mardi 25 octobre 2011

Gaby Mouesca

Lucidité de Gaby Mouesca

    Gaby Mouesca, ancien leader de l’organisation terroriste Iparretarrak, jugé et condamné, n’est pas content du cessez-le-feu de l’ETA. Il « ne vit pas ce moment dans la joie ». Nous avons utilisé les armes « en toute légitimité » et les raisons qui ont conduit à ce que ce pays soit la terre d’un conflit dur n’ont pas disparu. Le droit à l’autodétermination du Pays basque n’est pas reconnu par l’État français. Il faut redonner la parole au peuple Pays basque. Il faut une « institution autonomique qui permettrait un lien institutionnel avec ce que sera le Pays basque sud ».

     Cet entretien dans Sud-Ouest du 25 octobre est d’une grande lucidité : Pour Gaby Mouesca, l’ETA a tort de déposer les armes puisque les raisons de se battre subsistent.  Dans le stade d’Eden Park, à Auckland, tout seul sur la pelouse, il continue de courir et de marquer des essais. 

lundi 24 octobre 2011

ETA

            Samedi 22 octobre 2011. « ETA a décidé l'arrêt définitif de son activité armée. » ETA n’a atteint aucun de ses objectifs, le Pays basque n’est pas réunifié, il n’est pas indépendant. Ses chefs vont continuer à lutter pour les mêmes objectifs par des moyens excluant la terreur. Après avoir utilisé les balles dans la tête, les voitures piégées, les kidnappings et le racket, ils vont essayer le bulletin de vote. Pas un mot de regret pour les victimes, les leurs et les nôtres. Des leçons sur les droits de l’homme et la démocratie de la part de ceux pour qui le seul droit des hommes était d’être terrorisé et la seule démocratie reconnue, la servilité devant la violence minoritaire.

            La déclaration de l’ETA aurait pu être faite au lendemain de la mort de Franco, en 1975. Huit cents morts et trente cinq années de terreur pour rien.

            Pour ceux qui luttent depuis quarante ans contre le terrorisme, le renoncement aux armes de l’ETA est  d’abord la victoire de la démocratie la victoire de la volonté des citoyens de ne jamais baisser la tête, la victoire de la détermination des institutions démocratiques, la victoire de la coopération  politique et policière de deux démocraties, France et Espagne.

            Pour la suite, espérons que les cagoules ne seront pas remplacées par des œillères. 

vendredi 21 octobre 2011

Cessez le feu

            L'ETA dépose les armes. Ils ont du mal à tirer le rideau. Comme les vieux acteurs qui ne se résignent pas à prendre congé, ils reviennent sur scène une dernière fois, puis encore une dernière fois. Ils viennent annoncer qu'ils déposent les armes, qu'ils renoncent à la lutte armée, que la guerre est finie, qu'ils se soumettent aux règles démocratiques. On les applaudit. Ils reviennent pour dire qu'ils se soumettent à des commissions d'enquête. On les applaudit. Ils reviennent dire que les combats ne reprendront plus. Applaudissements. Mais c'est plus fort qu'eux, ils gardent leur costume de scène.

            L'ETA dépose les armes, pas les cagoules.

jeudi 20 octobre 2011

conseil de quartier

            Réunion du conseil de quartier rue Pierre Budin jeudi 20 octobre 2011, 19 heures 30. Le préau d'école est plein. L'atmosphère est surchauffée. Le récit d'incidents et d'agressions se déroule en flux tendu, c'est de pire en pire, les gens qui vivent depuis longtemps confirment, les jeunes qui arrivent vont péter les plombs, il va y avoir une insurrection de la population, tout se répète et rien ne se fait. Dans l'ordre et dans le désordre: l'épanchement d'urine sur la voie publique, les prostituées qui parlent fort sous les fenêtres, les ventes à la sauvette qui empêchent la circulation des piétons. Et curieusement, la drogue, du point de vue des inquiétudes et des interventions vient en dernière position.

            "En face", les juges et les commissaires, les élus, sont à la peine. Ils expliquent les efforts, les arrestations, les préventions, on ne les écoute pas. Les gens dans la salle, près de deux cents personnes, population mêlée, des foulards et des couleurs, ils disent tous, ils crient tous la même chose. Dans les autres quartiers de Paris, on ne tolérerait pas une telle situation.

            Comment réagir? Premièrement, prendre ces cris de détresse comme le refus que le quartier se transforme en ghetto à l'abandon. Le pire dans les endroits déshérités, ce n'est pas quand les habitants crient, c'est quand ils déménagent sans bruit. Dans le préau de l'école, personne ne parlait de partir. Au contraire, il y avait de jeunes nouveaux arrivants et ils n'étaient pas les moins véhéments. C'est ici qu'ils veulent vivre. Ils ne sont pas désespérés, ils sont en colère.

            Deuxièmement, sur toutes les difficultés que connait le quartier, les interventions sont permanentes: aide aux jeunes scolaires, en difficulté, accueil et prévention dans le champ des drogues, emploi, santé. On n'imagine pas un instant que de temps en temps, deux ou trois par semaine, des brigades viennent distribuer des seringues aux usagers de drogue, donner des soutiens scolaires, accueillir les jeunes en difficulté, de "temps en temps". Le tout se réalise en permanence, avec des succès et des échecs, mais tous les jours, du matin jusqu'au soir. Dans le domaine de l'occupation illicite de l'espace public, l'espace qui permet de se déplacer, de faire des courses, de se promener, d'aller prendre un bus ou un métro, les interventions se font "de temps en temps". Comment voulez-vous que ça marche?

            Non seulement ça ne marche pas, mais cet échec visible, spectaculaire, démoralisant, rend inaudibles et invisibles tous les efforts de centaines de professionnels de la santé, de la sécurité, de l'éducation, de la prévention. Oui, les fonds publics s'investissent beaucoup dans notre quartier et avec des résultats.  Oui, les taudis laissent place à des immeubles neufs. Oui, médiathèque, centre Barbara, crèches…L'effort financier pour des patrouilles de police permanentes serait, en regard, léger. Et nécessaire. Parce que ce n'est pas de temps en temps que les habitants prennent le métro, vont accompagner les enfants à l'école, faire leurs courses, c'et tous les jours, du matin jusqu'au soir. 

jeudi 20 octobre

               Mes amis me disent tu es triste, et je dois immédiatement leur dire pourquoi, quelle raison, quelle tumeur ou quel détresse. Si je n'ai ni tumeur ni détresse, comment leur répondre?

               Le livre sur l'Irlande aux éditions La Découverte va partir à la fabrication. Je comptais en plus me rendre intéressant dans les prochaines semaines par une opération visant à me libérer d'une lancinante sciatique, mais fâcheusement, la douleur s'est atténuée, et nous nous sommes mis d'accord, mon chirurgien et moi, pour  renoncer à cette intervention. Je ne peux pas vous donner le nom de mon chirurgien car je suis tenu au secret médical. Même l'hôpital, si je vous dis que son nom commence par B, j'aurais des ennuis avec l'Ordre des Malades.

               De nombreuses personnes vont mal pour des raisons objectives: manque d'argent, relations familiales pourries, échecs amoureux, travail sans joie, source d'angoisse quand il y en a, et source de dépression quand il n'y en a pas. Les suicides de salariés dépassent en nombre les suicides des chômeurs. Sans compter les femmes au foyer qui ne sont ni chômeuses ni salariées et qui dépriment plus que tous. Et les parents qui dépriment parce qu'ils n'ont pas d'enfant et ceux qui dépriment parce qu'ils en ont. Souvent, les enfants vont mal et les parents c'est encore pire et quand ça va mal des deux côtés, qu'on n'a pas d'argent, pas d'amour ou trop, pas de travail ou un travail, vous imaginez.

               Or, sur tous ces points, aucune difficulté. Je traverse un monde en gésine sans aucun problème. Mes parents sont morts paisiblement d'une crise cardiaque. Les enfants vont bien ou semblent. Je ne suis ni chômeur ni salarié dans un endroit en perdition. Mes amours surfent. Je n'ai pas d'ennui d'argent. Mes amis sont fidèles et vivants, sauf quelques disparus non remplacés.

               Ils insistent. Voici la réponse. Dans un monde d'injustices, de malheurs, promener une gueule apaisée sur les sentiers douaniers témoigne d'une odieuse insensibilité. Ces béatitudes dans les couloirs des couvents et des monastères, ces sportifs du matin dans les parcs, ces supporters au retour d'une victoire, m'insupportent. La réponse est donc simple: je vais mal parce que je vais bien.

lundi 17 octobre 2011

si j'étais

               Si j'étais mort le 14 juillet 1790, j'aurais emporté dans la tombe l'image d'une foule en liesse au Champ de Mars, d'un peuple réconcilié, des privilèges qui tombent. Si j'étais mort au mois de mars 1871, j'aurais eu la poitrine gonflée de projets démocratiques, de Bastilles détruites, d'écoles en fleurs et  d'assemblées inventives. Si j'étais mort en octobre 1917, mon dernier regard eût été pour le tsarisme russe en fuite, la montée du peuple révolutionnaire, les soviets partout et l'injustice nulle part. Si j'étais mort en 1949, j'aurais salué la victoire de Mao contre les impérialistes et les réactionnaires. Si j'étais mort le 31 décembre 1958, j'aurais été comblé de la fuite de Batista, du succès de l'insurrection populaire de Fidel Castro. Dans tous les cas, je serais mort le sourire aux lèvres.
               Si l'on souhaite prendre un congé final extatique, il est conseillé de mourir les premiers jours des grands chamboulements. 

si j'étais

               Si j'étais mort le 14 juillet 1790, j'aurais emporté dans la tombe l'image d'une foule en liesse au Champ de Mars, d'un peuple réconcilié, des privilèges qui tombent. Si j'étais mort au mois de mars 1871, j'aurais eu la poitrine gonflée de projets démocratiques, de Bastilles détruites, d'écoles en fleurs et  d'assemblées inventives. Si j'étais mort en octobre 1917, mon dernier regard eût été pour le tsarisme russe en fuite, la montée du peuple révolutionnaire, les soviets partout et l'injustice nulle part. Si j'étais mort en 1949, j'aurais salué la victoire de Mao contre les impérialistes et les réactionnaires. Si j'étais mort le 31 décembre 1958, j'aurais été comblé de la fuite de Batista, du succès de l'insurrection populaire de Fidel Castro. Dans tous les cas, je serai mort le sourire aux lèvres.
               Si l'on souhaite prendre un congé final extatique, il est conseillé de mourir les premiers jours de l'Apocalypse. Pour le bien des peuples, il vaut mieux que les morts soient tristes. 

mercredi 12 octobre 2011

débat

Mercredi 12 octobre 2011 : L’un et l’autre. L’une et l’autre. Le ou la future candidate socialiste aux présidentielles ont refusé les exigences de Montebourg. Bonne nouvelle.



mardi 11 octobre 2011

Sixième ou quatrième?

6ème ou 4ème ?




            Le projet du PS a été adopté à l’unanimité. Il n’y avait pas dans ce projet de démondialisation, de protectionnisme, de refus de l’Europe de Lisbonne. Pour les primaires, Arnaud Montebourg s’en est écarté, mais les résultats sont sans appel : par 83% des voix, les électeurs ont apporté leur appui aux candidats qui respectaient le projet socialiste. Majorité, minorité. En démocratie, la majorité l’emporte. Déjà, Montebourg avait voté non au projet de constitution européenne. Ce n’est pas encore une habitude, c’est déjà une manie.

            17% qui suivent le candidat Montebourg dans ses écarts, ce n’est pas rien. Mais c’est la minorité.

            Dans le parlement des années cinquante, l’influence des partis minoritaires dépassait largement leur score électoral. Les alliances se faisaient et se défaisaient sans principe.
           
            En présentant aujourd’hui des « exigences » au nom de sa défaite, Montebourg nous ramène aux pires moments de cette période, où des accords de sommet défaisaient régulièrement les résultats des élections. Champion d’une sixième république, ou nostalgique de la Quatrième ?

            Il faut refuser ces exigences qui nous mènent à l’échec. Un groupe de gauche minoritaire à l’assemblée mené par Montebourg et Mélenchon nous promet de belles joutes oratoires. Le peuple de gauche a d’autres rêves.




dimanche 9 octobre 2011

primaires

            En France, la phrase révolutionnaire nous fait du tort car elle donne l’impression qu’il suffit de demander la lune pour qu’elle soit déjà décrochée. Plus l’on crie, plus on demande, plus on obtient. J’ai longtemps fait partie de ceux qui criaient plus fort et plus à gauche que tout le monde et à qui l’intensité des cris et la radicalité des revendications valaient brevet  d’engagement exemplaire. Dans les usines, on parlait souvent de « grèves dures » sans se poser la question de savoir pour qui ces grèves étaient dures. Les grèves des mineurs anglais sous Margaret Thatcher ont été particulièrement dures pour les mineurs : licenciements et déroute syndicale, démoralisation, divisions. Le bilan fut amer. Ce furent des grèves dures, très dures.

            Si l’on mesure l’intensité de l’engagement aux résultats obtenus, le bilan est pour le moins contrasté. La protection sociale de santé et les assurances vieillesse se sont mises en place en Allemagne en 1883, en Autriche en 1888, au Danemark en 1891, en Belgique en 1894, en Grande-Bretagne en 1942 et en France en 1945. Les femmes ont obtenu le droit de vote en Nouvelle-Zélande en 1893, en Finlande en 1901, au Canada en 1916, en Grande-Bretagne en 1918. En France en 1945. Pour qui la gauche était-elle dure ? Je ne parle pas évidemment des pays où la gauche la plus dure a pris le pouvoir…

            Cette semaine nous allons choisir. Certainement pas entre gauche dure et gauche molle. Les deux candidats ont complètement assimilé les leçons de l’histoire et les alliances municipales de Martine Aubry montrent qu’elle est complètement engagée dans le pragmatisme réformiste. Mais voilà que les électeurs lui imposent, pour gagner, de s’allier avec le héraut de la phrase révolutionnaire. Qui a une logique : il a voté non au référendum européen, il continue sa campagne en demandant la démondialisation. Nous savons tous que l’une des tâches qui attend un gouvernement de gauche dans l’éventualité d’une victoire en 2012 sera de reconstituer des règles européennes et mondiales qui seules pourront réguler le capital financier et spéculatif. Il ne s’agira pas de démondialiser, mais au contraire de mondialiser davantage le marché, la protection sociale, les règles démocratiques.

            Devinez pour qui je vote dimanche prochain. 

vendredi 7 octobre 2011

le monde nous regarde

Projet d'édito pour alter EGO

            Trois rapports viennent d'être publiés en cette fin d'année 2011: Le premier est issu de la Commission mondiale sur la politique des drogues (Global Commission on Drug Policy). Plusieurs personnalités ayant participé à l'élaboration de ce rapport, dont des anciens présidents latino-américains, préconisent une dépénalisation des drogues et une légalisation du cannabis. La guerre contre les drogues a été perdue, il faut une autre politique. Le second sous la direction de Martin Hirsch demande une protection sociale universelle. Il démontre avec de solides arguments que la solidarité avec les plus pauvres n'est pas seulement une exigence humanitaire, elle est économiquement rentable, l'une des conditions du développement pour un pays et pour l'ensemble de l'humanité. Le troisième rapport, sous la direction de Gilles Kepel (Banlieue de la République), étudie l'évolution de l'islam dans les banlieues françaises. La montée réelle des pratiques religieuse est mise en rapport avec la discrimination et la ghettoisation de certains quartiers. Pour la population qui y vit, la religion devient un moyen privilégié de survie et d'organisation sociale.
            En quoi ces trois rapports intéressent-ils notre activité à EGO?
            Ils portent sur notre quotidien: drogues, misère, dérives, discriminations…Nous savons que les graves difficultés que rencontrent les usagers peuvent être utilisées pour nourrir les peurs, les préjugés. Elles peuvent être utilisée pour stigmatiser les politiques d'aide sociale. Les politiques de solidarité sont dénoncées comme des invitations au déferlement de la misère du monde. Les réductions des risques sont accusées d'encourager la consommation sans limite. Les actions contre les discriminations deviennent des armes données aux ennemis de notre civilisation. La peur des drogues, la peur des pauvres, la peur des différences, deviennent des moyens de gouverner.
            Les trois rapports montrent le contraire. Ils montrent que ces sujets peuvent aussi être traités comme des sujets de réflexion, de recherche, d'intelligence durable, porteurs de solutions à long terme.
            Pour une institution comme la nôtre, qui fonctionne sous les regards du sensationnel, sous l'incompréhension parfois, avec un soutien et une sympathie construite lentement, patiemment, ces trois rapports sont précieux. Ils indiquent que des chercheurs, des hommes d'état, des institutions internationales nous regardent et nous disent: ce que vous faites est utile pour l'ensemble de la société. Continuez.