jeudi 31 décembre 2015

mieux ça va pire c'est


A mesure des découvertes, des expériences, le poids des interventions humaines possibles s’est accru. Le temps qu’il fait, de mémoire d’homme, était l’affaire du hasard ou des dieux. Voici désormais que les tempêtes, les inondations, les variations de température, sont directement reliées aux activités humaines. Un fil se tisse entre les catastrophes du vingt heures et votre véhicule Diesel. Les catastrophes ne sont plus naturelles. Si vous êtes né au bon endroit, l’espérance de vie grimpe au-delà du raisonnable, à condition d’être bien soigné, de vivre près d’un service d’urgence, de suivre les campagnes contre l’alcool, la cigarette, les graisses, les sucres, les sels. Tout ce qui était naguère le fruit du destin et du hasard est happé par le filet des responsabilités individuelles et collectives. D’où les démangeaisons,  les eczémas, les spasmes répétitifs, les angoisses récurrentes. Un problème de perdu, dix de retrouvés.

lundi 28 décembre 2015

Corse et Pays basque


 

Jean-Guy Talamoni : « coup de tonnerre sur la Corse », le monde 19 décembre 2015.

Dans cet article du président de l’assemblée de Corse, j’ai seulement remplacé Corse par Pays basque. Sylviane Alaux, Colette Capdevielle et Max Brisson nous expliqueront demain qu’ils n’ont pas voulu ça.

 

Les électeurs ont décidé qu’un nationaliste dirigerait le bureau exécutif de l’EPCI du Pays basque et qu’un indépendantiste présiderait le conseil. Ainsi se trouve confirmé que le Pays basque n’est pas une simple circonscription administrative française, mais une nation, avec sa langue, sa culture, sa tradition politique propre. Déjà, avant même l’existence de l’EPCI, des mesures avaient été prises comme la cooficialité de la langue basque. Le nouvel exécutif a prévu un statut de résident pour lutter contre la spéculation immobilière, un statut fiscal visant à utiliser dans le nouveau territoire les impôts payés par les Basques pour le développement du Pays basque, une stratégie de développement rejetant le modèle du tout tourisme et privilégiant la valorisation de nos atouts culturels et naturels ainsi que la justice sociale. Enfin le nouvel exécutif demandera l’amnistie des prisonniers politiques prenant en compte le fait la phase de confrontation de quatre décennies est arrivé à son terme avec la décidions de l’ETA de sortie de la clandestinité. Le gouvernement français devra réagir positivement à ces demandes majoritaires. La question basque a disparu des écrans radars parisiens sans doute en raison de l’arrêt des opérations de l’ETA. Il faut prendre la mesure de cette décision historique et cesser de prétendre que le Pays basque c’est la France.

vendredi 25 décembre 2015

biarritz bordeaux


Voyage Biarritz  Bordeaux.


 

Brigitte a oublié sa carte senior et cherche le contrôleur pour l'avertir afin de ne pas payer d'amende. Le train est parti, rempli de familles, d'enfants, de paquets gonflés de cadeaux. Un seul bébé braille de temps en temps et suffit à occuper l’espace sonore. À Dax, une femme d'âge moyen, jean noir et pull sombre, voix forte, jaillit de la voiture numéro neuf, franchit le sas, hurle: « Y a-t-il un médecin ou une infirmière dans le train ? ». (Le sexe est respecté, un médecin, une infirmière). Elle traverse la voiture huit où nous sommes confortablement installés et se dirige en répétant patiemment la même question vers la voiture sept. Quand elle reprend son souffle, on entend nettement, venu de la voiture neuf, un gémissement d’une personne qui manifeste ainsi une forte douleur. Dans la voiture huit, il n'y a ni médecins ni infirmières. Il y a des sœurs et des tantes et des nièces de médecins, des beaux-frères par alliance de médecins, une grand-tante de médecins mais pas de médecins directs. Une personne gémit de plus en plus fort dans la voiture neuf. Dans la voiture huit, le bébé braille, tranquillement. La fille ou l'amie ou la sœur ou la tante de la personne qui gémit de plus en plus fort revient delà voiture sept, d'un pas décidé, un air inquiet lui mange le visage, elle est suivie d’un contrôleur qui prend un air de circonstance, professionnel, sang-froid, on voit (nous les voyageurs) qu'il attend ce moment depuis qu'il est contrôleur, depuis une quinzaine d'années et il ne va pas louper la scène. Le malade gémit de plus en plus fort et on entend enfin l'annonce attendue (y a-t-il dans le train, dans ce train-là, de Biarritz à Bordeaux, mercredi matin, rempli de cadeaux de Noël et de récipiendaires. Y a-t-il un médecin ou une infirmière, dans le respect du genre que des imbéciles refusent et pourtant, le genre est bien là dans le haut-parleur, un médecin, une infirmière. Tout à coup, de la voiture sept jaillit une jeune femme d'une trentaine d'années, sobrement vêtue d'un jean et d'un pull sombre, on dirait la femme qui réclamait tout à l'heure un médecin, elle avance et elle dit "je suis médecin", comme une voiture de pompier fait pim pom, elle avance en criant, je suis médecin pour que les gens s'écartent et la laissent passer. Voici encore le genre chamboulé. Une femme médecin, et vous allez voir que bientôt on va voir arriver un homme infirmière. Et chamboulement suprême tout à l'heure, un agent de sécurité qui sera femme ou transgenre. D'où l'inquiétude des familles catholiques qui manifestent contre le genre.         Avec les évangélistes, les orthodoxes et les sunnites.

Nouvelle annonce: à la suite d'un incident voyageur, le train partira avec quinze minutes de retard. Sur le quai, nous voyons arriver des pompiers, des contrôleurs, des infirmiers, des brancardiers. Une manifestation s’organise : « le Samu, c’est un médecin et une infirmière ! » disent les pancartes. « Retrait du genre dans les TGV ! ». Nous ne voyons pas l'incident voyageur, il ne gémit plus, le bébé arrière cesse ses cris car il s'est rendu compte qu'il n'intéressait plus personne. Ne reste plus sur le quai qu'un contrôleur qui siffle le départ. Le train s'ébranle. Nouvelle annonce: suite à un incident voyageur, le train...Les portables s'allument, et on entend un murmure universel, chéri, maman, papa, François, Xavier, mon amour, monsieur, ma tante, nous arrivons à Bordeaux avec quinze minutes de retard. Puis les haut-parleurs annoncent l'ouverture de la voiture bar. 

 

De l'autre côté du couloir, un sac à dos est posé sur le sol, sans étiquette. Une dame âgée, qui lit un roman en livre de poche, lève les yeux de son livre, regarde le sac, recommence à lire, lève les yeux. Elle ne dit rien pendant l'agitation de l'incident voyageur désormais placé sous la protection d'un service d’urgence et sans doute ne voulait-elle pas ajouter un drame au drame. Mais maintenant, tout est calme. Elle regarde encore le sac. Et demande: à qui est ce sac? Personne ne lève la main. L'air se glace. Par les temps qui courent, n'est-ce pas? Le bébé a recommencé ses braillements. À qui est ce sac? Finalement, un voyageur, la quarantaine, genre baroudeur sans peur se penche vers le sac, ouvre la fermeture en un éclair et découvre des bouteilles d'alcool et des sandwichs apéritifs.  Prévenu par un autre voyageur, un contrôleur arrive suivi d'un agent de sécurité qui est une femme, assez forte, genre transgenre, il fallait s’y attendre. La confusion est extrême. Le sac est ouvert, tout le monde regarde, tranquillisé, on va boire un coup. Le propriétaire arrive et dit c'est à moi. Vous pourriez mettre une étiquette et un nom quand même nous sommes en état d'urgence.  Nous avons quitté Dax. À ce moment, exactement, j'entends nettement "jingle bell, jingle bell ". Je cherche le coupable, une sonnerie de téléphone, un film sur tablette sans oreillette? Tout le monde cherche. Finalement, on trouve. C'est un cadeau de Noël, une poupée chanteuse quand on la secoue, qui chante des airs connus et les répète inlassablement. Sans se lasser. En posant le sac à cadeaux dans la soute à bagages, l’acheteur de l’infâme jouet a déclenché le mécanisme. La poupée ou le père Noël est enfermé dans une boîte en carton, protégé par une enveloppe en plastique, puis décoré de papier fleuri maintenu par des rubans tressés. Pour réduire au silence l’instrument de torture, il faut dénouer les rubans, déchirer le papier cadeau, ôter les bulles protectrices, impossible. Il se tait. On reconnaît le coupable à son silence, à ce qu’il est le seul à ne pas demander d’où vient le bruit, à ce qu’il est le seul à s’intéresser aux forêts de pins. Nous sommes condamnés, voyageurs de la voiture huit, témoins d'incident voyageur, traqués par des sacs anonymes, entourés de bébés hurleurs, à entendre jingle bell jusqu'à Bordeaux. Le contrôleur arrive pour le contrôle des billets et Brigitte lui dit qu'elle a oublié sa carte senior qui lui donne droit à une réduction. Il sourit: vous croyez qu'avec tout ce qu'il s'est passé aujourd'hui, j'ai le temps de me soucier d'un oubli de carte senior. Vous ne pouvez pas avoir le sens d'une certaine hiérarchie ? Un peu de pudeur? Un peu de décence? Un homme agonise dans un hôpital de Dax, un sac nous menace des pires dangers, nous sommes condamnés à la pire des tortures, qu'on utilise pour faire parler les terroristes: enfermé dans un local clos, écouter jingle bell pendant des heures et des heures et vous voulez que je m'occupe d'un oubli de carte senior? Franchement.... 

Jingle bell couvre les cris des manifestants : « Un SAMU c’est un médecin et une infirmière ! ».

mardi 22 décembre 2015

bonne nouvelle du sud


Bonne nouvelle

Net recul des abertzale au Pays basque espagnol. D’après Mariano Ferrer, « la société a tourné la page d’ETA. Elle souhaite que la gauche abertzale évolue aussi en reconnaissant …que soutenir le terrorisme pendant si longtemps était une erreur politique ». (sudouest, 22 dec 15)

lundi 21 décembre 2015

qu'ils se taisent!


Mediabask, manchette : en première page : l’ETA tient parole. Ils se félicitent de n’avoir tué personne depuis quelques mois.

Effectivement, l’ETA a toujours tenu parole : huit cents morts, un climat de terreur, des élus, des journalistes, des universitaires considérés comme « cibles légitimes » lorsqu’ils n’étaient pas d’accord, assassinat des anciens combattants trop critiques, toujours l’ETA a tenu parole.

Mais que veux-tu exactement ? Rien. Qu’ils se taisent. Au lieu de parader sur les estrades. Un grand silence, profond, durable. Leur seule contribution possible à la paix qui s’installe.

samedi 19 décembre 2015

à mes amis non-basques.

Des amis non-basques me demandent pourquoi ces notes récurrentes sur l'EPCI. Parce que des élus socialistes ont demandé au ministère de l'intérieur (et obtenu), une intercommunalité fondé sur l'identité "historique" du Pays basque. Le vote doit intervenir au printemps 2016. Les élus socialistes basques pensent pouvoir pacifier les nationalistes en reprenant leurs revendications. Ils ont ainsi redonné un coup de fouet à un mouvement en perte de vitesse. On ne ruse pas avec le nationalisme, on le combat.

Corse Pays basque

Bonjour. Pour mes amis du Pays basque qui connaissent des élus favorables à une intercommunalité basque (EPCI): posez leur la question: quelles seront les trois première mesures de cet EPCI? Je suggère le tiercé suivant: 1. statut de résident, pour distinguer les vrais et les faux Basques. 2. Officialisation de la langue basque. 3. demande d'amnistie pour les terroristes de l'ETA. C'est forcément le tiercé gagnant. Pour tout le reste, nous n'avons pas besoin d'EPCI. Pour ce tiercé, il est indispensable.

jeudi 17 décembre 2015

établissement public corse intercommunal (EPCI)


EHBAI félicite les abertzale qui prennent la tête de la collectivité territoriale corse (EPCI). Premières mesures : un statut de résident (il faut distinguer les vrais Corses et les faux), officialisation de la langue corse, demande d’amnistie pour les djihadistes corses.

J’attends les félicitations de Max Brisson, Frédérique Espagnac et Sylviane Alaux.

CR ps


 

Au lendemain des élections régionales, nos dirigeants ont demandé que le PS devienne une grande maison ouverte, transparente, rassemblant largement la gauche et les républicains de progrès. Je réponds à cette demande en rendant compte publiquement des réunions de la section.

 

 

La section du PS de Biarritz s’est réunie le mercredi 16 décembre pour fêter la victoire d’Alain Rousset et discuter de la suite. Nous étions une vingtaine, dont quatre ou cinq nouveaux adhérents, jeunes.

Nous avons discuté des résultats à Biarritz, où la gauche se maintient, mais le FN comme partout en France monte et les militants se sentent un peu désarmés devant cette inquiétante avancée.

Quelques présents ont regretté le non-respect de la règle du non-cumul des mandats.

Pour la suite. J’ai proposé d’ouvrir les réunions du PS Biarritz aux invités, aux sympathisants. Que nos réunions soient annoncées à l’avance.

D’ouvrir un site public de la section qui permettrait des échanges. Par exemple, sur les arguments permettant de mieux combattre les idées du FN. Il y a une forte demande en ce sens.

D’organiser des rencontres publics, genre cafés politiques, dans des cafés, dans la rue, à date fixe dans des quartiers différents.

Sur le fond : au lendemain des élections régionales, tous les responsables politiques, en premier lieu les socialistes, ont réclamé et annoncé une autre manière de faire de la politique. Ont demandé de réfléchir sur des alliances nouvelles. De ce point de vue, il serait nécessaire d’analyser « esprit Biarritz » comme une de ces manières nouvelles de faire de la politique, avec un regroupement qui rassemble  partis politiques, société civile, association…

Sur le danger de repli identitaire. J’ai proposé de mener campagne contre toutes les formes de ce repli : Voir la Corse, où la définition ethnique du territoire a conduit logiquement au pouvoir les nationalistes, qui ont célébré leur victoire avec le drapeau corse. En Martinique, la droite s’est alliée aux indépendantistes. Au Pays basque, des élus socialistes et de droite pensent ruser avec le nationalisme en reprenant ses revendications. Il faut mener campagne contre l’EPCI dont la mise en place sera fêtée avec des drapeaux basques.

 

mercredi 16 décembre 2015

suite du second tour


D’un côté un pays qui ne va pas si mal. Je veux dire autour de moi, je regarde mes statistiques d’amis, de famille, d’enfants, de connaissances, ça fait quelques dizaines de personnes. En écartant les accidents de la vie, santé, ruptures, déceptions, frustrations, dépressions, les gens que je connais, personnellement, sont correctement logés, bien soignés, partent en vacances, leurs enfants font des études,  parfois dans le public, parfois dans le privé. Ils ont un travail régulier ou sont des artistes, des artisans. Les retraités voyagent beaucoup.

Je connais peu de chômeurs longue durée ou de marginaux à la dérive. Ceux que je connais sont pris en charge, suivent des formations, sont aidés par la famille.

Des gens qui se plaignent d’aller mal parce qu’ils vont mal, je n’en connais guère. Mais des gens qui vont bien qui se plaignent d’aller mal, je ne connais que ça. Les médecins font grève contre le tiers payant et m’expliquent les raisons de la grève avec des arguments rigoureux. Les commerçants sont en colère contre les travaux urbains qui font baisser leur chiffre d’affaire, ils me le prouvent. Des retraités qui louent des logements au noir et sont indignés d’être contrôlés. Dans toute ma carrière d’universitaire, qui me permettait des revenus corrects, un travail intéressant, des loisirs pour la recherche, je n’ai rencontré que des collègues mécontents, contre la dernière réforme, contre les conditions de travail, contre les contraintes harassantes du métier. Ils ne cherchaient plus, ils n’écrivaient, tout leur temps était occupé à râler contre d’infâmes conditions de travail.

Heureusement que de temps en temps, je subis des accidents de santé ou des mésaventures affectives ou familiales. Sinon, j’aurais honte d’être tout seul à surnager dans un océan de récriminations à dire que je vais bien, je pars en vacances, je vais de temps en temps au restaurant, je fais des cadeaux aux enfants, j’ai une compile de trois mille chansons la plupart achetés tout à fait légalement, je suis content de payer des impôts abondants qui me situent dans une tranche supérieure des revenus. Je marche avec une canne de marque avec un  pommeau d’ivoire.

Je ne suis pas trop égoïste, je lis les articles et je regarde les émissions sur les personnes en grande précarité. J’ai même été bénévole dans des associations caritatives et sociales et j’ai toujours étonné de constater que les personnes en grande nécessité râlaient beaucoup moins que tous ceux que j’évoquais, qui vont bien et qui se plaignent d’aller mal. Ils n’avaient même plus l’énergie de râler.

Voici donc le problème politique que j’ai quelque difficulté à résoudre. Un pays où les quatre cinquième de la population vont plutôt bien. Qui le disent dans les enquêtes d’opinion. Qui personnellement vont bien mais collectivement vont très mal. Ceux qui vont très mal ne votent pas, ne manifestent pas, n’écrivent pas à leur député. Ceux qui font du bruit sont des gens qui écrivent à leur député, qui vont voter, qui vont bien mais ont le sentiment d’aller mal. Ils vont bien mais qu’ils craignent d’aller mal, de sombrer dans la précarité, de perdre leur emploi. Ils ont peur pour leurs enfants. Les raisons peuvent varier, mais en tout cas, je suis plongé dans un bourdonnement corrosif de mal-être. C’était mieux avant. Je suis bien placé pour savoir que ce n’était pas mieux avant, puisque grâce à l’âge que j’ai atteint grâce aux soins que la sécurité sociale a permis de me prodiguer, j’étais présent dans l’avant. Je suis témoin que ce n’était pas mieux. Je revois les logements ouvriers avec parois en carton, l’humidité, les jeunes à l’usine à quatorze ans, les bouches édentées, vacances un mot étranger, non, ce n’était pas mieux avant. Qu’est-ce qui permet à ceux qui n’était pas vivant dans l’avant de dire que c’était mieux avant. Que les chiottes étaient à l’étage ? Qu’on allait se laver dans un lavabo ? Que les femmes avaient l’angoisse permanente d’être enceinte, angoisse parfois partagé par les hommes qui ne s’étaient pas encore enfuis ? L’homosexualité criminalisée. L’ORTF contrôlée ?

Commencer peut-être par considérer que notre pays est composé majoritairement d’hommes et de femmes heureux de l’habiter, d’y travailler, un pays qui attire à la fois des migrants du monde entier, qui fait l’envie d’une bonne partie du monde, qui attire les capitaux et les mains d’œuvre qualifiée. Qui exporte savoir-faire, chercheurs, étudiants, techniciens. Soixante millions de sujets et soixante millions sujets de mécontentement. D’abord être fier des possibilités, des richesses, parce qu’elles permettent d’affronter les plus graves défis, les difficultés les plus urgentes. Et on y arrive. Pas toujours pas partout, mais il y a autant de solutions que de catastrophes.

Pour reconstruire : associer les citoyens à la vie politique. Ne pas être le réceptacle du bureau des plaintes, mais construire des solutions, associer à la répartition des richesses, construire des hiérarchies choisies. Prenez vos responsabilités, citoyens !

 

 

dimanche 13 décembre 2015

préférence régionale


Le FN parti de guerre civile dit Manuel Valls. A juste titre. Tous ceux qui prétendent faire coïncider citoyenneté et appartenance ethnique privent potentiellement d’État  les hommes et les femmes qui ne correspondent pas à cette appartenance. Rien n’est plus urgent que d’obtenir alors un État qui les protège. Protection et appartenance vont de pair. L’histoire et l’actualité nous présentent tous les jours des conflits qui sont dus à ces discriminations.

Le FN dans sa campagne parlait de « préférence régionale », de soutenir les cultures locales. De créer dans les régions un ministère de l’identité.

En Corse : avec un peu de courage, on aurait pu inscrire l’île dans une région plus vaste. Mais les frontières d’une île sont sacrées. Donc on a fait une région corse. Résultat : ce sont les nationalistes qui gouvernent, au nom de la préférence insulaire. Les partis républicains sont balayés.

Mais au Pays basque nous sommes protégés contre ces dérives. Une longue tradition de luttes paisibles, de rejet de la lutte armée, d’universalisme culturel, nous met à l’abri.

Je ne comprends donc pas ceux qui relient l’EPCI à une histoire de violences. Je ne comprends pas ceux qui affirment que l’EPCI doit être accepté sous peine de reprise de la lutte armée. Quelle lutte armée ? Je ne comprends pas ceux qui disent que l’EPCI permettra de consolider le processus de paix. Sommes-nous en guerre pour qu’il y ait processus de paix ? Pourquoi certains partisans de l’EPCI tissent-ils une toile entre gouvernance ethnique et roulements de tambour ?

A force, ils vont m’inquiéter.  

 

lundi 7 décembre 2015

faire le point


Faire le point.

Toute ma vie, j’ai fait de la politique. J’ai cherché un lien entre l’actualité et les grands principes. Souvent pour le pire, parfois pour le meilleur, parfois pour rien. Pour le plaisir de chercher.

Ces jours-ci, faire de la politique, c’est essayer de mobiliser le travail accompli sur les relations entre violence et politique pour tenter de comprendre les nouvelles formes de remises en cause dramatiques des sociétés démocratiques et de leurs principes. Je continuerai à dire ce que je pense dans ce domaine. Je combats tous ceux qui pensent qu’on peut éradiquer le terrorisme politique par des mesures sociales.

J’ai beaucoup travaillé sur les migrations, les mouvements de population, internes et externes. Les grands bouleversements, les guerres, les crises, poussent des millions de personnes à partir tandis que d’autres territoires les attirent. (push and pull factors). Ces grands mouvements (immigrations irlandaises aux États-Unis, en Grande-Bretagne, Europe centrale en Europe et aux États-Unis, puis africaines vers l’Europe. Ces migrations remettent en cause la définition des nations qui doivent accueillir de nouvelles langues, de nouvelles religions. Et chaque fois, la crainte du nouveau crée des réactions populistes, fondées sur la peur fondée ou non des concurrents qui arrivent sur le marché du travail et de la délinquance. S’appuyant sur les craintes des nantis accrochés à leurs privilèges et des plus démunis, des moins outillés intellectuellement. Front têtu et mâchoires serrées, Ian Paisley ou Marine Le Pen, ils investissent dans la bêtise, un terme qu’on n’utilise plus depuis que le suffrage est universel.

Mon plus grand échec a été dans le domaine du militantisme. J’ai raconté ailleurs mes voyages à l’intérieur de la planète communiste. J’ai plus rarement parlé de mes expériences à l’intérieur du PS. Elle peut se résumer ainsi : le PS est composé d’élus ou d’aspirants à des postes politiques ou administratifs. Les membres du PS qui ne font pas partie de ces deux catégories et qui souhaitent participer à des lieux de débat sont considérés selon les périodes comme d’aimables emmerdeurs ou d’entraves à la vie clanique. Dans le 18ème arrondissement de Paris, où la gauche réformiste et ses alliés étaient au pouvoir local et municipal, j’ai toujours été écouté poliment, mais ne faisant partie d’aucune famille, je provoquais par cette absence d’allégeance des méfiances jamais dissipées. « Pour qui roule-t-il ? » est une question redoutable quand elle reste sans réponse.

A Biarritz, à l’autre bout de la France, le PS s’était installé dans le doux confort d’une opposition municipale d’autant plus stridente qu’impuissante. Puis des militants socialistes s’allièrent à la droite centriste contre une droite conservatrice. Ils partagèrent le pouvoir, mais furent exclus du PS. Ils avaient ouvert la porte à une alliance inédite entre une gauche réformiste soucieuse de gouverner une ville ambitieuse et solidaire avec une droite opposée culturellement aux dérives sarkozystes. Aux élections suivantes, l’accord fut porté par les partis socialistes et radicaux mais une partie des militants persistent à penser que le PS a perdu son âme dans l’aventure.

Telle est la situation aujourd’hui et la guerre larvée ou ouverte fait rage entre ces deux tendances. Faut-il d’abord obéir à l’appareil socialiste ou aux engagements électoraux ?  Je fais partie de la seconde tendance et soutiens avec obstination une entreprise politique inédite qui me semble porteuse d’avenir. Le résultat est que je suis considéré comme un adversaire par les secrétaires de section successifs. Le premier voulait m’empêcher de parler au nom du PS dans un débat, le suivant m’a menacé d’exclusion, le troisième tente d’étouffer toute discussion à l’intérieur de la section.

Pourquoi je reste ? Sans doute parce que la section socialiste de Biarritz, qu’elle s’en félicite ou non, fonctionne dans l’un des rares endroits où l’horizon se déchire.  

mercredi 2 décembre 2015

durée

lu dans les réseaux : "Les musulmans ne sont pas tous terroristes, mais les terroristes sont tous musulmans.". Dans le dictionnaire des idées reçues de Flaubert: "les républicains ne sont pas tous des voleurs, mais les voleurs sont tous républicains". La connerie survole le temps.

dimanche 29 novembre 2015

vaincre le terrorisme

 De mémoire d’homme, nos sociétés ont été toujours été menacées gravement par des mouvements terroristes : l’IRA au Royaume-Uni, l’ETA en Espagne, la bande à Baader en Allemagne, les Brigades rouges en Italie. Les FARC en Colombie, le Sentier lumineux au Pérou. Des milliers de morts, des climats de terreur. Ces mouvements ont parfois été vainqueurs et sont arrivés au pouvoir, comme Mao après la Longue Marche, ou la guérilla cubaine de Fidel Castro. En Europe, ces mouvements armés ont été vaincus. L’IRA, l’ETA, le FLNC, ont déposé les armes sans avoir atteint leurs objectifs. En Irlande, au Pays basque, en Corse, du combat armé il reste quelques armes rouillées, des cagoules mitées, des prisonniers épuisés, des repentis, quelques clandestins, des chants de guerre, des demandes de libération anticipée pour maladie grave.

A quelles conditions ont-ils été battus ? D’abord au prix d’une bataille politique et idéologique qui leur a rendu l’air irrespirable. Il fallut chasser la moindre bulle de justification. Dans un pays démocratique, où les droits collectifs et individuels existent, l’emploi de la violence pour des objectifs politiques s’apparente à un putsch, rouge ou brun, mais toujours un putsch. Combattre leurs soutiens était aussi importants que les opérations de police.

S’il n’y a aucune raison d’utiliser la violence armée, ni sociale, ni politique, ni identitaire, ceux qui l’utilisent ne sont pas des soldats ni des militants, mais des terroristes. Pourchassés, ils furent traités comme des criminels, Jamais comme des prisonniers politiques ni comme prisonniers de guerre. Les membres de l’ETA ou de l’IRA ne cessaient d’affirmer qu’ils étaient en guerre. Les sociétés britanniques, espagnoles, françaises, leur refusaient ce royal hommage. Il n’y eut pas d’armistice négocié. Les guerriers ont déposé les armes et Gerry Adams, dirigeant républicain, a demandé aux catholiques de téléphoner à la police s’ils étaient témoins d’une action armée. Depuis, l’Irlande du Nord vit en paix.

Dans les cas irlandais ou basques, la revendication nationaliste s’appuyait sur l’exclusion d’une partie des citoyens à qui l’État refusait la citoyenneté. Des citoyens qui ne possèdent pas la protection d’un État n’ont de cesse de s’en fabriquer une. Pour être citoyen britannique, il fallait être protestant. Tous les signes d’une culture basque étaient considérés comme des trahisons par l’Espagne franquiste. Aujourd’hui quand un Basque cagoulé affirme qu’il ne dispose pas de la protection d’un État, qu’il reste un apatride tant qu’il ne disposera pas d’une totale indépendance, il est accueilli par un salutaire éclat de rire.

Devant les nouvelles formes de terrorisme, le passé nous lègue-t-il quelques leçons ? Les djihadistes basques ou irlandais avaient besoin d’un appui logistique et politique. Ils devaient donc faire de la politique, apprendre jusqu’où ils ne devaient pas aller pour ne pas perdre ces appuis. Les nouveaux terroristes ne recherchent aucun appui, ni politique, ni logistique, dans les pays où ils agissent et l’escalade de l’horreur fait au contraire partie de leur stratégie.

Il en résulte un sentiment d’impuissance. Les démocrates combattaient inlassablement la terreur nationaliste par des arguments, des manifestations, des livres et des chansons. Aujourd’hui suffit-il d’appuyer les opérations de police pour combattre le djihadisme ? Suffit-il de mettre un drapeau français à la fenêtre ?

Voici un angle de réflexion : les terroristes basques et irlandais, par leur violence, voulaient provoquer une vague de répression et d’exclusion, de méfiance à l’égard de l’ensemble des Basques et des catholiques afin de « prouver » qu’ils étaient réellement dépourvus d’État. Les djihadistes islamistes voudraient porter la guerre civile en provoquant des réactions tribales. Ils aiment les Saint-Barthélémy, les charniers rwandais, les purifications ethniques. Massacrons-nous les uns les autres, éliminons tous les partisans de la mixité, nous irons planter le drapeau noir à l’entrée des charniers.

Que pouvons-nous faire ? Pour éviter le pire, il faut chasser de nos têtes et des discours publics ou chuchotés tout ce qui mène à la purification ethnique, tout ce qui fait coïncider frontières et identités. Chacun peut y contribuer.


lundi 23 novembre 2015

pour un pays basque sans frontières

L’EPCI Pays basque donnerait une reconnaissance administrative et politique au Pays basque. Le Pays basque était un pays sans frontière. Désormais, il sera reconnu, il existera. Pour Batera : l’EPCI est une « première étape de la reconnaissance du Pays basque. Pour Sylviane Alaux : le Pays basque a des « frontières sacrées ».

Ces frontières sont déjà dans les têtes. Voir le débat au conseil municipal. Tous (sauf Guy Lafite) se sont crus obligés de donner des preuves de leur appartenance, de leur attachement au Pays basque. Et leur souhait d’une traduction politique de cette passion.

Il faut affronter cette question.  Faire coïncider gouvernement et identité  est toujours au moins un    risque, au pire une catastrophe.  Elle remplace une identité citoyenne par une définition identitaire. J’observe le débat : d’un côté les envolées, les sanglots dans la voix de ceux qui déclarent leur flamme et veulent épouser le Pays basque et en face, des gens qui sont contraints d’être aussi amoureux, mais critiquent le contrat de mariage. Avec des sanglots dans la voix et avec la même passion, avec toute l’expérience d’un homme qui a traversé des conflits ethniques, des meurtres sous drapeau, des massacres identitaires, je le dis et je le répète : céder le pouvoir politique, même limité, à des aspirations nationalitaires transforme la vie politique en profondeur. L’intérêt général devient clientélisme et les partis politiques deviennent des clans. Croyons-nous être à l’abri des dérives corses ?


mon intervention à la réunion d'Esprit Biarritz du lundi 23 novembre 2015. 


Faire coïncider administration et ethnicité crée deux catégories de citoyens. Avant même d’être mis en place, l’EPCI les a créés : pour, les vrais. Les contre : pas de vrais Basques. Les modalités de vote révèlent ce clivage. A Belfast, les catholiques n’étaient pas considérés comme de vrais citoyens britanniques. Ils avaient moitié moins de voix aux élections.

Faire coïncider administration et ethnicité crispe la politique. Je demande de lire et d’entendre le vocabulaire guerrier qui hérite des combats passés. Des termes révolus refont surface : Pays basque nord, Ipparalde. Les opposants à l’EPCI « prennent le Pays basque en otage ». Le Pays basque « n’acceptera pas qu’on refuse cette avancée ». Les habitants « ont toujours sanctionné ceux qui allient à l’encontre du Pays basque ». Les maires qui’ s’opposent « tournent le dos au territoire ». Ils devront rendre des comptes ». Si vous pensez que ces formules viennent d’Abertzale radicaux, vous vous trompez : vous les trouvez dans les discours d’élus tout à fait modérés. Avec Xabi Larallde dans enbata (19 nov 2015) on saute un pas : Si l’EPCI ne marche pas, nos enfants nous diront que nous avons été stupides de déposer les armes.

Demain, dans une intercommunalité unique qui donnera vie à un Pays basque politique, j’imagine les discussions sur les répartitions budgétaires entre le festival du film basque et le festival latino. Actuellement, dans les manifestations pour l’amnistie des prisonniers, les élus participent en ordre dispersé, personne ne représente le Pays basque tout entier. Demain, le président de l’EPCI, s’il participe, me représentera aussi.

S’opposer à l’EPCI, c’est être contre la culture basque ? Ou contre les Basques ? Ceux qui posent ainsi la question confirment mes inquiétudes : ils brassent identité et politique. Actuellement, les contrats de formation en basque existent, ainsi que les ikastola, les crèches existent, toujours le résultat d’une activité militante et de choix individuels. Officialiser la langue, ce sera prendre le risque de transformer des villages de l’intérieur en colonies linguistiques pour les candidats aux concours administratifs et aux différents emplois. Des élus éloquents consacrent beaucoup de temps et d’énergie à prouver leur amour la langue basque dans des contrats officiels, et du coup, ils n’ont plus le temps d’apprendre la langue qu’ils aiment tant. La chance de la culture basque est de vivre dans une société plurielle, de s’affronter et de se mélanger en permanence avec d’autres cultures. La richesse de la langue et de la culture basques aujourd’hui, c’est son caractère militant, volontaire, inventif.

Qu’est-ce qu’un Basque ? C’est une personne qui pose la question et ne connaît jamais la réponse tant elle est multiple. Je n’ai aucune racine basque. Peu à peu, je m’intègre. Le rugby m’indifférait, je discute sur la fusion des équipes. Je m’intéresse aux ikastolas. Je mène le combat contre l’EPCI. Je me sens à l’aise, accueilli. Je suis en train de devenir Basque à ma façon. Batera militant pour l’EPCI dessine un autre pays dans la liste de ses soutiens : la crèche bascophone, l’ikastola de Mauléon, une association d’aide aux prisonniers. Pour Batera : le président idéal du prochain EPCI, sera un ancien etarra, vingt ans de prison, bascophone, qui choisira qui est basque et qui ne l’est pas.  Je n’ai pas envie de devenir étranger dans le pays où je vis.


mercredi 18 novembre 2015

le diable et le bon Dieu

Dom Maurice, curé de Saint-Martin, est un fidèle de Mgr Aillet, évêque de Bayonne, militant contre toute forme de modernisation de l’église catholique. Dans ses sermons, il condamne l’euthanasie et le Dr Bonnemaison, l’avortement, le mariage pour tous et fustige l’Islam, religion du diable. Les catholiques de la paroisse qui ne sont pas d’accord vont communier dans d’autres églises. Personne ne s’est levé pendant d’un sermon pour exprimer un désaccord. Silencieusement, ils sont allés ailleurs.

Après la Saint-Barthélémy islamiste du Vendredi 13 novembre, Dom Maurice est présent le samedi 14 novembre, devant la mairie de Biarritz. Je m’approche de lui après la minute de silence : Monsieur le curé, vous ne croyez pas dans les présentes circonstances qu’il est mal venu de prêcher la haine ? Il se défend bien sûr, ce n’est pas vrai. Si c’est vrai, des catholiques présents confirment. La discussion est vive.

Le dimanche 15 novembre, Dom Maurice avait renoncé à ses condamnations et prêché davantage selon l’Evangile, d’après les présents.


Conclusion : la première force du Diable est le silence des agneaux. 

dimanche 15 novembre 2015

au pays basque on est tranquille

L’État islamique a envoyé huit kamikaze dans les rues de Paris tuer le plus possible n’importe qui. Cent trente morts et le pays est tétanisé. Parler d’autre chose que du carnage est incongru. Des articles expliquent comment on devient fou de Dieu. La veille, et le lendemain. Nous ne saurons jamais tout. Mais nous sommes à peu près certains de l’objectif : un pays où Dieu est possible mais pas obligatoire. Un pays comme ça, c’est fragile, chacun dans un coin voudrait le dessécher en une définition unique : blanc, chrétien, lumineux, patriote, masculin, hétérosexuel. Chacun dans ses difficultés voudraient le transformer en territoire amniotique  et protecteur des orthodoxes contre les hétérodoxes. La lutte se mène partout, partout on veut réduire le pluriel en singulier, le divers en même, chasser l’autre pour protéger les siens.

Devant le massacre, tout le monde parle. Un passant tend la main et se tranquillise : « au Pays basque, on est tranquille ».


La moitié des habitants du Pays basque ont des enfants ou des proches qui étudient et travaillent dans la région parisienne. Ils se sont fait massacrer dans un restaurant ou une salle de spectacle. Mais un passant se rassure : « au Pays basque on est tranquille ».

identités perdues

J'ai trouvé une catho et elle ne pratique pas. J'ai trouvé une Basque et elle ne pratique pas. Elle seule n'est pas déçue: elle a trouvé un chieur et il pratique.

amitiés

mes amitiés à Ahmed, Aziz, Aziza, Abdel, Zora, Souad, Fatia, Mohamed,...Ils vont subir les retombées d'un crime qu'ils abhorrent autant que moi.

plaintes

à ceux qui se plaignent un peu trop: les jihadistes se sont attaqués à nos nos succès et à nos valeurs. Ils les détestent plus que nous les aimons.

vendredi 13 novembre 2015

revanche

Un militant Batera distribue une brochure de défense d’EPCI à Madame Brigitte Pradier, conseillère municipale à Biarritz. Vendredi 13 novembre 2015, aux Halles. Brigitte Pradier déclare qu’elle est contre l’EPCI, elle n’aime pas la confusion entre identité et politique. L’homme répond : « ah ! L’identité. Justement. On a souffert pendant des années et des années. Maintenant, on va prendre notre revanche ».

Pendant des années, les Basques ont souffert dans le Pays basque français. Ils siègent dans les conseils municipaux, lancent des activités de langue et de culture, organisent des écoles basques. Ils avaient l’air plutôt satisfaits. Erreur. Ils souffraient, Comme ils souffraient ! Et  aujourd’hui grâce à l’EPCI, ils vont prendre leur revanche.

mardi 10 novembre 2015

identité

l'identité clive. elle est ce qui reste quand tout le reste a disparu. comme elle clive!Je le constate dans ma section socialiste de Biarritz. On ne s"est jamais engueulé sur la loi Macron, les réformes scolaires. Mais sur l'EPCI, quelles tensions! c'est ainsi. Les ouvriers de Belfast catholiques et protestants manifestaient ensemble contre le chômage dans les années 1930. Mais  ils s'entretuaient pour enlever ou pour hisser un drapeau britannique ou irlandais. Tout ce qui mixte identité et politique est potentiellement explosif.

mercredi 4 novembre 2015

olite

La tête heurta la table basse en verre épais. Le tabouret léger avait dérapé sur le parquet ciré et son poids l’avait entraîné sur le sol, sur le dos, loin du lit. Il essaya de glisser vers le matelas, en s’appuyant sur les coudes. Releva le buste, regarda autour de lui, se mit à rire nerveusement. Franchement comment se trouvait-il dans cette position ? Depuis Biarritz, cent vingt kilomètres sur autoroute, puis parking devant la haute muraille du château d'Olite. Les bagages furent dégagés du coffre, mis sur épaule ou sur roulettes, sac plein équilibrant la canne. Des  pavés, des marches, conduisent au parador, un château dans le château, l'énorme château d'Olite, que des touristes espagnols surtout à cette période de l’année, visitent avec leurs enfants, prennent des photos dans les meurtrières, les chambres voûtées. Une armure guerrière, noire, métallique, devant le comptoir d'accueil, fait pleurer une petite fille qui se réfugie dans les bras de sa maman pendant que le papa ou faisant fonction remplit les formulaires. Vous ne pourriez pas placer cette armure à un autre endroit, grommelle le père, chaque fois que je viens ici avec ma famille dont je suis le père et pas faisant fonction, ma fille pleure, elle a peur de ce guerrier noire, avec lance et épée. Puis c'est leur tour, ils se plaignent du nombre d'enfants qui pleurent. Remplissent les formulaires, montrent leur carte d'identité. Reçoivent une clé. vident la valise, branchent les tablettes, les téléphones, vérifient le réseau, reçoivent le courrier, répondent, argumentent contre des militants de gauche pendus aux basques des Basques.  Il affronte l'identité, le nationalisme, la frontière. Il tape, tape, jusqu'au bout de la nuit, c'est sa façon d'aimer.

Sortent sur la place royale, tournent à droite jusqu'à la rue de la Juiverie, une auberge ouverte, un menu correct, ont-ils de la place. Ils discutent entre eux, beaucoup de tables sont réservées mais à partir de quinze heures, ils auront le temps de manger. Du pain, des olives, un verre de rouge Navarre, platos combinados. des enfants passent en hurlant vers les toilettes, accompagnés par le grand frère ou par la maman, rarement par le père. Ils paient, font la sieste, il se réveille sous l'effet de la colère contre les territoriaux. les territorialistes. Les territorialisants. Commence à écrire contre, sur ce siège en bois, instable, devrait être interdit, il se tourne, le siège glisse, sa tête heurte une table basse et il se retrouve collé au sol. 

Il tente de redresser le torse, y parvient juste assez pour que son regard repère le fauteuil instable répandu sans forme, une table basse toujours menaçante. Il se rappelle l'église gothique avec retable doré qu'une dame, à l'entrée, assise sur une chaise d'église, entourée de trois enfants, attentifs à une boîte en fer qui sert de caisse, illuminait pour deux euros. De l'église, ils ont franchi quelques escaliers pour pénétrer dans le grand château d'Olite avec tours et colimaçon que malgré tout, il franchit en se tenant à la rambarde métallique. Martini dans le bar du parador, rempli de veuves qui toutes dégustent  un jus d'ananas et rhum. 

         Elles sont toutes assises sur des fauteuils stables alors que si elles tombaient, elles ne pourraient sûrement pas se relever. 

         La télécommande fut entraînée dans sa chute, il allume, change de chaîne, respire, expire, pousse. S’il atteint le matelas, il pourra s’appuyer sur le lit et sans doute se relever. Des manifestants brûlent des pneus et des clayettes, des débris d’avion dans un désert immobiles, il a une chance inouïe, il n’est tombé que d’un petit mètre, amorti par un plancher ciré, sur lequel il glisse peu à peu, atteint le lit, se pousse sur les coudes, se met debout et dit : il pleut, il ne nous reste plus qu’à prendre un apéritif avec des olives de la région. Pendent tout ce temps, elle n’a pas cessé de rire.


mardi 3 novembre 2015

qu'est-ce qu'un quelqu'un

Qu’est-ce qu’un quelqu’un ?

Reconnaissons les brûlures personnelles dans la question. Des parents dont le seul passeport était un accent rouleur de questions. Un nom provoquant d’autres questions. Une fuite devant des uniformes. Des difficultés cuisantes pour renouveler la carte d’identité.

Une histoire individuelle qui est l’histoire du monde. D’où es-tu, d’où viens-tu, qui t’habite, qui habites-tu ? Où enterres-tu tes ancêtres ? Chaque fois, quand la vague brune des identités l’emporte sur l’humanité, chaque fois que l’on marque les hommes comme on marque le bétail, chaque fois l’humanité recule.

Quand même, il faut bien être de quelque part ? Bien sûr. Joyce et Beckett sont nés en Irlande et chaque mot qu’ils ont écrit était un désengagement de cette assignation. Joyce disait de la nation qu’elle était une truie dévorant ses enfants. Beckett, à la récurrente question « êtes-vous Irlandais », répondait « au contraire ».

Quand même, il faut bien être de quelque part ? Bien sûr. Les apatrides sont des orphelins de l’État disait Hanna Arendt. Qui refuse la famille ? D’accord. Mais alors que l’origine, l’identité, la nationalité, restent de transparentes questions et surtout pas des frontières officielles.


Qu’est-ce qu’un Basque ? C’est une personne qui pose la question et ne connait jamais la réponse tant elle est multiple. Qui transforme cette question en réponse administrative empêche les oiseaux de chanter. 

mardi 27 octobre 2015

Identités

Le conseil fédéral du PS 64 a voté à la quasi-unanimité pour le projet d’EPCI (Sud-ouest 27 octobre 15). Selon Sylviane Alaux, député, ce vote représentait « un gros risque », mais le résultat est un « grand moment ». Pour Frédérique Espagnac, ce vote respecte les « identités du département ».

Il manque quelques éléments à ce compte-rendu du conseil fédéral. D’abord, que des sections socialistes ont voté contre l’EPCI, que d’autres n’en ont même pas discuté. Dire que les élus socialistes vont suivre le conseil fédéral est donc pour le moins hardi.

Il reste qu’une cinquantaine de membres du conseil fédéral ont voté leur soutien au projet d’EPCI. Sans discussion sur sa cohérence, sa faisabilité. Il reste dans le compte-rendu un seul argument : l’EPCI « respecte les identités du département ».

Dans une atmosphère politique difficile, le PS fuit les difficultés en se réfugiant dans le respect identitaire. Ce fut déjà le centre de la campagne des élections départementales, où il fallait « respecter le territoire », avec les résultats que l’on connaît.

Quand on respecte l’identité plus que les principes, on ne perd pas seulement les élections, on perd aussi tous les repères.


S’il y a un parti qui doit fonder sa politique sur des principes universalistes, de solidarité, de républicanisme, ce devrait être le PS. Que les autres partis bredouillent pour de mesquins calculs électoraux, c’est leur affaire. J’attends mieux du PS. 

dimanche 25 octobre 2015

révolutions


Libération donne la parole à des artistes, des metteurs en scène,  qui annoncent une révolution, tant la souffrance sociale est grande. (jeudi 22 octobre). 

Les perspectives politiques sont peu claires et la place est dégagée pour les cris de guerre, les certitudes blindées. Quand les puissances occidentales pouvaient piller les ressources naturelles des colonies, les transformer en tissus et produits manufacturés et les revendre ensuite dans un marché captif, les choses étaient meilleures pour nous. Non seulement ces échanges inégaux assuraient un niveau de vie acceptable pour les salariés européens, mais les colonies étaient terres d’émigration et de réussite professionnelle : administration, agriculture, par millions, les Européens émigraient vers les terres nouvelles d’Amérique et d’Afrique.

Tout ça est terminé. Comme sont terminées des pratiques familières : importer des mains-d’œuvre bon marché et les renvoyer quand elles devenaient inutiles, utiliser les femmes comme salariées d’appoint, pendant les guerres et puis les renvoyer au foyer au retour des soldats. Ces variables d’ajustement étaient diablement efficaces. Elles ne peuvent plus désormais être utilisées.

Le chemin de la révolution étant fermé par une saine sagesse populaire, il reste des recours protectionnistes. Les plus riches veulent blinder leurs privilèges. Les moins riches retrouvent les instincts corporatistes et identitaires pour ne pas perdre les leurs. Entre ceux pour qui le territoire est devenu mondial et ceux qui n’ont comme monde que leur territoire se joue une partie dangereuse parce qu’un terrain commun peine à se dégager.

Certains persistent à nous annoncer une révolution, une insurrection. Seule une scène de théâtre peut transformer une chemise déchirée en révolte du Potemkine.

Ça fait parfois de superbes spectacles. Pourvu qu’ils n’empêchent pas de travailler les soutiers de la politique.


liberté

La Chine communiste accorde le « Prix Confucius », un contre-prix Nobel révolutionnaire. En 2010, le lauréat fut Fidel Castro, en 2011, Vladimir Poutine, en 2015, Robert Mugabe dictateur qui règne au Zimbabwe par la terreur et affame son peuple.

Maati Monjib, historien marocain, est en grève de la faim parce qu’il n’a plus le droit de voyager.


Je déjeune, je sors acheter mon quotidien, je le lis à la terrasse d’un café et je respire avec volupté mon aire de liberté. 

détail de l'histoire

Laurent Joffrin, libé 22 octobre 15 : sur Karl Marx :

« une certaine critique parisienne s’évertue à remettre à la mode le vieux prophète du communisme (Karl Marx) en portant aux nues quelques échappés du Jurassic Park, comme Badiou ou Zizek, qui trouvent amusant de proclamer leur admiration pour Staline ou Mao, notamment dans leur œuvre principale qui a consisté à faire tuer quelques dizaines de millions de personnes coupables de ne pas comprendre …les immenses bienfaits du marxisme en actes ».


Effectivement, ce sont des révisionnistes. Pour eux, les immenses massacres sont un « détail » de l’histoire. 

dimanche 18 octobre 2015

terrtoires

Le territoire est défini par des frontières qui sont la plupart du temps des rapports de force. Toutes les frontières ont fluctué et parfois mergituré. Le territoire est défini par des langues parlées, par des religions. Rien de moins naturel qu’une frontière. Pourtant, elles revendiquent toutes une essence éternelle. La France est un hexagone délimité par des montagnes, des fleuves, des océans. Les Pyrénées séparent la France et l’Espagne, mais unissent le Pays basque grâce aux chemins de contrebande.  

L’Irlande est un bon exemple : pour les nationalistes irlandais, quoi de plus naturel qu’une île ? Pour les unionistes protestants, il était beaucoup plus naturel de traverser la Manche que de prendre le train pour Dublin.


C’est pourquoi tout nationalisme est d’abord une archéologie. Il faut rechercher des traces de l’éternité enfouies dans le sol. 

mercredi 14 octobre 2015

Pays basque

S’il n’y avait pas un mouvement nationaliste au Pays basque, qui aurait eu l’idée incongrue de rassembler en un seul « territoire » 158 communes, un conseil de 237 membres, une entité ingérable, source de conflits sans fin ? Si les objectifs étaient économiques, culturels, le respect des bassins de vie, la solidarité fiscale, jamais ils n’auraient abouti au regroupement proposé. Ils ne prennent sens  que dans une visée identitaire.

Visée nationaliste tout à fait légitime. Le nationalisme est un mouvement politique qui réclame une adéquation entre un territoire défini et un mode de gouvernement. Ceux qui s’estiment liées par une histoire, une langue, un territoire, ne se reposeront pas tant qu’ils n’auront pas un gouvernement correspondant à leur définition du territoire. Les peuples d’’Ecosse, de Catalogne, du Québec ont ainsi milité pour une autonomie de gouvernement. Ainsi que le Pays basque espagnol. Cette aspiration s’est manifestée par des élections où les nationalistes obtenaient un soutien important, parfois majoritaire.

Or la situation est radicalement différente au Pays basque français. Régulièrement, à tous les scrutins, plus de 90% de la population soutient des élus et des partis qui ne veulent pas d’autonomie, ni de regroupement avec le Pays basque espagnol. Qui ne veulent pas de correspondance entre identité et administration.

Le projet qui nous est soumis admet comme axiome qu’une majorité de la population concernée est nationaliste. C'est à dire qu’elle souhaite un mode de gouvernement correspondant à une identité basque. Batera, après avoir demandé un département basque, soutient l’EPCI comme un pas vers la reconnaissance politique du Pays basque. Les quatre maires du littoral qui renâclent « veulent tourner le dos au Pays basque ». EHbai : a toujours demandé un département basque. L’EPCI est une première étape avant d’avoir une collectivité élue au suffrage universel.  Même expression du PNB : « première étape vers une collectivité du Pays basque». Colette Capdevielle soutient depuis longtemps un département basque. « Il serait dramatique de morceler le territoire ». L’EPCI correspond « aux attentes du territoire ».

Le territoire attend, le territoire morcelé veut retrouver son unité. Le territoire veut. Il gronde. Il rugit contre les maires qui lui tournent le dos. Le territoire est mûr. « Notre territoire devra décider ». Le territoire ne peut mentir. Il a raison contre les opinions, les scrutins, les mouvements de population. Il est sacré. Les gens qui le peuplent ? On se débrouillera par la suite pour les faire entrer dans le moule qui sera ainsi créé. Il n’y a pas si longtemps, des groupements armés voulaient contourner l’opinion majoritaire par la violence sanctifiée par le territoire. Ce temps-là est heureusement révolu. Qu’on ne contourne pas à nouveau les souhaits majoritaires par des ruses administratives.

Je crains le pire. On dessine des frontières et ensuite sont citoyens à l’intérieur de ces frontières ceux qui les acceptent. Ceux qui ne les acceptent pas sont des non-citoyens. Je n’ai pas envie de vivre dans un pays divisé comme au Pays basque espagnol entre patriotes et espagnolistes. Actuellement, il y a coexistence heureuse entre les amis de la langue basque et les pratiquants d’autres langues,  des ikastolas qui sont possibles mais pas obligatoires. Une culture basque qui se développe sans entrave et coexiste avec d’autres cultures, ouvertes sur le monde. Si les institutions ressemblent à une identité unique, et non pas plurielle comme c’est le cas actuellement, il y aura forcément des dérives sectaires.


Patience. Si une majorité s’exprime clairement pour des institutions identitaires, elles verront le jour. En attendant, que coexistent gaiement les cultures qui n’ont pas besoin de nouvelles frontières pour se développer.  

dimanche 11 octobre 2015

la chemise

Si l’image d’un DRH d’Air France torse nu, chemise déchirée, a fait le tour du monde, et d’abord de la France,  c’est d’abord parce que de telles scènes sont d’une extrême rareté. « Normalement », les salariés manifestent, font grève, les négociations s’engagent, un compromis émerge, jusqu’au prochain conflit.

Avant l’émergence des syndicats, les négociations n’existaient pas, seuls les rapports de force réglaient les conflits d’intérêt. Bris de machine, tabassage d’un contremaître… Il suffisait que trois ouvriers discutent ensemble du salaire qu’ils recevaient pour que cette réunion illégale les envoie au bagne. Dans les campagnes, quand le prix de la terre devenait insupportable, des groupes de paysans le visage noirci de suie incendiaient les récoltes, mutilaient le bétail, tabassait le gérant. L’historien Eric Hobsbawm appelait ces révoltes « négociations collectives par l’émeute ».

Avec les syndicats et l’organisation, les rapports de force se décalèrent et les négociations devinrent possibles. Tant et si bien que les scènes de violence d’antan devinrent pièces d’un musée social. Quand des groupes voulurent ressusciter les violences, ils furent violemment rejetés. Les actions contre les cadres chez Renault, le meurtre d’un patron par Action directe ou les Brigades rouges, le kidnapping d’un patron au Pays basque par l’ETA pour « aider » des ouvriers en grève, furent condamnés sans aucune équivoque par les salariés et leurs organisations.

Ne tirons donc aucune conclusion hâtive d’une image qui flambe. Elle ne représente pas un danger, elle prouve la rareté de la scène.


Pourtant, les réactions à cette image donnent des informations sur la scène politique contemporaine. Un patron torse nu qui escalade un grillage c’est quand même plus drôle que des salles de discussion. Le spectacle incongru nourrit la nostalgie du bon vieux temps des affrontements à somme nulle.