vendredi 31 août 2012

utile inutile


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            Les pistes cyclables urbaines, à mon expérience, ont été construites pour tout le monde, sauf les utilisateurs de vélos. De ce point de vue, elles sont un mobilier urbain assez particulier. En général, dans une salle de cinéma, on montre des films sauf le Barbès Palace où l’on vend des chaussures bon marché. Mais dans la majorité des cas. Des immeubles locatifs sont construits pour loger des gens. Des écoles pour accueillir des élèves et leurs enseignants. Des piscines pour nager. Le seul cas où l’on a construit à grands frais un agencement clairement défini qui sert à tout sauf pour l’objectif prévu est celui des pistes cyclistes urbaines. Parisiennes.

            Ces pistes cyclistes sont indiquées par un logo au sol : un cycliste stylisé, deux roues et un fantôme, couchés. Mauvais signe. L’homme est allongé par terre, étalé, malade, immobile. L’entrée d’une autoroute est signalée par des panneaux de couleur vive, suspendu fièrement dans les airs. Pas par un squelette de voiture aplatie sur le goudron. Autres indications inquiétantes : plusieurs secteurs de ces pistes préviennent de la présence de piétons. (attention, piétons). Sur les autoroutes, les panneaux disent aux piétons et aux cyclistes qu’il leur est interdit de pénétrer dans cet espace protégé, aussi inaccessible que la Cité Interdite à Pékin ou la Place Rouge un jour de défilé militaire. On imaginerait des panneaux indiquant aux piétons, aux chauffeurs et aux livreurs qu’ici commence une piste cyclable réservée aux cyclistes. Ici, c’est le contraire. On indique aux cyclistes qu’ils ne sont pas vraiment chez eux, qu’ils devront partager l’espace avec des piétons, surtout autour la gare de l’Est et du Nord.

            Une seule et banale promenade à vélib vous révélera la diversité de l’occupation des sols : poubelles, motos, voitures de livraison et autres, piétons, motocyclistes qui quittent les embouteillages en vrombissant près des pédaliers, objets encombrants, cercles de discussion sans fin, poussettes pour enfants,  matelas et sommiers. Que faire ?

            Dans la vie des idées et dans la politique, les questions sont toujours plus intéressantes que les réponses. Dans la vie quotidienne, les réponses sont plus intéressantes que les questions. Le cycliste peut bien hurler à la lune contre les intrusions illégales dans son domaine réservé, à quoi sert-il de se faire du mal aux cordes vocales si jamais les sons suraigus ne déplaceront une ambulance ? Voici mes réponses personnelles. Mon expérience. Elle est simple, banale, familière, sans éclat, mais c’est la mienne et je n’en ai qu’une. Tout vaut mieux que les rancœurs recuites, les colères impuissantes, les procès interminables. Faites deux listes : une liste des inutiles, une liste des utiles. La liste des inutiles est utile car elle évite de perdre du temps. Si une voiture barre le chemin et que le squatteur motorisé est absent, inutile de pester, de tordre son rétroviseur, de rayer la portière d’un grand coup de pédale. De justicier, vous devenez délinquant et si le squatteur vous surprend, il peut se mettre à vous taper et quoi encore. Donc vous faites le tour. En pestant. En imaginant une énorme scie électrique qui couperait le véhicule en deux, ça vous avez le droit d’imaginer, d’inventer, de vous venger dans l’imaginaire. Ou que vous-même, votre corps et vous, disposent d’une capacité inouïe à sectionner les objets encombrants comme une trancheuse de jambon, vous passez à travers la voiture et quand l’envahisseur revient, il trouve sa voiture en deux morceaux, avec au milieu, une tranche de carcasse qui a disparu. Dans la vie réelle, vous faites le tour. Si l’intrus est encore dans la voiture, seul ou avec une famille, ou parfois seule la famille est restée et le squatteur est partie faire une course, vous vous arrêtez devant la voiture et vous demandez comment passer ? Vous demandez est-ce qu’il s’arrêterait ainsi sur la chaussée de l’autoroute ? Vous demandez est-ce qu’il s’arrêterait ainsi dans l’avenue des Champs-Elysées ? Ou sur le circuit des 24 heures du Mans ? Plein d’exemples similaires qui peuvent à force lui donner mauvaise conscience, ça s’est vu. Parfois, les chauffeurs s’excusent, je vous demande pardon, font un geste d’impuissance.

            Pour jouer ainsi au Zorro des transports, il faut être vous-même irréprochable. Moralement. Dans ce domaine-là. Bien entendu, vous pouvez avoir assassiné Marcia, torturé une jeune fille dans votre cave et provoqué la banqueroute d’une tontine, vous avez le droit d’utiliser les pistes cyclables comme un honnête citoyen. Les règles que vous devez respecter sont celles du domaine ici parcouru. Par exemple : un feu rouge contraint à respecter les piétons quand ils traversent y compris la piste cyclable. Vous vous arrêtez et vous faites remarquer que vous vous arrêtez. Vous criez : et, messieurs dames, avez-vous remarqué que je vous laisse passer parce que le feu est au rouge pour les vélos comme pour les voitures. Si vous ne criez pas, les piétons ne remarquent même pas que vous êtes arrêté, ils croient que vous les laissez passer par amabilité et vous disent parfois merci. Répondez qu’ils ne doivent surtout pas dire merci. On ne dit  pas merci parce qu’une personne respecte les règles et les lois. On ne dit pas merci dans le métro à tous ceux, et ils sont nombreux, qui ne vous volent pas votre portefeuille, qui ne mettent pas leur musique à fond, qui ne téléphonent pas à tue-tête qu’ils sont à la station Laumière et qu’ils arrivent dans trois minutes.

            Tant qu’à faire, respectons aussi les piétons. Les piétons des pays du Tiers Monde ne connaissent pas les pistes cyclables et les utilisent souvent comme pistes pour poussettes d’enfant, vous leur dites : cette piste est réservée aux vélos, s’il vous plaît et en général, ils se poussent car ils n’ont pas de papier et ont peur de leur ombre. Etre  envoyé dans un camp de rétention pour intrusion dans une piste cyclable,  ce serait bête. Des jeunes révoltés marchent d’un pas musical sur la piste en vous regardant dans les yeux. Ceux-là doivent être regardés dans les yeux, pareil, klaxonnés dans les oreilles, criés dans les oreilles, vous foncez et quand ils s’écartent, vous dites merci, mais de manière ironique, subtile, merci de respecter la loi. Quand une mère de famille poussant un bébé s’écarte, vous lui dites merci de manière sincère. Pour les différentes manières de faire sur un territoire disputé, veuillez faire un stage d’observation à Château-Rouge, le Boulevard Barbès dispose d’une piste cyclable, mais il y a toujours un monde fou, des vendeurs de maïs, des distributeurs de tracts pour marabouts, des vendeurs de téléphone pour Lomé et Caracas, les consommateurs de drogue et les sniffeurs de crack, et au milieu de la cohue, des cyclistes appuient sur leur timbre à peine audible dans le bruit de la circulation et vous vous voyez immédiatement s’ils ont l’habitude de passer par là, ou sont des néo-circulants, à l’air effaré ou résigné qui est le leur. Au métro Château-Rouge, ne vous arrêtez pas au feu rouge, si vous pouvez passer, passez, comme un surfeur qui prend la vague quand elle arrive.

            Il arrive que des cyclistes prennent la piste à contresens. Vous faites les gros yeux, mais vous les laissez passer, quand même, ce sont des frères, à contresens, mais des frères. Le comble du comble, c’est la moto qui roule sur une piste cyclable, premier crime, et à contresens, deuxième crime. Là, je me mets au milieu de la piste et je ne les laisse pas passer. Je ne bouge pas. J’attends. Ils sont en colère mais jusqu’ici, ils n’ont pas osé me rouler dessus.

mercredi 29 août 2012

il n'y a pas de flics


Il n’y a pas de flics. Cette guerre civile est justifiée jour après jour par les mots qui commandent et les comportements qui obéissent. On ne dit pas : il est dangereux de rouler vite, on dit : Tu peux y aller, il n’y a pas de flics. On ne dit pas, il est dangereux de rouler avec de l’alcool dans le sang. On dit : on peut y aller, il n’y a pas de flics. Quand la qualité de l’air requiert un ralentissement général, on ne dit pas : il est dangereux pour la santé de tous et particulièrement de mon grand-père et de mon petit-fils et de ma tante asthmatique de rouler vite, on dit : on peut y aller, il n’y a pas de flics. Quand il n’y a pas de flics, on peut asphyxier bébé, étouffer grand-père, euthanasier la tante. Puisqu’il n’y a pas de flics.

Parfois, les radars remplacent les flics et les mots changent. On peut y aller, il n’y a pas de radars. Parfois, des conducteurs autour de moi grognent parce qu’ils ont perdu des points de leur permis. Je leur demande pourquoi. Ils disent en général parce qu’ils ont dépassé la vitesse prescrite. Je leur demande : et maintenant vous respectez les limitations de vitesse ? Ben, oui, disent-ils, parce que si je perds encore des points, je risque de perdre mon permis de conduire ou d’être obligé de perdre une journée dans un stage de remise à niveau où on me montrera des photos d’accidentés, horribles, en couleur, avec du sang très rouge et des blessures ouvertes, je vous jure que ça coupe l’appétit et si je manifeste de l’intérêt pour ce diaporama routier, on me rendra des points. Tout ça pour dix kilomètres en plus par heure, soit un kilomètre en trop pour cinq minutes, que dalle. Il n’y avait personne sur la route, il était trois heures du matin, sur une route de campagne. Mais savez-vous, lui dis-je, que la majorité des accidents mortels se produisent à trois heures du matin sur les routes de campagne ? Il me regarde avec haine. Mais puisque je vous dis qu’il n’y avait pas de flics, pas de radar, juste un groupe de jeunes éméchés qui rentraient chez eux à pied, en chantant, je ne les ai vus qu’au dernier moment et maintenant, ça fait des belles photos pour les stages de remise à niveau et il n’y avait ni flics ni radar, ils n’ont qu’à installer des flics et des radars, ces jeunes-là seraient encore vivants. 

guerre urbaine


    Ce n’est pas demain la veille que cessera la guerre. Peut-on l’humaniser ? Un nouveau Dunant est-il né qui inventera  une Croix Rouge pour les piétons et les cyclistes meurtris ? Inutile. Cette Croix-Rouge existe déjà, elle s’appelle SAMU, Pompiers, Urgentistes, 17, 18, tous les numéros qui s’allument sur les portables bienveillants dès qu’une forme pantelante gît sur le bitume, que le conducteur sorti de la voiture blême et déjà repentant n’a pas la force de composer sur son portable personnel tant il est en empathie avec sa proie. Voilà une différence majeure. L’automobiliste n’est pas Charles Sweeney qui largue une bombe atomique sur le Japon puis écrit un livre pour justifier son acte. Jamais un conducteur n’écrivit ni n’écrira tout un livre pour justifier d’avoir écrasé une mère de famille et sa fillette qui traversait le Boulevard Beaumarchais avec une paire d’Adidas toute neuve, imaginez l’état du père quand il apprend la nouvelle.  Jamais Tu n’as rien vu a Los Alfaques n’évoquera sur grand écran des grandes catastrophes routières. Les voitures ont tué beaucoup plus de monde que toutes les bombes atomiques. Jamais personne n’a entrepris de démontrer que ce massacre était nécessaire. Jamais vous n’entendrez dans un bar un titulaire de permis de tuer se vanter d’un tableau de chasse. Tous sont désolés. Tous disent « oups ! » « Excusez-moi », « je ne vous ai pas vu ». C’est un bon point de départ. Nous n’avons pas à faire à des criminels endurcis et récidivistes, juste bons à enfermer dans des quartiers de haute sécurité, mais plutôt à des chauffeurs maladroits qui hurlent : « enlevez-moi mon permis, je ne veux plus jamais conduire »,  sauf s’ils sont voyageurs de commerce ou chauffeurs de poids lourd.

            Commençons par  humaniser les insultes. Les mots ont un sens. Les mots peuvent créer un environnement favorable à la violence routière ou faire sourdre une unanime réprobation. Moi personnellement, cycliste endurci, je ne traite pas les conducteurs de chauffards. Je les traite de cyclophages, de vélophobes, de Mengele du volant, de Beria des pistes. Le plus efficace encore est de les ignorer superbement. Voici quelques pistes. Quelques conseils de survie. 

            Affirmez-vous. Vous êtes un. Un individu qui a les mêmes droits et les mêmes devoirs que tous les autres individus, qu’ils soient propriétaires d’une trottinette ou d’une Porsche. Ne rasez pas les murs ou les bords des trottoirs. Ne cédez aucun pouce de terrain. Un cycliste est un citoyen, un homme. Les esclaves se révoltent lorsqu’ils prennent conscience d’être des êtres humains comme leur maître. Un vélo égale une voiture. Quand vous roulez en ville, vous tenez le milieu de la chaussée comme n’importe quelles quatre roues. Si vous vous rapprochez du trottoir, premièrement, vous risquez de prendre une portière en pleine gueule, car la portière est l’un des armes favorites des cyclophages. On voit un vélo dans le rétro, on ouvre la portière et vlan, un de moins. Dix de chute. Brelan d’as. Non, j’ai oublié. Les conducteurs de voitures ne font pas exprès. Jamais exprès. Excusez-moi. Je ne vous avais pas vu. Alors que Charles Sweeney avait bien vu Hiroshima, c’est même parce qu’il avait vu la ville qu’il a lâché la bombe, il n’était pas encore général, mais il est devenu général et il a écrit un livre pour expliquer qu’il avait eu raison de lâcher la bombe. Qu’auriez-vous fait à sa place ? Ne jamais céder. Derrière, un vélophobe klaxonne. Il vous donner l’ordre de renoncer à votre espace réglementaire. Il s’avance tout près, il fait semblant de vous doubler. Tenez bon. Le secret : des nerfs d’acier. Une volonté de fer. Un cerveau comme un patin de frein tout neuf. Un cœur comme une batterie à quatre barres. Vous vous maintenez au milieu de la route. Si vous n’y arrivez pas, vous pouvez ralentir, ralentir encore, vous arrêtez, coucher votre vélo sur la chaussée, vous diriger vers le véhicule persécuteur en vous balançant comme un motard de la police montée et vous demandez que se passe-t-il, vous voulez me parler, qu’avez-vous à me dire ?

            Comme piéton, vous avez d’autres armes. L’avantage d’un cycliste, aussi souffreteux et fragile qu’il paraisse est que le cadre, le guidon, les pédales, peuvent rayer la carrosserie et le titulaire du permis de chasse urbain ne craint rien plus que les rayures. Une rayure de carrosserie est grave pour le conducteur parce qu’il sait qu’une seule diminue la valeur marchande de son véhicule et que la différence entre un automobiliste et un cycliste c’est qu’à peine celui-ci a-t-il acheté son char qu’il envisage de le revendre et il imagine déjà l’acheteur potentiel faire le tour de la carrosserie d’un œil soupçonneux et pointer son doigt là, une rayure, une encoche, un gnon, des milliers d’euros en moins pour acheter le véhicule suivant. Le Dieu Argus a encore frappé. Le cycliste a donc un avantage sur le piéton, il dispose d’une monture métallique certes fragile, mais rayante.

            J’ai déjà raconté tout ça en vrac dans des conversations aléatoires et chaque fois, provoqué des protestations. Je réponds toujours pareil : vous ne me croyez pas, venez avec moi traverser les rues, les avenues, les boulevards. Observez. Un piéton sur passage clouté est une cible légitime que les voitures se disputent avec autant d’ardeur que les cavaliers d’une chasse à courre. Taïaut ! Taïaut ! hurlent les haut-parleurs. Un parent derrière une poussette obtiendra l’arrêt de la meute pourquoi ? Parce que les extrémités aigües de la poussette (qui d’ailleurs souvent porte des noms de voiture pour bien montrer qu’elle joue dans la cour des formule 1, poussette MacLaren, Poussette Fangio) peuvent rayer la carrosserie voir plus haut. Peut-être la présence d’un enfant…Pas du tout. Un parent qui essaie de traverser avec un enfant dans les bras, sans poussette, tout dégarni, fait de chair tendre et de vêtement rarement amidonné, ne présente aucun menace pour le Dieu Argus et par conséquent est une cible légitime. Glissez une canne dans la main d’un piéton, qu’il traverse en tendant la canne devant lui et les voitures s’arrêtent parce qu’elles craignent les bouts ferrés. 

mardi 28 août 2012

transport


L’automobile rend autiste, le vélo ouvre au monde. La voiture se ferme à clé, se barricade, se chauffe et se climatise, se sonorise et s’imperméabilise. De l’intérieur de l’habitacle, le monde extérieur n’existe plus. Le vélo est ouvert, il n’entoure rien et dans le couple cycliste/vélo, c’est plutôt le cycliste qui protège le vélo que le contraire. Il protège la selle avec ses fesses, d’où des plaisanteries sans fin dont certaines grivoises. Il protège les pédaliers avec les pieds, couvre le cadre d’une large capote large quand il pleut, réchauffe les poignées du guidon.          Mon doudou, mon cœur, mon mignon. Le cycliste a fortement conscience de son rôle social, de son implication dans la protection de l’atmosphère, il regarde les bébés et les vieillards avec affection car chaque coup de pédale leur nettoie les poumons, leur ramone les voies respiratoires et on aime toujours ceux à qui on rend service. Le cycliste voit les piétons, repère les deux roues à essence, scrute les autos, il frôle les piétons, les regarde, leur sourit, demande pardon, excusez-moi, je suis désolé, merci, attention, ceci est une piste. Les piétons s’écartent avec amabilité, on n’en veut pas à un cycliste, si tendre, si fragile, si vulnérable. Quand une voiture renverse un cycliste, la sympathie publique n’hésite pas, elle se porte vers le cycliste, elle regarde le conducteur automobile d’un œil de jugement dernier. Un piéton provoque moins de sympathie sauf s’il est un enfant. Le cycliste se glisse dans la foule en roulant doucement ou s’il y a trop de monde, il met les pieds à terre et la main dans le guidon, avance comme un couple vers l’autel, en se regardant les yeux dans les pneus. Jamais un automobiliste ne descendra de sa voiture pour la pousser doucement vers un garage. L’automobiliste considère qu’il est partout chez lui, que le défaut majeur d’un véhicule, d’être lourd, d’occuper l’espace de dix piétons, de polluer, d’écraser, est une qualité, un instrument de domination. Il monte sur les trottoirs, tranche les pistes, bloque les portes d’immeubles, pousse les piétons sur les passages cloutés, hurle au premier obstacle, tout ralentissement est l’équivalent d’un accident vasculaire. Ah ! J’en aurais à dire sur le sujet. Mais prenons garde. Mon projet est de faciliter les relations humaines, de favoriser le vivre ensemble, de semer le care dans les mouvements urbains. Si je stigmatise ainsi l’un des termes du chaos, il ne fera plus partie de la solution, comme dans tout compromis qui se respecte, mais restera un problème à éliminer. Ma religion est faite : un jour, il n’y aura plus sur terre que des piétons, des cyclistes et des passagers. En attendant, déplaçons-nous en harmonie et de concert. Merci, passez donc, après vous, au lieu de connard enculé, tu as eu ton permis par correspondance, tu t’es vu quand tu conduis. 

mercredi 22 août 2012

plaintes


    Une amie qui respecte le ramadan se plaint. Par cette température, dit-elle, c’est dur de rester sans boire toute la journée. Comme si en mon temps, je m’étais plaint de la difficulté des escaliers quand je vendais l’Huma au porte à porte. Les souffrances que l’on s’impose sont des bonheurs qui sont intenses justement parce qu’on ne peut pas les partager. Elles sont sujets de fierté et certainement pas de plainte. Si on geint en montant les escaliers, en respectant le jeûne ou en faisant carême, mieux vaut rester tranquillement à siroter une grenadine à une terrasse de café. Avez-vous jamais entendu gémir Mahomet, Jésus, Varlin et le Che ? 

un député responsable


Razzy Hamadi député de Seine-Saint-Denis, ne votera pas le traité européen (le monde, 22 août 2012) qui ne fait qu’ajouter de l’austérité à l’austérité et fait appel aux recettes violentes et antidémocratiques des pactes précédents.

            Mais François Hollande risque d’être gêné ? Pas du tout. L’objectif de RH n’est pas de faire échec au Président socialiste puisque de toute manière il obtiendra un nombre de voix suffisant pour voter le traité.

            Résumons. Le traité est mauvais. Il faut voter contre. Mais si la majorité pour le traité n’était pas atteinte, RH voterait pour. Parce qu’il est mauvais, mais pas au point de voter contre si le vote comptait vraiment. Comme le vote ne compte pas, RH vote contre, comme ça il pourra dire qu’il a voté contre. Qu’il est vraiment à gauche. Voilà une attitude responsable.

            Quelqu’un pourrait-il rappeler à Razzy Hamadi qu’il fait partie de la majorité présidentielle  et qu’il co-gouverne la France ? 

mardi 21 août 2012

mémoires des camps

Les petits-fils des bourreaux des camps nazis et les petits fils des déportés de ces camps ont entamé en ce mois d'août 2012 une marche commune. Les premiers demandent pardon pour leurs grands-pères. Réconciliation et vérité.

Un jour, les petits-fils des bourreaux des camps soviétiques et les petits-fils des déportés du Goulag marcheront ensemble de camp en camp.

dimanche 19 août 2012

émotion à la goutte d'or


Réactions à un article sur l'émotion créée par une arrestation à Barbès. 

Premières réactions à fleur de peau, comme usager de l’espace public dont il est ici question. Les vendeurs à la sauvette ne sont pas aimables. Ils ne sont pas serviables. Ils ne laissent pas passer les poussettes et quand je me fraye un chemin avec ma canne, je récolte plus d’insultes que de reculs polis. Si tu veux, on fait le trajet ensemble… Je ne m’étonne pas. La misère ne rend pas meilleur. C’est même pour cela qu’il faut la combattre, elle abîme les hommes.

Mes c’est avec la thèse même de l’article que j’ai des problèmes. Tu décris une émotion comme un processus de formation de solidarité contre les injustices. Je crois le contraire. L’émotion peut être admirable ou haïssable, elle est rarement conductrice de politique parce qu’elle enferme dans l’événement et dans l’instant alors que la politique demande l’ouverture à l’espace et à la durée. À l’Université de Vincennes, dans les années 1970, des marchands à la sauvette se sont installés dans le hall d’entrée : vente des livres volées chez Maspero, de grillades (merguez…), et d’objets hétéroclites. Le nombre de ces marchands est allé en augmentant, au point d’engorger les points d’accès aux salles de cours. Les maos de l’époque, tous sortis de Normale Sup, étaient farouchement hostiles à l’interdiction de la vente. Avec la majorité du conseil d’administration, j’étais personnellement pour qu’on appelle la police afin de protéger ce qui pour moi était l’essentiel : la possibilité de promotion sociale pour des milliers de salariés mise en danger par le marché sauvage. La police est intervenue, sous la huée des « masses », sans ménagement. Parmi les vendeurs, il y avait des mères de famille avec leurs enfants. Où était l’émotion, où était la politique ? Quand  un usager de drogues pète les plombs dans les locaux d’EGO, il arrive que les responsables fassent appel à la police. Qui intervient, qui maîtrise, qui menotte. C’est la condition pour que lieu reste ouvert, efficace, accueillant, soignant. Si  cette intervention provoquait chaque fois une émeute, le local sera vite fermé. Où est l’émotion, où est la politique ?

            Sur le maintien de l’ordre dans l’espace public. J’utiliserai plutôt l’expression « maintien de l’équilibre ». Équilibre entre les besoins vitaux d’une population en galère et les nécessités non moins vitales d’une population qui travaille et habite dans cet espace de manière légale. L’observateur qui veut comprendre et le citoyen qui veut contribuer à la démocratie  urbaine doit aussi maintenir cet équilibre dans ses recherches et ses interventions. Sympathie et solidarité pour le marchand de journaux de Barbès, pour les commerçants qui ont pignon sur rue. Équilibre impossible, mais la recherche de cet équilibre est ce qui fait la vie du quartier.

            Si l’on veut intervenir socialement, scientifiquement, politiquement dans la vie de ce quartier, il faut s’en sortir.  Voir ailleurs. Montrer comme se protègent les quartiers privilégiés. Dans les beaux quartiers, les manifs contre les centres sociaux, contre les logements à loyer modéré, contre les efforts de mixité. Mais l’émotion c’est toujours sur place et tout de suite. Dans ma section du PS, il y a toujours beaucoup d’émotion pour la misère de rue, les SDF, les sans-papiers. Puis d’un seul coup, l’émotion disparaît quand on propose d’interdire le cumul des mandats, cette plaie qui bloque l’accès aux responsabilités de milliers de militants socialement et culturellement nouveaux.


samedi 18 août 2012

hommage et terreur


hommage et terreur


            Pendant toute une génération des hommes armés ont plongé l’Irlande du Nord et le Pays basque dans la terreur.  La pression des citoyens, la lassitude, les évolutions internationales, ont conduit ces hommes à déposer les armes sans avoir rien obtenu de leur objectifs affirmés. Il ne leur reste de cette sombre période que le souvenir d une grande excitation patriotique qu’ils souhaitent prolonger le plus longtemps possible dans une exaltation solidaire.  Applaudissements pour les héros dans les salles homogènes, demandes de libération anticipée et demain, de pensions d’anciens combattants et de médailles.

            Aujourd’hui  les armes ont été restituées, les cagoules nettoyées et pliées dans les placards. Les Frères  patriotes, les Fous du Dieu national,  nous regardent dans les yeux et exigent que nous demandions avec eux un statut particulier  pour les prisonniers, le rapprochement des familles et la libération anticipée des anciens combattants vieux ou malades. Au nom de leurs principes, ils ont assassiné, au nom de nos principes, nous leur devons compassion et humanité.

            Les élus du  Pays basque répondent présent. Ils ont raison. Pour des raisons humanitaires, ils demandent la libération anticipée des malades. Ils ont raison. Le rapprochement des prisonniers de leur famille. Ils ont raison. Mais s’ils ne disent rien d’autre, ils contribuent à donner légitimité au combat terroriste.

            Sans me lasser, avec obstination, je redonne donc un mode d’emploi tout simple. Aux demandes des prisonniers, de leurs comités de soutien, des organisations patriotes, il faut répondre :: « Nous demandons pour les anciens de l’ETA les garanties judiciaires et humanitaires qu’ils ont toujours refusé à leurs victimes ».  

jeudi 9 août 2012

encore une question


         On dit que jamais ne se transformera une relation amoureuse égalitaire productrice de plaisirs renouvelés sans rustine en relation de dépendance à cause de l’âge qui produit des douleurs, des handicaps, des mauvaises humeurs, des malentendances, des démangeaisons, des courbatures, des oublis.

            Mais pour que ça ne se produise pas, car toujours ça se produit, comment maintenir vigilance et lucidité quand précisément vigilance et lucidité se dissipent ? Nous connaissons les réponses, mais nous ne voulons pas les entendre.

            Une réponse est de ne pas commencer, car une fois que c’est commencé et que ça nous plaît, la tendance est de poursuivre, de s’habituer, de ne plus pouvoir se passer de l’autre et quand l’autre est différent, de continuer de croire que c’est le même alors qu’il n’est plus le même.

            Une autre réponse est de partir, de couper, de s’éloigner justement au moment où les énergies nécessaires pour le départ se sont englouties dans le naufrage des années.

            Parfois, les deux vieillissent ensemble et sombrent ensemble, en se tenant la main. On retrouve ainsi des couples qui ont traversé le désert, sont morts de soif, les squelettes blanchis sont enlacés et quand le vent souffle plus fort, les os tintinnabulent.

            Mais la plupart du temps, l’anéantissement suit des rythmes différents. L’un marche et l’autre roule. L’un voit et l’autre est aveugle. L’un entend et l’autre est sourd.

            Comment faire ? Encore une question qui n’a pas de réponse, une question qui va rejoindre l’immense cimetière des questions non résolus, des questions sans réponse. Les questions précieuses qui font la vie. Et surtout que jamais il n’y ait de réponse. Car les réponses ne peuvent venir que de menteurs, de charlatans, de gourous et de despotes. 

mercredi 8 août 2012

ambiguïtés


Ambiguïtés

            Dans un système démocratique, les décisions politiques sont prises par des moyens démocratiques. Des hommes qui ne reconnaissent pas la légitimité de ce système ont recours aux armes pour atteindre leurs objectifs. Il est possible de discuter de l’avenir avec eux.  Il faut leur dire tout simplement « Nous discuterons de l’avenir avec vous quand vous aurez écarté la terreur comme méthode de discussion ».

            Aux journées de Corte, août 2012, se sont côtoyés des nationalistes divers et des partis politiques républicains, socialistes et UMP notamment. Ils discutent du statut de l’île, de la langue, de l’autonomie et de l’indépendance. Dans une atmosphère courtoise.

            Dans le même temps se poursuivent des attentats, des règlements de compte, des bombes et des morts. Activités criminelles qu’une partie des nationalistes qui discutent avec les partis politiques républicains refusent de condamner.

            Pour construire la paix, il faut que les armes se taisent. Il faut que les participants aux discussions sur l’avenir s’engagent à respecter les décisions prises démocratiquement. Si les discussions précèdent, cet engagement, alors on redonne de l’espace et de l’air à ceux qui pensent que certaines valeurs ne peuvent pas être soumises au vote, qu’une minorité détentrice de ces valeurs a le droit de court-circuiter la politique par l’emploi de la violence armée.

            En Irlande du Nord, au Pays basque, le processus de paix a pu s’engager quand les organisations paramilitaires ont décidé d’un cessez-le-feu unilatéral, durable, sans retour. On dépose les armes, on enlève les cagoules, on vient discuter sans pistolet.

            Ce n’est pas encore le cas en Corse. Les manifestations pour la langue, pour la culture, pour l’autonomie s’accompagnent d’une lugubre célébration des porteurs de terreur. En Irlande du Nord et au Pays basque, les responsables nationalistes ont clairement déposé les armes et ils demandent non moins clairement aux citoyens de dénoncer à la  police toute activité criminelle. Alors que viennent faire dans cette galère les élus de droite ou de gauche respectueux de la démocratie. Pensent-ils qu’ils contribueront ainsi à éteindre le feu ? Non, ils lui donnent légitimité.

            Le dilemme n’est pas entre participation ou boycott. Des élus peuvent décider de participer à des discussions avec des nationalistes. Mais ils doivent leur dire clairement que l’avenir ne peut pas s’élaborer avec des personnes qui n’ont pas écarté la terreur comme moyen de discussion et de règlements des conflits. Ils doivent leur dire clairement qu’une situation de paix est une situation où il est du devoir de tout citoyen de dénoncer à la police celui qui pose une bombe et qui tue. Et s’ils provoquent ainsi des réactions horrifiés, qu'ils répondent que c’est très exactement ce que Gerry Adams demande à ses partisans en Irlande du Nord.


                       
                       
            

vendredi 3 août 2012

voiles


      Pour être tranquille à l’Assemblée nationale, les femmes doivent se couvrir avec autant de soin que pour faire leurs courses à Barbès.