samedi 30 novembre 2013

otages

Otage en pays Bojon

Je m’appelle Jean Chevoud. Je suis anthropologue, spécialiste des sociétés en mutation et notamment des communautés indigènes en voie d’urbanisation.  Pour mon travail, je passe beaucoup de temps dans le nord de la région parisienne, où les tribus Bojon sont un excellent terrain d’analyse. Elles occupent un territoire repérable, à partir du Boulevard Barbès jusqu’aux confins de Clichy-la Garenne.

J’entretenais d’excellents rapports avec ces tribus qui survivent par la cueillette et la vente de plantes exotiques, tabac et cannabis, qu’ils revendent aux touristes de la capitale. J’essaye de comprendre aujourd’hui pourquoi le lundi 18 novembre 2013, à quinze heures, un groupe d’hommes en blouses blanches m’a tendu un piège à la sortie de l’autobus 341 et et m’a détenu une pleine semaine dans un local calfeutré. Ils étaient étrangement silencieux. Je ne connaissais pas leur chef, mais autour de lui s’agitaient des guerriers disciplinés que j’avais déjà croisés dans mes recherches. Ils détournaient les yeux quand je les regardais.

Peut-être faut-il revenir en arrière pour bien comprendre l’imbroglio. Un chercheur n’a pas seulement un esprit, une méthode, il a aussi une enveloppe corporelle dont certaines zones se fragilisent et doivent parfois être réparées. Depuis quelques années, des vertèbres arthrosées compriment le nerf sciatique de ma jambe gauche, provoquant des douleurs supportables. Des douleurs insupportables, ça n’existe pas, puisque si elles étaient insupportables, les malades ne les supporteraient pas, or ils les supportent. Ils ne se flinguent pas, ne se défenestrent pas, n’avalent pas des tonnes de morphine. Donc mes douleurs étaient désagréables, mais supportables. Sur l’échelle de Schneider, elles se situeraient à l’échelon sept ou huit. Pour vous dire. J’ai pris du paracétamol, de l’ixprim, du combamal, du tueladouleur, du fédubien, du dafalgan, du lexomil, du laroxil. La douleur revenait. Les séances d’ostéopathie ont permis d’explorer de lointaines banlieues et provoqué des sourires résignés. L’acupuncteur était un Coréen du Nord qui m’offrait un thé parfumé dans une salle d’attente minuscule. Des infiltrations sous contrôle d’un scanner m’ont soulagé le temps de régler la facture. Je me traînais ainsi depuis des mois et des mois entre Barbès et Porte de Clignancourt quand un ami Bojon m’a signalé un chaman imam pasteur gourou guérisseur spécialisé dans les douleurs sciatiques, à Clichy La Garenne. Je lui expliquais que je n’allais pas à mon âge prendre le chemin des grottes de Lourdes. Son visage s’est fermé. Comme tu voudras l’ami.

Cet après-midi du 18 novembre à quinze heures, je me suis rendu comme d’habitude sur mon terrain de recherches, avec mon ordinateur portable et un enregistreur miniaturisé. Descente avec le bus 56 jusqu’à la Porte de Clignancourt, puis autobus 341 jusqu’à l’arrêt cimetière où je descends généralement parce que c’est un arrêt où personne ne descend. Deux grands gaillards en uniforme bleu m’ont saisi chacun un bras, l’un d’eux m’a fait une piqure intradermique qui m’a étourdi. Je ne tenais plus debout. Ils m’ont allongé sur un brancard, saisi les poignées avec vigueur et ensuite je n’ai plus aucun souvenir.

Quand je me suis réveillé, j’étais dans une salle où régnait une animation fébrile. D’autres otages étaient étendus sur des brancards ou sur les lits à roulette. Les uns dormaient, les autres rêvaient ou regardaient autour d’eux d’un air inquiet. S’approcha alors de ma couche un homme en blouse blanche : « alors, c’est ce gaillard qui ne croyait pas en notre médecine traditionnelle ?». Un murmure s’échappa de mes lèvres. Mmmmh, mmmg, mmmt. Rien de très clair. Eh bien, monsieur, voici le protocole auquel vous n’allez pas échapper. Vous allez subir une anesthésie générale. Nous allons vous installer sur un cadre de Cauchoix. Vous n’avez pas de fracture ouverte, nous allons vous en fabriquer une. Non, non, ne protestez pas. Je vais trancher une voie d’accès postérieure médiane. Le secteur lombosacré sera ainsi pleinement exposé. Nous laminerons la partie supérieure de L5 et la partie inférieure de L4. Comme la compression est surtout à gauche, nous dégagerons les deux vertèbres pour exposer les deux nerfs. Nous explorerons ensuite l’étage L2L3. A nouveau, nous dégagerons le canal, laminerons L3 et L2. Comme la compression à ce niveau est surtout centrale, le laminage sera partiel. L’opération aura lieu sous lavage abondant d’un serum bétadiné. Nous refermerons les tissus plan par plan sur un redon aspiratif.

Vous serez autorisé à vous lever dès le lendemain de cette intervention, à condition de vous piquer à votre anticoagulant habituel. Vous aurez le droit de marcher dans les couloirs, dans les jardins, de vous assoir, de vous lever, mais sous surveillance. Tant que nous n’aurons pas reçu la rançon de votre mutuelle, nous vous garderons avec nous.

Il poussa sur le levier de la seringue. Je me rendormis presque immédiatement. Quand je me réveillai, je n’avais aucune idée de l’heure, de la date. De nombreux fils me maintenaient attachés à un lit rudimentaire. Les douleurs les plus aiguës de ma jambe gauche avaient disparu, mais je ressentais une pesanteur accablante au milieu du dos, comme si on avait attaché une haltère à ma colonne vertébrale. Une dame en blanc s’approcha du lit, me tendit un verre à bec d’où je pus boire quelques gorgées. Dans la chambre sombre, un autre otage était étendu et gémissait. J’apprendrais plus tard qu’il se nommait Sébastien, qu’il était géomètre capverdien, employé d’une entreprise de travaux publics. Son cas était plus sérieux, car il était tombé d’un échafaudage, ses vertèbres s’étaient tassées et il ne disposait d’aucune mutuelle. Entre son lit et le mien, on avait dressé une paroi de toile verdâtre, glissant sur un bâton à œillets, qui nous séparait et empêchait toute conversation.

Trois fois par jour, à la même heure, une employée furtive qui manifestement n’avait pas le droit de nous adresser la parole, nous apportait un plateau nutritif. Pour le petit déjeuner, un paquet de pétales de maïs et du café au lait. J’avais demandé du café noir et des céréales. On me servait des pétales de maïs et du café au lait. Je précisais ma demande à la porteuse de pain, elle semblait ne rien entendre. Comme j’insistais, elle me tendit, silencieusement un papier imprimé avec mon nom, ma date de naissance et « menu » : céréales café lait. Je compris. Dans cet ordre-là, j’obtenais des céréales sans lait, que je ne pouvais pas manger, et un café au lait, que je ne pouvais pas boire.

La nourriture était répugnante. Sans sel, sans goût. Nous avions droit à une télévision avec accès à toutes les chaînes, en échange d’un abonnement raisonnable, vingt-neuf euros la semaine. Les soins étaient chaotiques. Le personnel se succédait sans transmission de l’équipe précédente. On me refaisait un pansement étanche qui me permettait de prendre une douche, mais avec interdiction de prendre une douche. Le lendemain, on me faisait un pansement non étanche, avec obligation de prendre une douche. Si j’allais à la douche malgré l’interdiction, ou si je n’allais pas à la douche malgré l’obligation, la chef de service me sermonnait et me lisait la longue liste des dangers auxquels je m’exposais en ne respectant pas les obligations de soins. Je lui objectais que ces obligations variaient avec le personnel et que j’avais du mal à suivre. Elle me relisait lentement le règlement du campement sans commentaire.

Le premier jour, une Kiné de Bojon, reconnaissable à ses bijoux traditionnels,  bracelets, colliers et boucles d’oreilles en pierre de lune, m’aida à me mettre debout et à faire quelques pas dans le chemin broussailleux.  Je ne l’ai plus revue et les jours suivants, je me levais péniblement en me roulant sur le côté sur une jambe allongée, l’autre jambe repliée, comme la Kiné m’avait montré la première fois. Une poire d’appel pendait du plafond, mais elle ne fonctionnait pas et quand je réclamais une pilule antidouleur supplémentaire, je hurlais dans le désert. Pendant ce temps, tranquillement, obstinément, un herpès me trouait l’œil gauche.

J’avais conscience que je ne pourrais pas tenir très longtemps dans ces conditions. Mes ravisseurs m’avaient confisqué mes vêtements et je n’avais à disposition qu’une chemise à fleurs bleu délavée et un slip kangourou, à bretelles. Je n’irais pas très loin dans cet accoutrement. Je décidai de faire semblant. J’acceptais les soins les plus contradictoires, les pansements imperméables et les piqures fluidifiantes, les antibiotiques et les toiles d’araignée. Puisque j’avais le droit de me lever et de marcher dans un rayon de quelques dizaines de pas, je me levais régulièrement, je descendais jusqu’à la machine à café où déambulaient d’autres otages le regard absent. J’entretenais ainsi une activité physique minimale qui pourrait plus tard se révéler utile.


Au bout de huit jours, la chef d’étage me réveilla : nous avons reçu le virement de votre mutuelle. Demain, vous pourrez partir. Vous passerez d’abord une radio de contrôle, une dernière prise de sang. Faites vos paquets, des ambulanciers viendront vous chercher dans la chambre. Elle me donna une décharge à signer. Je m’engageais à ne pas poursuivre mes ravisseurs et les dégageais de toute responsabilité pour les conséquences éventuelles de mon rapt. Ainsi fut-il. A treize heures, deux ambulanciers en uniforme bleu vinrent me chercher. Vous pouvez marcher ? Voulez-vous un fauteuil roulant ? Je pouvais marcher. Je marchais jusqu’à l’ambulance, je m’allongeais sur le brancard. La voiture se mit en route, elle avait tous les aspects d’une ambulance et roula ainsi sans encombre jusqu’à mon domicile parisien. Ils m’accompagnèrent jusqu’à mon appartement et me tendirent un paquet d’ordonnances et de recommandations. J’attendais la presse, les caméras, des embrassades humides, des cris d’admiration. Je n’eus droit qu’à une modeste aide de vie efficace et amicale avec qui j’ai depuis noué des relations durables. Son salaire était pris en charge par un comité local de solidarité à l’égard des otages du territoire Bojon. Je lui faisais entièrement confiance jusqu’au jour où je découvris, en ouvrant par mégarde la porte de la salle de bains, qu’elle portait autour du cou un collier en pierre de lune. 

mercredi 27 novembre 2013

de quoi mao est-il le nom?


Un couple d’anciens militants maoïstes ont créé à Londres, dans les années 1970 un squat communiste le « Mao Zedong Memorial Centre ». L’homme avait membre dirigeant du Parti communiste léniniste anglais, puis exclu en 1974 pour activités conspiratrices et séparatrices. Ils ont maintenu trois femmes en esclavage pendant trente ans.

Cette histoire courte raconte l’histoire longue du communisme. Une avant-garde éclairée prend le pouvoir. Maintient le peuple en esclavage. Des luttes de faction, des exclusions. Le système s’écroule.


Les anciens militants mao vont sans doute passer en jugement. Je suggère à leur avocat de demander à Alain Badiou d’être leur témoin de moralité.

hôpital

Hospitalisé entre le lundi 18 novembre et le lundi 25 novembre à l’hôpital Beaujon. Les consultations de préparation à l’intervention, les renseignements donnés m’ont donné toute satisfaction. L’intervention a été efficace et les objectifs ont été atteints. Pourquoi alors reste-t-il de mon séjour le sentiment aigu de ne pas avoir été traité comme il fallait ?

         S’agit-il de l’environnement ? Une chambre à deux lits. Sans toilettes et sans douche. Des toiles d’araignée, des stores qui tenaient avec des bouts de scotch ? Sans doute. Je ne parle pas de la nourriture. Plus grave : la sonnette d’appel en panne.    Mais surtout, un énorme déficit de communication. Après l’intervention, des visites rapides et rares d’un interne. Des informations qui ne passaient pas entre les équipes. Une ordonnance de sortie donnée aux ambulanciers, même pas au malade. Aucune visite de sortie.

Il vaut mieux être bien soigné dans une ambiance glauque que charcuté au Ritz. J’ai été bien soigné. Mais une équipe d’excellence qui travaille dans un environnement dégradé se voit atteint dans son excellence.


Plus généralement, il me semble important que les lieux d’accueil des personnes en difficulté, médicale ou sociale, ne soit pas le miroir des difficultés accueillies, mais projette au contraire les images d’une sortie du tunnel. Des locaux propres et accueillants, des personnels compétents et disponibles, une cafeteria proche, sont aussi nécessaires que l’eau fraîche.

dimanche 17 novembre 2013

paroles

            Je cherche des mots qui pourraient empêcher le glissement de la société française hors du politique. Des mots que j’aimerais entendre des gouvernants que je soutiens.

            Nos sociétés –je veux dire nos sociétés occidentales, celles où je vais me faire opérer gratuitement d’un pincement de vertèbre très handicapant, celle où la fille sourde d’un ami a un implant électronique, je n’ose pas vous en dire le prix, pour retrouver le lien avec le monde, gratuitement, celle où les enfants vont à l’école maternelle et primaire et secondaire gratuitement- ont une histoire. Elles se sont développées dans le bruit et la fureur. Ni en ville, ni à la campagne, les maîtres des terres et des forges n’acceptaient l’organisation des personnes qui leur étaient soumises. Les maîtres employaient la force brutale pour empêcher toute organisation, paysanne ou ouvrière. Ces luttes ont duré longtemps, trop longtemps. Tant que les maîtres refusaient l’organisation de leurs vassaux, les seules négociations étaient fondées sur l’affrontement brutal. Jacqueries, incendies des récoltes, mutilation du bétail, se multipliaient et faisaient partie de ce que l’historien Eric Hobsbawm appelait la « négociation collective par l’émeute ». Les bandits sociaux, Robin des Bois, Zorro, Mandrin, font partie de l’imagerie de ces révoltes populaires. Du côté ouvrier, on brisait les machines, on tabassait les contremaîtres sadiques, on incendiait les marchandises. Ces « négociations » furent finalement remplacées par des rencontres entre organisations représentatives. Des syndicats, des Ligues paysannes, des fédérations patronales. Les rapports de pouvoir n’en furent pas fondamentalement changés, mais il fallut donner des avantages pour assurer une certaine paix sociale. Des systèmes de retraite et de sécurité sociale se mirent en place. L’État providence redistribuait une partie des richesses du pays. Cette histoire n’a nulle part été tranquille.

            Dans certains cas, le réformisme n’a pu s’implanter et a été relayé par un courant révolutionnaire visait à la destruction d’une des parties du conflit. Ce courant révolutionnaire a pris le pouvoir en Russie, en Chine. Dans les pays de l’Empire soviétique. Il a réussi à Cuba. Au Zimbabwe, les terres ont été redistribuées et la famine s’est installée. Au Venezuela, les révolutionnaires sont en train d’organiser la ruine économique et la division du pays. Partout, ce fut la catastrophe dont nous connaissons les résultats économiques et humains. Certains en rêvent encore, dans les livres et dans les colloques.

            Le niveau de vie des populations occidentales fut assuré pour une partie non négligeables par l’exploitation des richesses et des personnes  contrôlées par un système colonial qui voulait par ce biais retrouver un pouvoir sans partage sur la main d’œuvre et les matières premières. Ce système s’est écroulé, les pays soumis sont devenus indépendants et désormais, commencent à concurrencer les pays occidentaux. L’Inde et l’Afrique se réveillent. Les anciens pays communistes, dont l’économie était paralysée par une bureaucratie étouffante deviennent à leur tour des concurrents redoutables. Nous ne reviendrons plus à un système de pillage et d’exploitation dont ont profité pour une part les classes laborieuses des pays coloniaux. C’est T E R M I N E.

            Toutes les difficultés doivent désormais s’affronter à un niveau international et européen. Partout poussent les solutions et les réformes qui mutualisent les compétences, qui atténuent les concurrences désastreuses : communauté de communes, territoires régionaux, organisations européennes et timides organisations mondiales. Pas d’autre issue que des regroupements, ces mises en commun des richesses et des investissements qui permettront seuls d’éradiquer les paradis fiscaux, de combattre les égoïsmes des riches et les populismes des moins riches.

            Pas d’autres issue parce que les solutions individuelles, communales, régionales, nationales, n’existent plus. Ni dans le domaine écologique, le climat est sans frontière, ni dans le domaine des migrations, les frontières ne seront plus jamais imperméables, ni dans le domaine économique et de la protection sociale. Désormais, le niveau de vie les plus bas devront monter pour que montent les niveaux de vie du monde, la pollution la plus forte devra être combattue pour que diminue les dangers climatiques de tous.

            C’est dans ce contexte que se joue la politique, en France, en Europe, aux États-Unis. Pour un candidat, affirmer que la solidarité internationale dans tous les domaines est dans l’intérêt de tous est le plus sûr moyen d’être battu aux élections, de chuter dans les sondages, de ne pas être réélu. Les meilleurs peinent. Et pourtant, c’est la voie qui me semble juste. Il n’y en a pas d’autre ? Bien sûr que si. La fermeture des frontières, comme en Corée du Nord, pas d’immigration illégale, pas de main d’œuvre clandestine, pas de délinquance dans les rues de Pyongyang. Là bas, Maring il Peng est au pouvoir. Sans aller jusqu’à ces extrêmes, on peut imaginer aussi une droite obstinée et autiste sur laquelle viendrait déferler des manifestations de colère sans lendemain.

            C'est pourquoi je fais partie des vingt pour cent qui soutiennent  François Hollande.  


              

samedi 16 novembre 2013

identités

Identités



            Quelles sont les conditions pour que les cyclistes ne mènent pas une guerre permanente contre le reste de l’humanité : les piétons qui prennent la piste pour un sentier forestier, les motocyclistes pour un circuit de compétition et les voitures pour un parking ? Les poussettes sont un cas particulier, non pas pour des raisons techniques, car elles correspondent à la définition : un véhicule à roue sans moteur mu par l’énergie humaine. La différence gît dans la relation entre le transporté et le transporteur. Nous souhaitons parler ici des instruments de déplacement où transporté et transporteur sont une seule et même personne. Nous refuserons et laisserons à d’autres le soin d’analyser les taxi-vélos, les pousse-pousse ou rickshaw, les fauteuils-roulants pour handicapés. Sont en cours d’examen les systèmes d’aide à la motricité fait d’un guidon et de petites roues pneumatiques que l’usager pousse devant lui. Certains rescapés d’un accident de la route réapprennent à marcher  avec des déambulatoires auquel il suffira dans quelques semaines d’ajouter des pédales et une selle pour les transformer en tricycle. À quel moment pourront-ils considérer qu’ils correspondent à ma définition ? Après tout, certains cyclistes se déplacent à vélo parce qu’ils sont incapables de marcher. Ils ne sont pas très différents d’un cycliste-cul-de-jatte qui s’est bricolé un vélo adapté. Sont exclus aussi les cercueils à roulettes et les brancards à assistance solaire qui sont plus proches des pousse-pousse.


            Il faut d’urgence créer un ministère de l’identité cyclable. 

mardi 12 novembre 2013

feux de ville



        

         Dans l’ombre de mon bureau éclairé par une lampe à bras télescopique et par un brumeux lampadaire derrière les toits mitoyens, je prends les manettes du monde et je fais ce que je sais faire, à l’exclusion de toute autre activité qui m’a de tout temps été interdite, je conduis les affaires du monde.

         Avec prudence, car les petites affaires du monde que j’ai personnellement conduites ne se sont pas révélées des succès foudroyants. Affaires personnelles et affectives, carrière universitaire, lancement de nouvelles orientations dans les lieux où je pouvais jouir d’une certaine influence, dans l’ensemble, j’ai beaucoup parlé, peu agi et encore moins réussi. Donner des conseils, critiquer, dire ceci est bien, ceci est moins bien, je l’ai toujours pratiqué avec ardeur. Est-ce au nom de cette expérience que je peux ainsi distribuer des certificats ?

         Je constate que la gauche au pouvoir est à la peine. Les temps sont durs, les succès furtifs, les réformes bousculent les habitudes. Une gauche fragilisée, une droite divisée, tentée par les extrêmes. Est en train de se jouer l’alternance historique entre une droite républicaine et libérale et une gauche réformiste et solidaire. Des colères éclatent en dehors des grands courants historiques. Ce n’est pas nouveau, mais ils doivent être surveillés comme la cocotte sur feu vif. Ou ça crame ou ça déborde.

         La politique a des effets dans la vie quotidienne. On vit plus ou moins bien, plus ou moins de confort, plus ou moins de santé, plus ou moins de tranquillité. Des dirigeants comme Margaret Thatcher ou Ronald Reagan, Poutine aujourd’hui, ont rendu leur société plus inconfortable, plus tendue. Barak Obama, Mendès France, John Hume, Nelson Mandela, se sont adressés à l’intelligence des peuples et les ont rendu plus citoyens, plus actifs.

         La politique prise dans ce sens doit s’inscrire dans la durée, dans ses effets continus. Si s’installe en France l’idée de l’incompétence de la gauche à gouverner, cette idée peut empêcher l’alternance nécessaire entre gauche et droite. Pour longtemps. Et donc instaurer un système unique dont les effets ne peuvent être que catastrophiques. Nous avons tellement l’habitude de l’alternance que nous pensons être immunisés pour toujours d’un pouvoir sans limite.


         Pour moi, l’important n’est pas d’être réélu en fin de mandat, mais d’avoir rendu les citoyens plus intelligents, plus actifs. Donc de leur avoir parlé le langage de la raison, de l’intelligence, de la vérité. D’expliquer. Manque aujourd’hui le discours de la méthode. Sur la crise, sur l’implication en Europe et dans le monde. Sur les sacrifices et les solidarités nécessaires, sur les choix qui sont l’essence du politique. Sur l’implication des citoyens dans ces choix et dans ces solidarités. Une feuille de route qui sera répétée autant de fois que nécessaire. Le parti socialiste semble inapte à la pédagogie politique. Nous roulons dans la bonne direction, en feux de croisement, les projecteurs longue portée éteints. 

dimanche 10 novembre 2013

à nouveau Gaby Mouesca

            
            Suite à un entretien de Gaby Mouesca publié dans La semaine du Pays basque  du 11 octobre, j’avais envoyé un certain nombre de questions. Simples. D’une part, selon Mouesca, Madrid et Paris n’ont jamais été aussi opposés aux revendications abertzale et c’est pour cette raison que l’ETA a déposé les armes. Je ne saisissais pas bien la logique et je ne la saisis toujours pas. Je n’ai pas eu de réponse sur ce point.

            D’autre part, dans son entretien Gaby Mouesca appelait à voter pour n’importe quel parti, sauf les socialistes. Les sociaux-démocrates comme ennemis principaux des révolutionnaires, ça me rappelait quelque  chose dans l’histoire moderne. J’ai posé la question et je n’ai pas eu de réponse sur ce point.

            Fondamentalement, la question politique qui est ici ouverte est la suivante. Dans certaines régions du monde, les mouvements nationalistes se sont inspirés des théories avant-gardistes et léninistes. Une avant-garde d’hommes déterminés doit frapper un grand coup pour réveiller un peuple endormi et lui imposer ses solutions par la force et la terreur s’il le faut. Ces théories ont imprégné l’ETA, l’IRA, et ont plongé ces régions du monde dans la terreur, ont fait de nombreuses victimes pendant des dizaines d’années. Or, la terreur politique a obtenu des résultats inverses à ses objectifs. . De tous les nationalismes occidentaux, ceux qui ont pris le plus de retard sont ceux qui ont recours à la voie armée. La réunification de l’Irlande est désormais lointaine, l’indépendance du Pays basque est un objectif à l’horizon. Les pays qui sont le plus proches d’une indépendance sont ceux qui ont refusé la terreur : c'est à dire le Québec, la Catalogne et l’Écosse ; Dans ces pays, les mouvements nationalistes ont été démocratiques, respectueux de la volonté majoritaire, ont cherché à conquérir les esprits  par un travail de conviction, jamais par la terreur. Ça ne doit pas faire réfléchir ?

            En tout cas, ça ne fait pas réfléchir Gaby Mouesca. Gaby Mouesca reste imprégné des théories léninistes et des coutumes communistes. Jusque dans le détail. Lorsqu’il dénonce les « donneurs de leçons » qui « du fond de leur bureau cossu », assistent passivement aux luttes des peuples, c’est mot pour mot, ce que Georges Marchais disait des « intellectuels derrière leur bureau » à la suite de la rupture du programme commun et de la défaite de la gauche en 1978. Merci cher Gaby de m’avoir ainsi rajeuni de plus de trente ans.


            

quelqu'un peut-il répondre?






            Je préfère mourir que de vivre « comme ça ». « Comme ça » varie selon les individus, mais chacun comprendra. La difficulté, c’est qu’au moment où vivre « comme ça » s’installe, on ne peut plus rien décider. Tant qu’on peut décider, la vie vaut la peine. Quand on n’est plus en état de décider, c’est alors que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue. C’est même cette incapacité qui indique que la vie ne vaut plus la peine d’être vécue. Je cherche une solution. 

universelles muncipales

            

            Max Brisson est le secrétaire furtif de l’UMP (Union pour un Mouvement Populaire) des Pyrénées-Atlantiques. Un avion furtif est un avion qui est construit pour échapper aux radars. Max Brisson est secrétaire furtif de l’UMP car il s’est débarrassé de tout slogan et de toute affiche qui pourrait le faire repérer comme responsable de l’UMP.

            Max Brisson retrouve son uniforme pour soutenir  le candidat UMP à Pau lui-même soutenu par Jean-François Copé. Alain Juppé (maire de Bordeaux et membre de l’UMP)  soutient François Bayrou du MODEM dont le parti vient de fusionner avec l’UDI de Jean-Louis Borloo.

            Dans la bataille qui se mène au sein de l’UMP entre une droite dite « décomplexée », et une droite humaniste, Max Brisson se situe donc plutôt du côté de Jean-François Copé.

            Biarritz a été gouvernée, sous la houlette de Didier Borotra, par une majorité plurielle qui a développé une ville apaisée. Le retour aux affaires du candidat UMP serait une régression majeure, un retour aux clans et aux sectarismes que les anciens ont connu et dont ils se sont débarrassés grâce à des alliances improbables. 


            Mon ambition ici est de rendre le local universel, de comprendre le local en le confrontant à l’universel, de bousculer le local en le transformant en pièce de puzzle pour la grande carte du monde. Je dois avouer que l’objectif est difficile. Mon ami qui vit au Pays de Galles, un autre ami qui vit au Bangladesh, une amie qui vit à Gijon, auront sans doute du mal à saisir la complexité de la situation politique à Biarritz. Mais j’essaye.

vendredi 1 novembre 2013

logique

     Personne ne dit d’un bébé qu’il a zéro an, alors qu’il faut attendre un an pour qu’il ait un an. Si on nous donnait à la naissance l’âge de notre mort, on commencerait par 92, par exemple, puis 91, puis moins un jusqu’à la fin, et à l’enterrement, on aurait zéro an. Je trouve que ce serait plus logique.