trouvais dans l’alignement des mots un plaisir pur, jamais gâché par le lien entre ce plaisir et le monde tel qu’il est, si je trouvais dans les lettres qui défilent la même ivresse que dans l’alcool, un plaisir détaché du monde, détaché même de la lecture par d’autres lecteurs que le lecteur écrivant, si je trouvais dans le défilé des mots une satisfaction sans lien avec leur publication, avec leur effet sur le monde tel qu’il roule, alors tout deviendrait facile. L’écriture deviendrait une drogue et tout drogué sait qu’il éprouve du plaisir à s’injecter un produit excitant sans se poser de question sur l’effet que peut produire cette injection sur le monde tel qu’il tourne.

Les malheurs du monde c'est à dire les miens, car je ne peux concevoir les malheurs du monde que comme l’agrandissement, la photocopie de mes malheurs individuels, les malheurs du monde donc viennent dans ce lien qui a été construit dans la famille, dans les écoles, dans les bureaux, dans les défilés. Certains plaisirs sont précieux parce qu’ils n’ont aucun lien avec le monde tel qu’il tourne. Plaisir d’amour, par exemple, est précieux, parce qu’il est d’une pureté de diamant, il ne recherche pas le spectacle, la scène, il se fiche du monde tel qu’il roule, il est plus pur que toutes les fumées, tous les shoots. Il ne demande rien d’autre que sa répétition, sa durée. Il ne se soucie guère de son influence, il ne cherche pas à être reproduit sur écran ou sur toile.

Malheureusement, la plupart des gens qui parlent, et j’en fais partie, la plupart des gens qui écrivent, et j’en fais partie, la plupart des gens qui chantent et qui dansent, et j’en fais partie, la plupart des gens qui marchent et qui crient, ne trouvent plaisir que dans l’effet que produit ces activités sur le monde tel qu’il respire. Même l’amour dans sa pureté essentielle est parfois gâté par la construction de liens sociaux avec le monde tel qu’il évolue. Et alors, de drogue pure et satisfaisante en soi, il devient source de mélancolie, de déception ou de désappointement.

S’ils ne trouvent pas dans leurs activités humaines ce plaisir sans lien avec le monde, par exemple la marche, la grimpée d’une côte à bicyclette, ils seront voués au malheur sans fin, à la déception renouvelée, car ce lien avec le monde tel qu’il consomme n’est jamais rassasié, il lui faut toujours plus.

jeudi 29 novembre 2018

europe au coeur


Quand le président Macron se rend en Corse, délivre un discours de haute tenue sur démocratie et terreur, sur nationalisme et démocratie, il invite la veuve du préfet Erignac. Des nationalistes corses boycottent la réunion. Des nationalistes basques discutent avec les nationalistes corses et organisent le soutien à une liste identitaire « peuples et territoires ». En  compagnie de Jean-René Etchegaray qui représente la communauté d’agglo du Pays Basque.



Quand Edouard Philippe rencontre Pedro Sanchez pour célébrer la victoire de la démocratie sur la terreur d’ETA, cette rencontre est condamnée par EH BaÏ. Les autres partis se taisent. Loïc Corrégé promet un communiqué. Guy Lafite promet un communiqué.



Sur ces questions, la majorité des élus se partage en deux : les blanchisseurs et les extincteurs.



Il y a des élus qui ne sont pas d’accord, j’en connais personnellement. Jean-Jacques Lasserre manifeste clairement son refus d’une soumission à la gauche nationaliste. Florence Lasserre, Alain Robert, Brigitte Pradier, ont exprimé publiquement leur opposition. D’autres élus, comme Guy Lafite, expriment leur opposition en privé, mais conservent un silence prudent. Ils sont capables de grandes colères publiques sur la plage de Marbella, sur l’hôtel du Palais. Ils préparent un communiqué remis à Loïc Corrégé. Ils nous promettent un communiqué. Il va venir incessamment sous peu. Mais Vincent Bru n’a pas voulu. Jean-René Etchegaray affirme que son conseil d’agglo est unanime derrière lui pour blanchir ETA. Guy Lafite ne proteste pas. Il rédige un communiqué.



Quelques citoyens s’expriment. Ils ont un peu de mal à se faire entendre, mais ils poursuivent.



Quand ils parlent dans des réunions, dans un parti, dans une association, on leur répond assez régulièrement que ce n’est pas le sujet. Qu’il ne faut pas évoquer ce sujet. Qu’il n’y a pas de danger identitaire au Pays Basque français.



Ainsi, quand Vincent Bru, député de la majorité présidentielle, côtoie des assassins, des incendiaires, des racketteurs, tous patriotes basques, ça n’a rien à voir avec l’Europe.  Quand Loïc Corrégé, extincteur en marche, empêche la diffusion des discours du président ou du premier ministre sur la poussée du nationalisme en Europe, ça n’a rien à voir avec l’Europe.



Quand Vincent Bru le blanchisseur et Loïc Corrégé l’extincteur dénoncent l’inaction des gouvernements français et espagnols en compagnie de Mélenchon, des nationalistes corses, des identitaires bretons, de tous les adversaires de l’Europe, ça n’a rien à voir avec l’Europe.



L’Europe pour moi est une construction qui me protège des dangers nationalistes et identitaires. Mon combat contre les blanchisseurs et les extincteurs est au cœur de mon engagement européen.

mardi 27 novembre 2018

ce qui brûle, ce qui pousse


Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse (proverbe africain)

Un centre d’accueil de jour lance un appel aux bénévoles aider à la réception des personnes en galère. Cinquante personnes s’inscrivent et se présentent.  Qui en parle ? Cinq gilets jaunes bloquent le péage de La Négresse. Photos, entretiens, nouvelles, journalistes, caméras, micros. Et encore, ils n’ont rien cassé, ils n’ont rien brûlé. S’ils avaient cassé, s’ils avaient brulé, lancé des pierres contre la police, ils auraient eu droit aux chaînes d’information en continu, au journal régional, peut-être même au journal de vingt heures.

Pendant trente ans, l’Irlande du Nord a été secouée par des actions terroristes. Les morts, les ruines, les blessés, les décombres, occupaient les médias. Vous vous rappelez ? Les responsables des deux communautés, protestants et catholiques, se sont rencontrés, se sont mis d’accord pour un nouveau mode de gouvernement, paritaire. Les discussions ont été longues et difficiles. Elles ont abouti. Les micros s’éloignent, les cameras se rangent.

On peut s’indigner, déplorer, condamner. En vain. A chacun d’entre nous d’apprendre à distinguer feu de paille et construction d’avenir.