Bietan
Jarrai : c’est « les
deux ensemble » ou « en avant avec les deux ». Le slogan est
illustré par la hache et le serpent, le logo de l’ETA, la force et la ruse. Ou
encore : les « deux » : les deux voies, la voie militaire
(la force) et la voie politique (la ruse). Alain Fleischer a repris le binôme
dans son roman La hache et le violon, la hache étant la mort, le violon
la vie, la musique, l’amour et comme par hasard, la violoniste parle yiddish et
sera déportée à Terezin. Si un militant
nationaliste lisait la hache et le
violon, il serait peut-être saisi de honte. Parce que dans ce roman,
Esther, la violoniste, joue debout, nue devant un officier SS et quand elle a
terminé la Pasacaille, l’officier saisit une hache et coupe le violon en
deux d’un seul coup de hache.
après avoir donné de mauvais exemples, voici venir l'âge des bons conseils.
samedi 27 février 2016
entre soi
Les
individus séparés meurent de faim, de soif, d’isolement. Pour survivre, ils
doivent appartenir à une communauté qui prendra soin d’eux, depuis la naissance
jusqu’à sa mort, depuis le lait du sein maternel jusqu’au linceul. Pour
appartenir à cette communauté, il faut être né au bon endroit, sur une terre
reconnue, dans une communauté de base qu’on appelle famille, que l’adn, le gêne,
le livret de famille ou la carte d’identité permettra de reconnaître. Cette
communauté se développe et aspire à une organisation correspondant à ses
définitions historiques, ancestrales, inventées, construites, depuis des
siècles ou des semaines. La langue, la couleur de la peau, les vêtements, l’alimentation,
les jeux, les dieux, participent de cette définition. À une communauté doit
correspondre un gouvernement, à un gouvernement doit correspondre une communauté.
Cet ensemble a besoin d’étrangers pour se définir. Elle se définit d’abord
contre ceux qui ne lui appartiennent pas.
Heureusement, d’importantes communautés ont évolué vers
une définition ouverte et accueillante à l’égard de ceux qui sont différents. Noirs,
Musulmans, Juifs, Indiens, ils ont droit
à la carte d’identité, à la carte vitale qui permet les soins, livret de
famille qui permet l’accès à l’école. Mais les tentations d’épuration ethnique
ne disparaissent jamais. Entre soi, même uniforme, mêmes dieux, même langue, se
reconnaître, c’est naître ensemble. Et au pays Basque, des forces telluriques
souhaitent retrouver le pays Basque ancestral, une terre, une langue, un sang. Une
carte d’identité, une monnaie locale, une université séparée. On les appelle
nationalistes ou abertzale et ils
militent pour la préférence territoriale. Pour une fusion entre territoire et
gouvernement. Comme tous les nationalistes, ils estiment qu’il y a une seule
manière d’aimer son pays, c’est de demander une administration ethnique de ce
territoire. Ceux qui ne partagent pas ce point de vue ne sont pas patriotes. Ils
disent aimer le pays Basque mais ce n’est pas vrai. Le nationalisme, c’est le
pouvoir de définir la seule manière d’aimer le pays. Les cosmopolites croient
qu’il y a des manières différentes d’aimer le pays Basque. Les nationalistes
sont convaincus qu’il n’y en a qu’une seule : la leur.
vendredi 26 février 2016
EPCI première étape
Amaia Fontang, féministe et Dominika Daguerre,
membre d’EHBAI et de LAB considèrent que l’EPCI est une avancée, « une
première étape » dans la reconnaissance institutionnelle d’Iparralde.
Amaia espère notamment que cette institution
pourra mettre en place une structure d’accueil des femmes victimes de
violences. Elle pense également que l’EPCI pourra permettre de créer les
entités nécessaires pour la lutte contre toutes les formes de discriminations.
Dominika, quant à elle, a souhaité créer un lieu de
négociations collectives afin d’avancer dans l’amélioration des conditions de
travail. (entretiens recueillis par la plate-forme Batera.)
Ni les négociations collectives ni la lutte
contre les discriminations ne font partie des compétences d’une intercommunalité.
Ces réponses permettent seulement de préciser la notion de « première
étape ». Dans la perspective de Batera, il s’agit graduellement d’accorder
à « Iparralde » des compétences chaque fois plus étendues :
justice, économie, éducation…jusqu’à faire du pays Basque français un
territoire séparé de la République.
Quant aux femmes victimes de violence, a-t-on besoin de l'EPCI pour condamner l'assassinat de Yoyès?
jeudi 25 février 2016
IVG à Bayonne
Dans
la cathédrale de Bayonne, derrière les fonts baptismaux, la vidéo d’un artiste
polonais est projetée dans un œilleton. La vidéo dure quelques minutes. Elle
montre un nouveau-né, le sein d’une mère qui pleure une goutte de lait, le
ventre d’une femme enceinte agitée par les mouvements du futur bébé, et entre
ces images des instruments de torture, cordes serrées, clous, des taches de
sang sur des draps froissés et des poubelles où l’on devine des fœtus. Des
esprits torturés pourraient voir une vidéo vouant aux enfers les interruptions
de grossesse, d’autant plus que Mgr Aillet, évêque de Bayonne a comparé les IVG
aux actes terroristes de Daech et aux génocides. Pas du tout répond le vicaire,
il s’agit de raconter la vie du Christ.
Les
esprits torturés persistent et sont indignés qu’on projette ainsi des images
qui tournent en boucle contre les IVG. La jeune fille qui a été violée par un
prêtre et voudra interrompre sa grossesse sera assimilée à une djihadiste
tandis que son violeur ira se réfugier sous la soutane de son évêque.
Brigitte
Pradier regarde les images et son indignation monte. Elle n’en peut plus. Elle
s’approche de l’appareil de projection, cherche l’interrupteur qui ne
fonctionne pas. Elle poursuit sa quête, trouve le câble d’alimentation et le
débranche. La honte s’arrête.
Brigitte
Pradier est catholique et la cathédrale lui appartient autant qu’à l’évêque.
Elle a donc le droit d’interrompre un spectacle qui ne vise qu’à accroître la
douleur des femmes. Dans un lieu public. Non seulement elle a le droit, mais
elle invite les fidèles du diocèse à visiter la cathédrale de Bayonne, à marcher
jusqu’au bout de la nef, à trouver les fonts baptismaux et à débrancher
l’appareil s’il a été depuis rebranché.
mercredi 24 février 2016
race et handicap
Le handicap n’est pas une
race. On ne dit plus « handicapé », mais personne ne situation de
handicap. On ne dit jamais « personne en situation de juif ». Chacun
peut se trouver à un moment ou un autre de sa vie dans une situation de
handicap : jambe cassée, femme enceinte, homme avec poussette…La situation
de handicap possède ses avantages. La canne est un grand classique dans les
transports en commun. Dans le métro, le bus, le tramway, les gens se lèvent
pour vous céder leur place. S’ils ne se lèvent pas, vous vous posez devant eux,
juste devant eux, les mains croisées sur le pommeau. Si ça ne marche toujours pas,
vous les regardez en souriant et vous faites, am stram gram bourre et bourre et
ratatam, c’est à vous de vous levez, excusez-moi, c’est le hasard. La personne
se lève. Si ratatam tombe sur une personne enceinte, ou qui nourrit un
nouveau-né ou qui a des béquilles, vous recommencez. Autre avantage. L’Entrecôte
est le nom d’un restaurant unique au monde, à Bordeaux. Entrée une salade, Plat
unique, entrecôte et frites, sauce secrète, Tous les jours, déjeuner et dîner,
la queue s’allonge devant l’établissement. Délai d’attente qui peut atteindre
une demi-heure. Nous faisons la queue et en arrivant devant la vitrine de l’établissement,
une employée ouvre la porte et crie : « combien êtes-vous avec la
canne ? ». Deux. Nous sommes deux. Elle nous fait entrer dans la
salle du rez-de-chaussée. Nous voilà installée devant la salade aux noix et un
verre de vin. Essayez de faire la queue devant l’Entrecôte de Bordeaux avec des
cheveux crépus, la peau noire, un voile ou une étoile jaune, jamais une
employée ne viendra crier : « combien êtes-vous avec l’étoile jaune ? ».
combien êtes-vous avec le voile ? Le handicap n’est pas une race.
Mais la race peut-être un handicap.
lundi 22 février 2016
disparitions
Peu à peu, personne après
personne, les amis les connaissances qui vous rattachent à la terre s’engloutissent
dans les fumées du Père Lachaise. Roger Trugnan est mort. Il était permanent du
PCF, nous avions noué une amitié forte, il souriait de mes ruades, mais vint un
moment où il fallut choisir. Entre l’église et les apostats. Il choisit l’église
et nous ne nous sommes plus revus. Ancien résistant, déporté, souriant,
aimable, dévoué. Jean m’annonce la nouvelle, que je connaissais déjà par son
fils. Les enfants n’oublient pas tout. Et il me dit Jean : voici le type d’homme
qu’a construit le communisme. Et la discussion reprend là où elle était restée :
stalinisme et nazisme, peut-on comparer ? Et à nouveau, je me répète. La
différence entre les deux systèmes c’est que l’un s’est installé contre moi, au
nom des principes que je combattais, l’autre s’est installé avec mon appui, au
nom des principes que je défendais. Faut-il aller plus loin, répéter encore ?
Même s’il avait disparu, il n’avait pas totalement
disparu puisqu’il a encore une fois disparu quand il est mort. Les gens
disparaissent à la suite de disputes, de désaccords profonds, pour des bêtises,
et vous les perdez de vue. Mais ils ont toujours là, vous pouvez dire :
nous sommes en désaccord sur le sens de notre engagement, et le minimum de
terrain qui permet la discussion n’existe plus. Avec les craquements, puis l’écroulement
du communisme, la discussion devint impossible. Mais il était possible de
poursuivre la discussion avec des fantômes, de se demander comment il réagirait
à tel événement, s’il soutient Chavez et Castro, s’il considère toujours que la
social-démocratie est l’ennemi principal, si Poutine est un héritier du
communisme ou sinon de quoi ? Il était au KGB, pas dans la Gestapo. Vous voyez
ce genre de discussion impossible, mais qui se poursuit tant que l’autre est
encore vivant, et qu’il pourrait donner un avis. S’il est mort, cette
discussion potentielle, ces échanges fantomatiques ne peuvent plus se
développer. Tant qu’ils sont vivants, vous pouvez imaginer qu’une lettre à la
presse, un message sur facebook, une recension de livre, un article, pourra
passer sous leurs yeux encore voyants et on peut imaginer leur réaction, à ces
gens qui ont été si longtemps de la famille. Maintenant, ils sont morts, ils ne
verront plus rien, ils ne liront plus rien, et je me rends compte que pour une
part j’écrivais pour eux, je continuais à écrire pour eux, à discuter avec eux
et que vient un temps où je ne saurai plus très bien pour qui je continue d’écrire.
jeudi 18 février 2016
une élue socialiste au pays Basque
Sylviane Alaux est député socialiste. Elle
défend une intercommunalité identitaire (l’EPCI), le rapprochement des
prisonniers basques, la libération de Lorentxa Guimon, « détenue malade et
basque ». Elle a interpellé sur ces sujets le gouvernement socialiste, au
nom du « peuple » : « le peuple exprime sa désapprobation
sur ce dossier. Nous faisons remonter sa voix. Et nous disons aux ministres qu’ils
doivent l’entendre ». (media bask, 19 fevrier 2016).
Sylviane Alaux a manifesté pour ces mêmes
objectifs. Lorsqu’elle manifeste ainsi aux côtés des nationalistes basques,
dans une forêt d’ikurinas, elle range son écharpe d’élus républicaine dans son
sac. Elle n’a jamais manifesté dans le pays Basque espagnol contre les
attentats, les assassinats d’élus socialistes. Elle ne rencontre pas les
associations de victimes. Le peuple qui se bat contre l’ETA ne s’exprime pas
sur ce dossier. La lutte contre la terreur et la démocratie est une voix qui ne
remonte pas dans les interpellations du gouvernement. Les militants qui
détiennent des explosifs au centre de Biarritz ne sont pas condamnés par
Sylviane Alaux, mais emprisonnés, ils seront défendus par l’élue.
La réponse du gouvernement socialiste à Sylviane Alaux
est claire : « la dissolution de l’organisation ETA et son
désarmement effectif constituent deux conditions préalables et indispensables »
au processus de paix.
Comment reconnaît-on un élu républicain des
militants séparatistes ? Il ou elle demande le rapprochement de leur
famille de tous les prisonniers. La libération
pour raisons de santé de tous les
prisonniers. L’appartenance à une organisation terroriste ne doit ni priver des
droits ni accorder des privilèges. Il est donc justifié de demander pour les etarras
emprisonnés tous leurs droits. Les droits qu’ils ont refusés à leurs victimes.
mercredi 17 février 2016
coresponsables
Réunion de la section socialiste de Biarritz,
mercredi 18 février 2016. À l’ordre du jour, l’activité des élus socialistes
élus dans la majorité municipale. Petit à petit, les socialistes se rendent
compte qu’ils sont co-responsables des actions municipales. Qu’ils gouvernent
la ville. Avec d’autres. Qu’il n’y a pas d’actions individuelles ni de partis,
qu’ils ne sont pas responsables d’une action et pas d’une autre, mais de l’ensemble.
Du prix des cantines et des économies nécessaires. Des actions sociales,
culturelles, sportives, de la qualité des eaux. Et que c’est très compliqué d’être
responsable de tout.
passeport basque
Ils sont tous tellement
gentils, si chaleureux, si tolérants... Je t’aiderai à
obtenir un passeport, ne te fais pas de souci. Brigitte est prête s’engager
dans les démarches pour un mariage blanc qui me permettrait d’être naturalisé
basque au bout de deux ou trois ans, même si je ne parle pas la langue. Même si
je condamne les assassinats politiques. Je serais quand même citoyen comme époux
d’une basque de naissance, de descendance, une basque héréditaire. Cette
proposition est courageuse à plusieurs titres. D’abord, un mariage blanc quand
le couple a été amant et maîtresse depuis près de vingt ans, quel sens ça a ?
Comment peut-on appeler un mariage blanc un mariage consommé vingt ans plus tôt
avec un drap rouge agité par la fenêtre qui rassura la famille anxieuse dont
tous les regards fixaient les vitres ? Vingt ans de consommation et tu
crois trouver un officier municipal qui bénit administrativement un mariage de
cette couleur ? Je faisais erreur. Un mariage blanc n’était pas un mariage
avant consommation, c’est un mariage qui permet à l’un des conjoints d’acquérir
une nationalité à laquelle il ne peut prétendre. Dans ce cas précis, l’obstacle
n’est pas du tout la consommation prématurée, mais le fait que l’œil exercé de
l’édile repère la fraude au mariage, parfois contre une somme d’argent, un
mariage qui justement ne sera pas consommé, restera blanc, d’où le nom, et
cette non-consommation signalera le caractère frauduleux de cette union. Parfois
les gens se marient et l’officier de police qui enquête ne trouvera pas un seul
slip, pas une seule paire de chaussettes, dans les tiroirs de ces soi-disant
mariés. Et pourquoi ce chèque de cinq mille euros versé sur le compte de la
dame ? D’où provient ce chèque ? Un chèque sans slip et sans
chaussettes ? Pourtant, elle est prête à se sacrifier sur l’autel de la
mairie, à dire oui, à tricher, à jouer le rôle de mugalari, dans le sens
authentique de ce mot, une personne qui aide une autre personne à traverser la
frontière pour la mettre en sécurité. Brigitte, dans la mairie de Biarritz,
devant l’adjoint au maire qui n’est pas dupe, jouera très exactement le rôle de
mugalari dont elle a hérité en naissant au pays Basque.
jeudi 11 février 2016
terrorisme basque et djihad.
Colette
Capdevielle, député socialiste, organise une réunion sur le terrorisme dans un
amphi de la faculté de Bayonne, le 11 février 16. Elle invite deux autres députés
socialistes : Sébastien Pietrasanta et Patrick Menucci. Pietrasenta
s’est abstenu sur le projet gouvernemental, Menucci a vote pour et Colette
Capdevielle a voté contre. Un panel représentatif et une belle discussion pour
la centaine de présents. . Bravo.
Mais une réflexion sur le terrorisme ne peut pas faire l’économie
du terrorisme au pays Basque. Comment expliquer ici une certaine acceptation,
sinon sympathie pour ce phénomène ? Je pose la question. Je développe :
quand on découvre un dépôt d’explosifs au centre-ville de Biarritz, cette
découverte et l’arrestation de deux dynamiteurs provoque une manifestation
patriote contre les arrestations et un silence assourdissant de la part de nos élus.
S’il s’était agi d’un dépôt djihadiste, on entend le déferlement de
protestations, les félicitations à la police pour leur travail. Ici, rien. Pour
un dirigeant abertzale, « si l’intercommunalité
basque ne se met pas en place, nous regretterons d’avoir déposé les armes ».
Ce chantage à la terreur ne provoque aucune réaction. Et je demande à Colette
Capdevielle, qui manifeste régulièrement pour le rapprochement des prisonniers
basques en oubliant son écharpe d’élue républicaine : « allez-vous
manifester aussi pour que les djihadistes emprisonnés soient rapprochés de leur
famille » ?
Je n’ai pas eu de réponse. Des applaudissements d’une partie de
la salle, mais pas de réponse.
Sauf à la sortie, je suis abordé par deux grands gaillards qui
sont indignés par la comparaison entre le combat des patriotes basques, des etarras et les djihadistes. Et ils s’empressent
de légitimer la comparaison : l’État français s’est conduit au pays Basque
comme l’armée française en Algérie. Je leur réponds que si c’était le cas, l’Algérie
serait encore française. Ils n’entendent pas. Les fanatiques islamistes sont
convaincus que les musulmans en France sont persécutés. Pour les fanatiques
basques, le pays Basque était à feu et à sang sous l’occupation française.
Ce soir-là, je me suis fait trois ennemis supplémentaires :
deux abertzale et Colette Capdevielle. Les affaires reprennent.
mercredi 10 février 2016
angela Davis
Pour les fans d’Angela Davis.
La militante « révolutionnaire »
Angela Davis était invitée au pays Basque par le quotidien Gara. On lui a refusé la visite à Arnaldo Otegi, secrétaire de
Sortu, héritier de Bildu et d’ETA. Elle a
rappelé qu’elle a reçu le soutien des prisonniers basques quand elle-même a été
emprisonnée. Elle est toujours animée par le même espoir. Elle lutte pour l’abolition
des prisons. Il faut croire à l’utopie, sinon, « nous continuerons à vivre
dans un monde que le capitalisme détruira ». Aucun changement n’est
intervenu depuis la rédaction du programme du mouvement révolutionnaire
afro-américain. (les Black Panthers). Nous possédons les instruments pour la
création d’un nouvel internationalisme plus fort qu’il y a quarante ans. (media
bask, 10 fev 2016).
Ces paroles
ont été prononcées au musée Guggenheim construit par un capitaliste. L’endroit
était bien choisi. Un musée est un établissement qui fonctionne comme la
mémoire de l’humanité et les paroles d’Angela Davis méritent une visite.
Depuis un
demi-siècle, donc il n’est rien passé. Les dictatures communistes se sont
écroulées, ce n’est rien. Les dictatures latino-américaines se sont effondrées.
Ce n’est rien. Un afro-américain est élu président des États-Unis, ce n’est
rien. Il a installé un système de protection sociale, ce n’est rien.
Des soldats
japonais sont sortis de la jungle malaisienne trente ans après la fin de la
seconde guerre mondiale. Ils ont survécu et maintenaient leurs armes en état de
marche car ils ne savaient pas que le Japon s’était rendu.
lundi 8 février 2016
le prix à payer
Le prix à payer pour l’abandon
du statut de tourisme est une tendresse pour la terreur quand elle brandit l’ikurina, le drapeau basque. Je ne peux
pas à la fois condamner l’emploi de la violence en politique et être accepté
comme appartenant à la nation basque. Je pourrai apprendre la langue, pratiquer
la pelote basque, danser selon les règles de l’Euskal Danza, mettre mes
petits-enfants dans une ikastola, chanter aupa
BO, si je manifeste une quelconque mauvaise humeur à l’égard des etarras, je resterai un touriste,
incapable de comprendre l’âme basque. Ce trait n’est pas spécifique au pays
Basque. Là où des personnes ont tué ou sont morts pour le pays, le
positionnement par rapport à leur engagement est central dans la vie politique.
On peut dire qu’ils ont eu tort de ne pas arrêter plus tôt, ou certaines formes
ont quand même dépassé les bornes, mais quand même, ils ont contribué à
l’édification de la nation, leur sacrifice n’a pas été inutile, il a même été vital.
Sans leur sacrifice, la nation n’aurait pas émergé. Le sang est nécessaire pour
que naisse le pays. Pas de construction nationale sans transfusion. Pas
d’église chrétienne sans le sacrifice du Christ, pas d’Irlande sans Bobby
Sands, pas de pays Basque sans Gaby Mouesca. Si tu ne comprends pas cela, tu ne
comprends rien. Tout le reste, la langue, les danses, les sports, la culture,
la poésie, sont accessoires par rapport au sacrifice suprême. Quand je dis que
Bobby Sands a été arrêté parce qu’il transportait des explosifs dans son
coffre, ou que Gaby Mouesca a été pris
sur le terrain d’un affrontement militaire avec un gendarme qui est mort et que
pour moi, la famille du gendarme comptait autant que la famille de Mouesca, je
sais, je sens, que s’abat le couperet aiguisé qui sépare les religieux des
apostats. Sur ce territoire grand comme un mouchoir de poche, où tout le monde
connaît tout le monde, on se salue, on se congratule on s’embrasse, au-delà
différences, de toutes les différences politiques. Mais pas touche au sang
versé. Respect pour les anciens combattants. Il faut les rapprocher de la
famille, il faut les amnistier pour maladie, il faut leur donner un statut de
sang politique. Comme touriste, j’ai le droit de penser que la découverte d’explosifs
au centre-ville, rue de la Poste mérite qu’on arrête leurs propriétaires. J’ai
le droit d’imaginer le déferlement de condamnations si des jihadistes avaient
été arrêtés pour possession d’explosifs, au centre de la ville de Biarritz. Comme
touriste, j’ai le droit de déplorer le silence sur la découverte, le droit de
condamner les manifestations qui protestent contre l’arrestation de terroristes
abertzale. Mais si je veux devenir habitant du pays Basque, citoyen, je perds
le droit de considérer les etarras comme des terroristes, comme les autres
terroristes, des individus qui veulent imposer leur point de vue, leur
programme, leurs idées, par la terreur.
vendredi 5 février 2016
turbulences
Zone de turbulence. Attachez vos ceintures. Le vaisseau
est secoué et a perdu le cap. Au plan national, un capitaine qui nous dit vous
avez raison d’avoir peur et nous allons inscrire dans la constitution l’interdiction
de voyager à deux catégories de passagers : ceux qui n’ont pas de
passeport et ceux qui en ont deux. Les passagers sont rassurés.
Au plan local, des élus proposent d’enfermer le pays
Basque dans un corset administratif. Emprisonner un rêve de nation dans une
cage. Fabriquer des citoyens basques et des non-citoyens. Interdire la
possession de deux passeports.
Mais que peut-on faire ?
Qu’est-ce qui empêche de proposer des réformes sans reprendre les crispations
sécuritaires ? Sans reprendre les mots et les idées du repli identitaire ?
En reprenant les idées des adversaires, nous les renforçons. Demain, nous
aurons tout perdu, et un projet de réforme raisonnable et plus grave, les
valeurs de la république.
En haut et en bas.
mercredi 3 février 2016
tous patriotes
L’Irlande
est une île. Quoi de plus naturel ? Les Irlandais demandent leur
indépendance, ils veulent un gouvernement. Pour toute l’île. Une partie des
Irlandais au Nord veulent rester britanniques. Ils ne comprennent pas que l’Irlande
est une île dont les frontières sont maritimes donc nécessaires, légitimes,
naturelles et éternelles. Il y eut d’abord une guerre d’indépendance, puis une
guerre civile pour confirmer le caractère naturel et éternel de cette
insularité. Entre les Irlandais qui acceptaient la partition du pays et ceux
qui ne l’acceptaient pas. Puis des guérillas. Des organisations clandestines,
des morts. Beaucoup de morts. Les partis politiques des îles Britanniques furent
balayés. Plus de travaillistes ni de conservateurs. Il reste des partis
nationalistes catholiques, des partis unionistes protestants. Tous se réclament
dépositaires de l’identité éternelle. Le tout coexiste, cahin-caha. Ceux qui se
sentent étrangers sont partis.
Le
pays Basque n’est pas une île, il est traversé par des montagnes et par des
frontières. Pourtant des mouvements nationalistes lui accordent une réalité territoriale,
une identité accordée par son histoire, sa géographie, ses cultures. Les « sept
provinces », quatre en Espagne, trois en France. Ces aspirations portées
par des mouvements nationalistes à force finissent par construire cette
identité. Déçus par les résultats des élections, certains nationalistes ont
remplacé les urnes par des explosifs et la terreur a été une force politique
pendant deux générations. Ces forces politiques ont obtenu l’autonomie d’une communauté
basque en Espagne, où la vie politique se partage entre indépendantistes et « espagnolistes »,
entre les « vrais » Basques et les étrangers.
Du
côté français, les revendications identitaires s’étaient étiolées. Les
patriotes qui demandent le rattachement d’Iparralde à la communauté basque sont
rares. Mais il reste des abertzale
qui réclament avec constance une
reconnaissance administrative du pays Basque. Par les armes, un certain temps,
puis par des manifestations, des pétitions, des actions pacifiques. Par les
urnes aussi, avec un succès mesuré. Jusqu’à présent, la vie politique dans le pays
Basque français se partageait entre gauche et droite.
Il
appartiendra aux historiens de percer le mystère. Comment des revendications
identitaires minoritaires sont-elles devenues majoritaires ? Comment les
partis républicains, socialistes et droite républicaine, traditionnellement
hostiles à toute revendication identitaire, ont repris mot pour mot le langage nationaliste ?
La dispute sur l’organisation territoriale du pays Basque français ne porte pas
sur la nécessité d’une reconnaissance institutionnelle, mais sur ses modalités.
Tout le monde est devenu nationaliste, patriote, abertzale. Tout le monde
accepte une « nécessité légitime, conforme à son identité ». Cette
identité est « le socle qui nous unit ». Les frontières du pays
Basque sont « sacrées ». Nous sommes les héritiers d’un destin
partagé. Telles sont les paroles communes aux partisans de l’EPIC et à ses
opposants.
Comment
les élus républicains qui menaient hier le combat contre un repli identitaire
se sont-ils inclinés sans mener bataille ?
Je
vivais dans un pays Basque sans frontière, respectueux des différences, riche
de sa diversité. Je dois m’habituer à vivre dans un territoire sanctifié,
devenir héritier d’un destin partagé. Ceux qui n’acceptent pas les vaches
sacrées vont devenir des touristes. Quelqu’un peut-il m’indiquer le bureau où
je devrai prendre mon nouveau passeport ?
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