jeudi 22 décembre 2011

délinquance

            Claude Guéant propose une loi qui permettra de renvoyer dans leur pays les délinquants étrangers. En voilà une bonne nouvelle que tout le monde attendait. Donc, le président d’un pays africain qui dilapide l’argent public en voitures de luxe et en hôtels particuliers sera immédiatement renvoyé chez lui grâce à cette loi. Un prince arabe qui battra ses domestiques sera renvoyé chez lui grâce à cette loi. Un spéculateur canadien qui viendra proposer des produits financiers pourris sera renvoyé chez lui grâce à cette loi. Les citoyens français qui évitent de payer les impôts en se réfugiant en Suisse seront immédiatement renvoyés à Genève.

            Je suis pessimiste. Un pays où le ministre de l’intérieur peut proférer de telles inepties est forcément dans un état moral, politique et culturel inquiétant.

             

lundi 19 décembre 2011

héritage



Nous tous –bien qu’à des degrés différents- sommes responsables de la dérive de la machine totalitaire. Nous ne sommes pas seulement ses victimes, mais nous sommes tous en même temps ses cocréateurs. IL ne serait pas raisonnable de considérer le triste héritage des dernières quarante années comme quelque chose d’étranger, légué par un parent lointain. Nous devons au contraire accepter cet héritage comme quelque chose que nous avons-nous-mêmes contre nous. Si nous le prenons ainsi ; nous comprendrons qu’il dépend de nous tous d’en faire quelque chose.

Vaclav Havel, discours à la nation, 1 Janvier 1990.

le pen

Marine le Pen, C Politique, dimanche 18 décembre 2011


            On dit qu’elle a changé, que désormais, elle est présentable. À mesure que l’entretien se déroulait, face à une journaliste plus roublarde qu’il n’y paraissait, Marine Le Pen apparaissait de plus en plus comme la branche française de l’internationale brunâtre  qui hiérarchise les individus en fonction de leur appartenance octroyée, de leur religion, de leur langue, de leur histoire, de leur soumission, de leur allégeance, et prétend distribuer les ressources à partir de ce critère.

            La France est en crise pour deux raisons, la première parce qu’elle paie très cher son appartenance à l’Europe et à l’euro. La seconde, parce qu’elle n’a plus les moyens d’accueillir les étrangers. Marine Le Pen fermera les portes et les fenêtres, rouvrira les mines de charbon, renverra les étrangers pauvres chez eux, car ils coutent cher, ils pourrissent nos banlieues. Elle mettra fin au regroupement familial, et les naturalisés devront bien se tenir pendant dix ans sinon, on leur retirera leur carte. Avec les étrangers disparaîtront chômage et insécurité.

            Marine Le Pen dit qu’elle représente une force nouvelle qui n’a jamais gouverné. Gros mensonge. L’humanité a longtemps et partout été gouvernée au nom de ses principes. La peur de l’étranger qui est son fond de commerce se retrouve dans le temps et dans l’espace sous des masques différents. Depuis longtemps. La loi sur les pauvres en Angleterre était déjà lepéniste : les indigents devaient être rapatriés dans leur commune d’origine. Puisque les bourgeois de Birmingham payaient des impôts locaux pour financer l’asile, il n’y avait aucune raison, disaient les bourgeois de Birmingham, de payer pour les pauvres de Manchester. Donc il fallait renvoyer les indigents de Manchester dans leur paroisse d’origine.

            Marine Le Pen et le Front national n’ont rien inventé. Ils prennent dans l’histoire de l’humanité les traits les plus conservateurs, les plus égoïstes, les plus barbares et tout soupçon de solidarité, de justice sociale, d’ouverture aux autres leur apparaît comme insupportable. Marine Le Pen, c’est Monsieur Bumble qui hurle « What ! » quand Oliver Twist demande du rab. Regardez le film, vous verrez, ce sont les mêmes éructations.

            De nombreux pays appliquent les principes de Marine le Pen : stopper l’immigration, n’accepter comme citoyen que ceux qui acceptent les valeurs patriotes, fermer les frontières…Vous ne voyez pas ? Ouvrez les yeux : l’Arabie saoudite, Cuba, la Corée du Nord…là-bas, les principes du Front national sont au pouvoir et montrent leur efficacité : il n’y a ni chômage, ni insécurité dans les quartiers, ni déficit de la sécurité sociale. 

samedi 17 décembre 2011

racines


            Nolwenn Leroy est invitée par le journal de  20 heures de France 2 ce samedi 17 décembre 2011 pour expliquer le succès phénoménal de son dernier album qui s’intitule Bretonne. Nolwenn, par la voix et son aspect physique, ressemble comme deux gouttes de chouchen à toutes les jeunes chanteuses qui se lancent dans la chanson. Ce qu’elle a de plus que les autres, dit Nolwenn, ce sont des racines. Des racines bretonnes, des racines celtes.

            Commercialement, c’est un plus d’avoir des racines. Qu’elles soient naturelles ou en polymère n’a aucune importance. Un radis sans racines n’est qu’un bouquet de fanes, Charles Aznavour sans l’Arménie, Serge Gainsbourg sans l’Europe centrale, Georges Brassens sans les bistrots de Sète, James Joyce sans Dublin, les ballets Moïsseïev sans les steppes d’Ukraine, les danseurs de Riverdance sans le Connemara seraient tous comme Picasso sans Guernica et Émile Zola sans la Goutte d'Or.

            Je suis jaloux des gens qui ont des racines parce que j’en suis démuni. Les noms de mes ancêtres ne sont pas gravés dans le marbre d’un cimetière champêtre et la Toussaint, ce Noël des morts, avec des cadeaux pleins les cheminées crématoires, m’est inconnu.

            Le prochain album de Nolwenn Leroy sera celte ou ne sera pas. 

lundi 12 décembre 2011

confusion

               La même discussion se poursuit inlassablement. Peut-on comparer les crimes du stalinisme et les crimes du capitalisme? La guerre de 14-18 et le goulag? La famine en Ukraine et les massacres coloniaux? Inlassablement, je réponds, que parmi tous ces massacres, j'ai vivement combattu les uns et que j'ai soutenu les autres, que j'ai été militant anticolonialiste et justificateur des procès de Moscou. Que dans les pays communistes, c'est au nom de mes principes que ces dérives se sont produites. Et enfin, que ceux qui étudient l'histoire tragique du communisme sont généralement insultés et condamnés par les gens de gauche, encore aujourd'hui. Que le peuple allemand a écrit son histoire et continue de le faire alors qu'à Moscou, l'étude du stalinisme n'est guère populaire. La discussion ne cessera jamais, jusqu'à ce qu'elle devienne uniquement une question d'histoire pour les historiens. Il faut donc redire jusqu'à ce qu'on nous entende, c'est à dire jamais, que nous avons été complices, qu'il y a un négationnisme des crimes communistes qui est considéré comme respectable par une partie de la gauche.
               Une amie très chère me dit qu'au nom des mêmes principes, des mêmes complicités, tu devrais prendre position contre la politique colonialiste d'Israël dans les territoires occupés. Dérapage? Qu'Israël prétende parler et agir au nom des Juifs d'Israël et de la diaspora, que des organisations en France soutiennent Israël, les gouvernants successifs "au nom des Juifs" de France est une chose. Mais ce qui détermine ma position vis-à-vis de la politique israélienne n'est pas ma judéité, uniquement mes convictions, ma politique, mes engagements. On choisit d'être communiste, on ne choisit pas ses parents. Mieux vaut ne pas confondre.    

samedi 10 décembre 2011

chacun son tour

Met schon bei dir littéralement, ce sera bientôt ton tour. Se dit par exemple à l’occasion de la communion juive, qu’on appelle bar mitzva, et les invités disent aux plus jeunes, jaloux des cadeaux : met schon bei dir. Bientôt ce sera ton tour. Je ne l’ai jamais entendu, ma famille n’était pas religieuse. Le jour du mariage, très souvent, on l’entend, met schon bei dir : ce sera bientôt ton tour de te marier, répéter à l’adresse de l’aînée de la famille dont les parents se désespèrent parce qu’elle n’est pas encore mariée. Met schon bei dir. Ce que j’entendais comme la promesse de rapports sexuels avec l’autre sexe, bientôt ce serait mon tour. Met schon bei mir. Ce serait bientôt mon tour. Je sentais bien que ce serait bientôt mon tour. Je le sentais bien. Met shon bei dir ne se dit jamais à un enterrement. 

vendredi 2 décembre 2011

blog

Samedi 3 décembre.

            Un blog est un journal à ciel ouvert. Vous écrivez et des yeux lisent au dessus de votre épaule en direct. Un journal est secret. Un blog est public. Un journal s’adresse aux archivistes, un blog aux électeurs. Dans un journal, vous pouvez tout dire sans risquer de procès, dans un blog vous ne pouvez rien dire sans risquer une polémique.

            Imaginons que par suite d’une aberration, d’une rupture d’anévrisme, d’un court-circuit, d’une pause biologique, la personne responsable des mots se trompe et prenne un blog pour un journal intime et un journal intime pour un blog. Pour l’historien de demain, le journal intime aura disparu, puisqu’il était fait pour l’avenir et qu’il prend la place du blog, il ne lui reste plus que le blog. Mais il ne saura pas que c’est un blog, et il prendra ce blog pour un journal intime. Il aura tout faux.

            Le manieur de paroles s’en trouve bloqué. Comment savoir s’il ne confond pas déjà maintenant, aujourd’hui, hier, ce matin, blog et journal intime ? Il doit redoubler de prudence. N’inscrire sur le blog rien qui puisse affecter ses relations les plus chères, c’est souvent le cas d’un journal intime et c’est pour cette raison qu’un journal intime ne doit être lu que lorsque tout le monde est mort. Et n’inscrire dans le journal intime rien qui puisse éloigner les électeurs.

            Il va falloir jouer serré. 

mercredi 30 novembre 2011

communautarisme

Contre le communautarisme en politique






Quand les dirigeants de l’UMP et du FN parlent immigration, ils projettent une image communautariste de la société française. Le peuple français, selon leurs discours, est composé de citoyens authentiques et d’autres qui ne le sont pas, qui doivent le prouver en permanence sous peine de se voir privés des droits et des devoirs qui sont ceux des membres de la nation. L’État, les services publics, les prestations sociales, le travail et le logement, doivent être réservés à ceux qui adhèrent aux principes et aux valeurs « nationales » qu’il faut constamment redéfinir car l’identité a une carte, mais guère de définition rigoureuse.



Cette communauté est menacée par des vagues de migrants étrangers et par des idées qui sapent les principes partagés. Ces discours n’ont pas besoin d’immigrés pour fleurir. À Cuba, en Corée du Nord ou en Syrie, où les Guéant locaux ont réussi mieux qu’en France à contrôler l’immigration, on ne se prive pas de dénoncer en permanence les influences étrangères pour expliquer les disfonctionnements locaux.



Aucune société n’échappe à la tentation communautarisme. Quand les temps sont durs, la recherche de boucs émissaires protège les gouvernants, rassure les gouvernés, répond rapidement aux angoisses généralisées. On ne peut guère agir contre ces émotions spontanées. En revanche, l’action politique doit porter sur tous ceux qui donnent légitimité et respectabilité aux frayeurs crispées. Si l’antisémitisme est l’un des racismes les plus durables, c’est que pendant des siècles et des siècles, l’église catholique lui a donné l’appui d’une institution universelle. Aujourd’hui, la haine de l’étranger est consolidée de manière tout à fait délibérée par le Front national et par l’UMP qui prétendent lutter contre le communautarisme avec des arguments communautaristes.



Le combat pour la défense des immigrés, des sans-papiers, est nécessaire, mais il n’est pas une réponse à la fabrique de xénophobie. Ce qui est en jeu est une certaine conception de la société française contre une autre, une autre où il suffirait de pas grand-chose pour que je perde ma citoyenneté.

lundi 28 novembre 2011

brûler les dieux

Les flammes qui brûlent les Dieux déchus sont scandaleuses. Un feu de cheminée plaît davantage. On ne vient pas se réchauffer les mains aux flammèches qui courent sur un dépôt d'ordures. Plus impressionnants Jeanne d'Arc sur son bûcher, le Che dans la forêt bolivienne, Varlin agonisant, Connolly fusillé sur un fauteuil… Pendant 35 ans, j'ai été militant communiste actif. Admirable de dévouement. Pendant tout ce temps plus ou moins complice d'un des systèmes d'asservissement des peuples le plus cruel et le plus meurtrier. Quand je prononce ces paroles dans un salon, la gêne est palpable. Chez les anciens, naturellement, qui voudraient quand même conserver quelques bijoux de famille. Chez les néo, qui voudraient redonner vie à des rêves mobilisateurs. Je ne me sens pas coupable, au sens où un assassin aurait des remords d'avoir donné des coups de couteau pour tuer. Je n'ai tué personne. Je ne vais pas aller me dénoncer au commissariat ou à la Ligue des droits de l'homme ou à la commission Vérité et réconciliation des sorties d'enfer. Je m'acharne pour les mêmes raisons que Bertold Brecht : "Le ventre est toujours fécond d'où a surgi la bête immonde". Comment peux-tu comparer les deux systèmes? Je ne compare rien. Je dis seulement que l'un des deux systèmes, le système communiste s'est réalisé au nom des principes que je défendais, avec mon soutien, avec mon acceptation et mes justifications de ses pires dérives et qu'encore aujourd'hui, chez moi et dans le monde, on brandit ses drapeaux et ses outils. Désormais, ce ne sera plus en mon nom. Contre toutes les théories avant-gardistes léninistes jusqu'auboutistes lutte de classiste, je mène le combat. Contre tous les groupes auto désignés qui sont persuadés qu'en tirant sur les tiges, la récolte sera meilleure.
            L’extrémisme de gauche est minoritaire dans les démocraties parlementaires, mais il occupe une place idéologique et morale qui dépasse son influence réelle. Il dispose d’icônes mondialement reconnues, comme Che Guevara ou le sous-commandant Marcos. De la part de la gauche modérée et parlementaire, il provoque admiration ou « compréhension ». On peut rendre compte banalement de cette empathie : ceux qui sont contraints par leur responsabilité d’admettre les compromis, de renoncer aux ambitions de jeunesse, expriment ainsi leur nostalgie. On peut aussi aller plus loin et suggérer l’hypothèse d’une complicité diffuse pour les mouvements qui partagent avec les formations classiques l’exclusion et la protection des privilèges. Sympathiser avec les pauvres dans ce qu’ils ont de plus réactionnaires, conservateurs, primitifs, c’est s’assurer qu’ils ne viendront pas concurrencer les hommes blancs de cinquante ans sortant des Grandes Écoles. Piller les boutiques, incendier des voitures, on admet que le peuple puisse ainsi se révolter par l’émeute, mais s’il prend des responsabilités, on ricane de son accent et de ses chaussures comme on ricane d’une femme politique qui prend la parole sur l’estrade d’un meeting avec des talons hauts, qui va s’occuper des enfants ?  Sympathiser avec l’émeute est beaucoup moins coûteux que de renoncer à cumuler des mandats. 

dimanche 27 novembre 2011

mots

quand j'étais jeune, on me disait toujours la vérité. Puis j'ai mangé et j'ai vu, j'ai pris de l'estomac et mon visage devint rouge et violacé. Je me suis rendu compte alors que les gens me disaient n'importe quoi, qu'ils ne me disaient plus la vérité. Et j'ai compris pourquoi. On n'affranchit pas un rubicond.

jeudi 24 novembre 2011

droit de vote aux étrangers

Arno Klarsfeld, président de l'OFFII, refuse le droit de vote aux étrangers parce qu'une vague fondamentaliste traverse le monde musulman et que les intégristes pourraient ainsi présenter des listes aux élections municipales (Le monde, 24 novembre 2011). Naguère, des hommes s'opposaient au droit de vote des femmes parce qu'elles voteraient selon les conseils de leur confesseur et que la porte serait ainsi ouverte au pouvoir de l'église. D'une manière générale, le droit de vote est dangereux parce qu'on ne sait pas d'avance comment il sera utilisé et le plus sûr est de ne l'accorder qu'aux personnes dont est certain qu'elle voteront comme on le souhaite.

               Quant aux listes qui veulent faire coïncider citoyenneté et appartenance identitaire, elles existent déjà: elles sont présentées par le Front national. 

lundi 21 novembre 2011

viol

               Le scandale, dans le cas le plus récent de viol suivi d'assassinat, n'est pas la récidive, ou le viol, ou le meurtre. Une jeune fille violée dans les caves d'un HLM ne provoque pas de réunion d'urgence, car c'est normal: elle était en minijupe, les garçons en chaleur, pauvres, marginaux. Pas de réunion d'urgence. Le scandale, c'est que l'agression au eu lieu dans un établissement protestant, religion austère, un établissement privé, douze mille euros par an. Si ça se produit là, il n'y a plus de défense possible, ni la religion, ni l'appartenance à la bourgeoisie aisée et cultivée ne protègent.
               L'émotion est ainsi enracinée dans l'ignorance persistante des réalités statistiques. Dans 74% des cas, la victime connaît l'agresseur. 67% des viols sont commis au domicile de la victime ou de l'agresseur. Le violeur est majoritairement ni étranger, ni célibataire vivant seul. Il est généralement bien intégré dans la société, marié et père de famille. 57% des personnes condamnées sont de professions médicales ou paramédicales, enseignants ou pédagogues, cadres et militaires. (source: SOS femmes accueil).
               En Irlande, en Allemagne, aux États-Unis, en France, des milliers de viols ont été perpétrés par des prêtres sur des jeunes garçons ou des jeunes filles. Pas de réunion d'urgence à l'Elysée pour demander que les prêtres violeurs soient regroupés dans des centres fermés et pour qu'il devienne obligatoire de communiquer à l'évêque le casier judiciaire d'un nouveau curé. C'est pourtant ce qui a été tranquillement et calmement décidé, sans réunion de cabinet et sans déclaration du ministre de l'intérieur (et des cultes). Désormais, les cas d'agression sexuelle ne se règlent plus à l'intérieur des institutions religieuses, mais doivent être dénoncées et punies par la loi civile. Il semble que les prêtres craignent plus la justice des hommes que les châtiments divins, car le nombre d'agressions a depuis fortement baissé.

jeudi 17 novembre 2011

opposition et gouvernement

Quand François Hollande parle des enseignants, la droite parle de gaspillage, quand il parle des agences de notations, la droite hurle à la trahison. Quand il parle de la filière nucléaire, la droite parle d’abandon. Mélenchon ou Marine Le Pen critiquent le pouvoir en place de manière beaucoup plus virulente, mais personne à droite ne parle de trahison, de désertion, d’abandon… où est la différence ?

            C’est que les discours de François Hollande ont déjà des effets politiques alors que tout semble échapper au pouvoir régnant. D’où cette impression bizarre d’avoir des gouvernants qui critiquent le candidat socialiste comme s’il était déjà au pouvoir.

            Rappelons donc que la droite est installée depuis dix ans, qu’elle gouvernera jusqu’au printemps prochain et que d’ici là, l’opposition reste l’opposition. 

lundi 14 novembre 2011

bourreaux et assistantes sociales

Dès que les porteurs de terreur nationalistes sont emprisonnés, ils deviennent des militants humanitaires. Ils demandent de bonnes conditions d’incarcération, le rapprochement des prisonniers de leur famille, et voici la dernière exigence : la libération des détenus malades. Malades de l’ETA, pas malades d’homicide ou malades d’agression de tous ordres, malades d’amour pour la patrie seulement.

            Quand ils étaient derrière leur mitraillette ou les mains dans la dynamite, on leur demandait d’épargner les femmes, les mères de famille, les enfants, les vieillards, les handicapés, les cancéreux, les Alzheimer, les Parkinson. En vain.

            Mais il ne faut jamais désespérer, il n’est jamais trop tard. Les bourreaux peuvent se transformer en assistantes sociales.  

dimanche 13 novembre 2011

rectificatif

Rectificatif :

            1. Les Auxiliatrices du Purgatoire ne sont pas un ordre, mais  une congrégation. Un ordre est une communauté religieuse placée directement sous l’autorité du Vatican : les Jésuites, les Dominicains forment un Ordre. Les congrégations, comme les Auxiliatrices du Purgatoire, sont placées sous l’autorité d’un évêque. Hiérarchiquement, un Ordre est donc plus important qu’une congrégation. On  le voit d’ailleurs aisément dans le langage courant. Si vous dites à votre enfant : tu vas ranger ta chambre, c’est un ordre, il rangera sa chambre. Alors que si vous lui dites : tu vas ranger ta chambre, c’est une congrégation, observez sa réaction.
           
            2. Les embouteillages des âmes dans le Purgatoire et l’affreuse promiscuité qui en résulte ne sont pas dus à l’allongement de la vie, mais à deux facteurs distincts. Le premier concerne l’augmentation de la population terrestre, qui dépasse désormais les sept milliards d’humains. Le second concerne la diminution non moins rapide de l’attachement religieux constaté partout. Non seulement il y a plus d’âmes, mais la proportion des âmes qui passeront par le Purgatoire croît d’autant plus que les gens ne croient plus. 

samedi 12 novembre 2011

où est la gauche?

            Serge Halimi, dans le Monde diplomatique de novembre 2011 se pose la question « où est la gauche ? » et constate sa disparition. En Europe, dit Halimi, la gauche est la gauche le temps d’une campagne électorale et ensuite elle gouverne dans l’intérêt des plus riches. Là où la gauche modérée est au pouvoir, Grève, Portugal, Espagne, elle a affronté ses cortèges d’indignés. Le continent qui a vu naître le syndicalisme, le socialisme et le communisme se résigne à leur effacement. Dans ces conditions, même si la gauche arrive au pouvoir, elle ne fera pas mieux qu’en Grèce, Portugal, Espagne. Serge Halimi conclut qu’une défaite peut avoir des vertus pédagogiques. La gauche ne se retrouve plus que dans les cortèges des « indignés » qui « se mobilisent sans savoir où les conduira leur colère ».

            Les convictions de Serge Halimi ne datent pas d’aujourd’hui. Avec constance, il méne campagne contre la gauche modérée, a soutenu les expériences les plus radicales en Amérique latine, milité pour le refus d’une Europe capable de se gouverner (à quoi bon, puisque la gauche n’est plus la gauche).

            Cette persistance est un fond de commerce qui ne se quitte pas si facilement. La résignation aveugle et empêche de voir les changements. Dans les trente dernières années, le monde a vu l’effondrement des dictatures communistes. Depuis le retour d’une économie de marché, des régimes parlementaires, une gauche nostalgique ne sait plus que se lamenter sur la perte des taudis à loyer modéré et des carences chroniques.  Les pays d’Amérique latine se sont débarrassées les uns après les autres de leur dictature, et à l’exception de Cuba, ont installé des régimes qui sortent les peuples du sous-développement et de la misère. En Inde et en Chine, par dizaines de millions, des hommes et des femmes quittent les cloaques et les bidonvilles. Quatre pays d’Europe, Irlande, Portugal, Grèce, Espagne, étaient des poches de misère, d’émigration, de dictature et de sous-développement, ils se sont laïcisés, démocratisés, développés. Leurs graves difficultés actuelles n’effacent pas le passé. Quant aux changements dans les pays arabes, comptons sur le Monde diplomatique pour repérer dans les dix années qui viennent tous les problèmes sociaux et économiques que leur intégration dans une économie de marché n’aura pas résolu.

            Sous la pression de la gauche, dans tous les pays européens, s’est mis en place un système de redistribution, de protection sociale, qui prélève la moitié du produit national dans les dépenses publiques. La droite considère que ces dépenses sont la cause première des déficits budgétaires. La gauche considère que les injustices et les privilèges coûtent plus cher au pays que la solidarité. C’est une bataille qui se mène tous les jours, et qui se mène plus facilement quand la gauche est au pouvoir. Elle se mène sans doute dans les cortèges des indignés, qui à mon humble avis, savent mieux que Serge Halimi où les conduit leur colère, car ils parlent métiers, emploi, logement, avenir, protection sociale. Elle se mène dans les lieux où la gauche est présente dans les conseils, les villes, les régions, les parlements, les associations, elle obtient des résultats et subit des défaites, elle se bat. Elle ne se mène plus au Monde diplomatique où Serge Halimi se résigne à son effacement  et trouve des vertus pédagogiques à sa défaite.  C’est ce qu’on appelait naguère le défaitisme révolutionnaire.

             

vendredi 11 novembre 2011

Purgatoire

            Dieu sait si je ne veux offenser personne je n’aimerais pas que sous mes fenêtres, dans mon jardin, sous les branches du pêcher, des manifestants brandissent des banderoles me dénonçant comme blasphémateur. Je n’ai jamais de ma vie été blasphémateur et ce n’est pas à mon âge que je vais commencer une carrière de blasphémateur. D’ailleurs, on ne peut blasphémer que dans son propre jardin, on ne peut pas blasphémer dans le jardin des autres. Donc, même si j’essayais…

            Donc, ce que je décris ici est la retranscription tranquille d’une réalité. Dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, Marie de la Providence a fondé un ordre qui se nomme les Auxiliatrices du Purgatoire, dont le siège, La Barouillère, est à Paris, pas loin de la Tour Montparnasse. Du jardin de l’ordre, on voit la Tour Montparnasse, monument familier depuis que je pratique la ligne Paris Biarritz. Je ne sais pas si on voit les jardins de l’Ordre du haut de la Tour, mais normalement, si l’image passe dans un sens, elle doit passer dans l’autre.

            Cet ordre a pour fonction de prier pour raccourcir le séjour des âmes envoyées au purgatoire par le tribunal suprême. Cette création fut prémonitoire. En effet, la durée de vie sur terre se prolongeant d’un trimestre tous les quatre ans, ou un truc comme ça, cet allongement de vie a des effets sur les budgets de sécurité sociale, mais on ne parle pas des embouteillages que cette évolution provoque en aval. Plus on vit sur terre, plus se prolonge la durée de séjour au purgatoire. On a beau construire et construire des purgatoires nouveaux, les âmes envoyées au purgatoire sont désormais plusieurs par alvéole et certaines reposent à même le sol. Marie de la Providence a donc créé un ordre qui d’une part, sur terre, reçoit des personnes âgées, et d’autre part, prie pour raccourcir le séjour des âmes en purgatoire.

            Si une personne invente pour des besoins de création littéraire ceci : Marie de la Providence a créé l’ordre des Auxiliatrices du Purgatoire dont le siège est la Barouillère, ce pourrait être considéré comme un blasphème. Mais si une autre personne retranscrit la réalité toute simple : Marie de la Providence a créé l’Ordre des Auxiliatrices du Purgatoire dont le siège est la Barouillère, alors ce n’est pas un blasphème.


jeudi 10 novembre 2011

élections

Les élections présidentielles et législatives s'approchent. Portée par les sondages, la gauche se prépare à gouverner et la droite fait l'impossible pour lui barrer la route.

            L'euphorie risque de nous faire oublier les obstacles. D'abord le retour en force de l'illusion protectionniste qui donne de nouvelles couleurs à l'extrême-droite. Le Front national parle moins des immigrés et plus du retrait de l'euro, de l'Europe et de la fermeture des frontières. Il attaque la finance, les banques, défend les pauvres et les victimes de la spéculation boursière. Il abandonne le terrain de la sécurité et de l'immigration à la droite classique qui lui déroule ainsi un tapis. Le Front national ratisse large et rien ne nous garantit contre une présence de Marine Le Pen au second tour.

            Nous ne devons pas perdre de vue cette éventualité. Pour battre Nicolas Sarkozy, il faut aussi mener le combat contre l'extrême-droite.  


(communiqué par Maurice Goldring -http://mauricegoldring.blogspot.com/- et Jean Rony)

vendredi 4 novembre 2011

démocratie

            En Tunisie et en Lybie se dessine l'avenir d'une société dominée par les valeurs de l'Islam, avec l'assentiment majoritaire des peuples. L'Occident accepte mal cette évolution. Les démocraties occidentales ont salué les soulèvements qui semblaient se faire au nom des règles démocratiques universelles. Une fois la victoire obtenue, oublié l'universel, retour à la religion et à la charia. La déception est grande.

            Les réactions se déclinent sur le modèle suivant: nous n'aimons pas trop, même pas du tout, mais c'est la démocratie, puisque c'est la majorité qui décide. Si les possibilités d'intervention sont minces, il nous reste le droit de refuser à une telle évolution le label. Un Etat auquel on appose un adjectif n'est pas démocratique même s'il a été élu par une majorité. Une République est une république point. Si elle est populaire, socialiste, nationale, musulmane, catholique, protestante, elle n'est pas une démocratie, parce que qu'elle exclut de la communauté nationale ceux qui ne partagent pas les croyances majoritaires.

            Pendant une centaine d'année, un État  élu par une majorité protestante en Irlande du Nord s'affirmait démocratique parce qu'il était élu par une majorité. Il ne l'était pas parce que les catholiques de Belfast étaient des citoyens de seconde zone du fait de leur appartenance religieuse. Les emplois, les carrières publiques et privées, étaient réservées d'abord aux protestants. Dans ces conditions, il s'agissait de la domination d'une majorité sur une minorité. La République d'Irlande se voulait non moins démocratique, mais elle abandonnait les services publics essentiels: santé et éducation, aux mains de la hiérarchie catholique, elle imposait à tous les valeurs d'une église: divorce interdit, contraception illégale, IVG criminalisé. Ceux qui ne partageaient pas ces valeurs étaient des étrangers dans leur pays.

            La différence avec les pays arabes est que personne n'aurait utilisé le terme de démocratie pour caractériser ces sociétés théocratiques et que ce refus a été l'un des facteurs des évolutions dans ce territoire d'Europe. Le regard critique du monde a aidé à une évolution heureuse vers la laïcité. Les pays arabes ne méritent ni plus ni moins.


mercredi 2 novembre 2011

immigration pauvre

               D'où vient la délinquance? De l'immigration pauvre. Telle est la fulgurante intuition d'Arno Klarsfeld, président de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ( Le monde daté 1 nov 11). Il donne des exemples: les Irlandais aux États-Unis sont arrivés pauvres, ils étaient des voyous, puis quand ils se sont intégrés, sont devenus policiers. En Israël, l'immigration marocaine était pauvre, la délinquance était marocaine. Puis l'immigration pauvre fut russe et la délinquance  a été russe.
               Comme toujours le bon sens, les évidences, sont autant de preuves. Il fut un temps évident et de bon sens de remarquer que la terre était une galette. Or, que voyons-nous? Des mendiants qui viennent d'Europe centrale, preuve évidente, une prostitution venue d'Afrique, témoignage irréfutable, des vendeurs de cigarettes et de drogues venus d'Afrique du Nord, preuve, rapport incontestable, les voleurs dans le métro sont surtout roms,  expérience confirmée.  Donc le lien entre immigration pauvre et délinquance est établi.
               Contre-expérience: l'immigration riche n'est pas source de délinquance. Par exemple, les riches exilés qui s'installent en Irlande ou en Suisse pour échapper à l'impôt jamais ne mendient dans les rues de Dublin ou de Genève, jamais ils ne vendent des contrefaçons de produits Chanel ou Vuitton. D'une manière générale, les riches sont plus honnêtes que les pauvres, quand ils sont invités par des marchands d'armes ou des trafiquants, ils volent rarement l'argenterie alors que Jean Valjean vole les chandeliers de Monseigneur Bienvenu.
               La clairvoyance du nouveau directeur de l'OFII démontre que sa nomination était pleinement justifiée.
               Pour le prochain office français de lutte contre la bêtise (OFLB), il faudrait une nomination aussi parfaite, un directeur qui saura dire avec autant de lucidité: voici d'où vient la connerie.



mardi 25 octobre 2011

Gaby Mouesca

Lucidité de Gaby Mouesca

    Gaby Mouesca, ancien leader de l’organisation terroriste Iparretarrak, jugé et condamné, n’est pas content du cessez-le-feu de l’ETA. Il « ne vit pas ce moment dans la joie ». Nous avons utilisé les armes « en toute légitimité » et les raisons qui ont conduit à ce que ce pays soit la terre d’un conflit dur n’ont pas disparu. Le droit à l’autodétermination du Pays basque n’est pas reconnu par l’État français. Il faut redonner la parole au peuple Pays basque. Il faut une « institution autonomique qui permettrait un lien institutionnel avec ce que sera le Pays basque sud ».

     Cet entretien dans Sud-Ouest du 25 octobre est d’une grande lucidité : Pour Gaby Mouesca, l’ETA a tort de déposer les armes puisque les raisons de se battre subsistent.  Dans le stade d’Eden Park, à Auckland, tout seul sur la pelouse, il continue de courir et de marquer des essais. 

lundi 24 octobre 2011

ETA

            Samedi 22 octobre 2011. « ETA a décidé l'arrêt définitif de son activité armée. » ETA n’a atteint aucun de ses objectifs, le Pays basque n’est pas réunifié, il n’est pas indépendant. Ses chefs vont continuer à lutter pour les mêmes objectifs par des moyens excluant la terreur. Après avoir utilisé les balles dans la tête, les voitures piégées, les kidnappings et le racket, ils vont essayer le bulletin de vote. Pas un mot de regret pour les victimes, les leurs et les nôtres. Des leçons sur les droits de l’homme et la démocratie de la part de ceux pour qui le seul droit des hommes était d’être terrorisé et la seule démocratie reconnue, la servilité devant la violence minoritaire.

            La déclaration de l’ETA aurait pu être faite au lendemain de la mort de Franco, en 1975. Huit cents morts et trente cinq années de terreur pour rien.

            Pour ceux qui luttent depuis quarante ans contre le terrorisme, le renoncement aux armes de l’ETA est  d’abord la victoire de la démocratie la victoire de la volonté des citoyens de ne jamais baisser la tête, la victoire de la détermination des institutions démocratiques, la victoire de la coopération  politique et policière de deux démocraties, France et Espagne.

            Pour la suite, espérons que les cagoules ne seront pas remplacées par des œillères. 

vendredi 21 octobre 2011

Cessez le feu

            L'ETA dépose les armes. Ils ont du mal à tirer le rideau. Comme les vieux acteurs qui ne se résignent pas à prendre congé, ils reviennent sur scène une dernière fois, puis encore une dernière fois. Ils viennent annoncer qu'ils déposent les armes, qu'ils renoncent à la lutte armée, que la guerre est finie, qu'ils se soumettent aux règles démocratiques. On les applaudit. Ils reviennent pour dire qu'ils se soumettent à des commissions d'enquête. On les applaudit. Ils reviennent dire que les combats ne reprendront plus. Applaudissements. Mais c'est plus fort qu'eux, ils gardent leur costume de scène.

            L'ETA dépose les armes, pas les cagoules.

jeudi 20 octobre 2011

conseil de quartier

            Réunion du conseil de quartier rue Pierre Budin jeudi 20 octobre 2011, 19 heures 30. Le préau d'école est plein. L'atmosphère est surchauffée. Le récit d'incidents et d'agressions se déroule en flux tendu, c'est de pire en pire, les gens qui vivent depuis longtemps confirment, les jeunes qui arrivent vont péter les plombs, il va y avoir une insurrection de la population, tout se répète et rien ne se fait. Dans l'ordre et dans le désordre: l'épanchement d'urine sur la voie publique, les prostituées qui parlent fort sous les fenêtres, les ventes à la sauvette qui empêchent la circulation des piétons. Et curieusement, la drogue, du point de vue des inquiétudes et des interventions vient en dernière position.

            "En face", les juges et les commissaires, les élus, sont à la peine. Ils expliquent les efforts, les arrestations, les préventions, on ne les écoute pas. Les gens dans la salle, près de deux cents personnes, population mêlée, des foulards et des couleurs, ils disent tous, ils crient tous la même chose. Dans les autres quartiers de Paris, on ne tolérerait pas une telle situation.

            Comment réagir? Premièrement, prendre ces cris de détresse comme le refus que le quartier se transforme en ghetto à l'abandon. Le pire dans les endroits déshérités, ce n'est pas quand les habitants crient, c'est quand ils déménagent sans bruit. Dans le préau de l'école, personne ne parlait de partir. Au contraire, il y avait de jeunes nouveaux arrivants et ils n'étaient pas les moins véhéments. C'est ici qu'ils veulent vivre. Ils ne sont pas désespérés, ils sont en colère.

            Deuxièmement, sur toutes les difficultés que connait le quartier, les interventions sont permanentes: aide aux jeunes scolaires, en difficulté, accueil et prévention dans le champ des drogues, emploi, santé. On n'imagine pas un instant que de temps en temps, deux ou trois par semaine, des brigades viennent distribuer des seringues aux usagers de drogue, donner des soutiens scolaires, accueillir les jeunes en difficulté, de "temps en temps". Le tout se réalise en permanence, avec des succès et des échecs, mais tous les jours, du matin jusqu'au soir. Dans le domaine de l'occupation illicite de l'espace public, l'espace qui permet de se déplacer, de faire des courses, de se promener, d'aller prendre un bus ou un métro, les interventions se font "de temps en temps". Comment voulez-vous que ça marche?

            Non seulement ça ne marche pas, mais cet échec visible, spectaculaire, démoralisant, rend inaudibles et invisibles tous les efforts de centaines de professionnels de la santé, de la sécurité, de l'éducation, de la prévention. Oui, les fonds publics s'investissent beaucoup dans notre quartier et avec des résultats.  Oui, les taudis laissent place à des immeubles neufs. Oui, médiathèque, centre Barbara, crèches…L'effort financier pour des patrouilles de police permanentes serait, en regard, léger. Et nécessaire. Parce que ce n'est pas de temps en temps que les habitants prennent le métro, vont accompagner les enfants à l'école, faire leurs courses, c'et tous les jours, du matin jusqu'au soir. 

jeudi 20 octobre

               Mes amis me disent tu es triste, et je dois immédiatement leur dire pourquoi, quelle raison, quelle tumeur ou quel détresse. Si je n'ai ni tumeur ni détresse, comment leur répondre?

               Le livre sur l'Irlande aux éditions La Découverte va partir à la fabrication. Je comptais en plus me rendre intéressant dans les prochaines semaines par une opération visant à me libérer d'une lancinante sciatique, mais fâcheusement, la douleur s'est atténuée, et nous nous sommes mis d'accord, mon chirurgien et moi, pour  renoncer à cette intervention. Je ne peux pas vous donner le nom de mon chirurgien car je suis tenu au secret médical. Même l'hôpital, si je vous dis que son nom commence par B, j'aurais des ennuis avec l'Ordre des Malades.

               De nombreuses personnes vont mal pour des raisons objectives: manque d'argent, relations familiales pourries, échecs amoureux, travail sans joie, source d'angoisse quand il y en a, et source de dépression quand il n'y en a pas. Les suicides de salariés dépassent en nombre les suicides des chômeurs. Sans compter les femmes au foyer qui ne sont ni chômeuses ni salariées et qui dépriment plus que tous. Et les parents qui dépriment parce qu'ils n'ont pas d'enfant et ceux qui dépriment parce qu'ils en ont. Souvent, les enfants vont mal et les parents c'est encore pire et quand ça va mal des deux côtés, qu'on n'a pas d'argent, pas d'amour ou trop, pas de travail ou un travail, vous imaginez.

               Or, sur tous ces points, aucune difficulté. Je traverse un monde en gésine sans aucun problème. Mes parents sont morts paisiblement d'une crise cardiaque. Les enfants vont bien ou semblent. Je ne suis ni chômeur ni salarié dans un endroit en perdition. Mes amours surfent. Je n'ai pas d'ennui d'argent. Mes amis sont fidèles et vivants, sauf quelques disparus non remplacés.

               Ils insistent. Voici la réponse. Dans un monde d'injustices, de malheurs, promener une gueule apaisée sur les sentiers douaniers témoigne d'une odieuse insensibilité. Ces béatitudes dans les couloirs des couvents et des monastères, ces sportifs du matin dans les parcs, ces supporters au retour d'une victoire, m'insupportent. La réponse est donc simple: je vais mal parce que je vais bien.

lundi 17 octobre 2011

si j'étais

               Si j'étais mort le 14 juillet 1790, j'aurais emporté dans la tombe l'image d'une foule en liesse au Champ de Mars, d'un peuple réconcilié, des privilèges qui tombent. Si j'étais mort au mois de mars 1871, j'aurais eu la poitrine gonflée de projets démocratiques, de Bastilles détruites, d'écoles en fleurs et  d'assemblées inventives. Si j'étais mort en octobre 1917, mon dernier regard eût été pour le tsarisme russe en fuite, la montée du peuple révolutionnaire, les soviets partout et l'injustice nulle part. Si j'étais mort en 1949, j'aurais salué la victoire de Mao contre les impérialistes et les réactionnaires. Si j'étais mort le 31 décembre 1958, j'aurais été comblé de la fuite de Batista, du succès de l'insurrection populaire de Fidel Castro. Dans tous les cas, je serais mort le sourire aux lèvres.
               Si l'on souhaite prendre un congé final extatique, il est conseillé de mourir les premiers jours des grands chamboulements. 

si j'étais

               Si j'étais mort le 14 juillet 1790, j'aurais emporté dans la tombe l'image d'une foule en liesse au Champ de Mars, d'un peuple réconcilié, des privilèges qui tombent. Si j'étais mort au mois de mars 1871, j'aurais eu la poitrine gonflée de projets démocratiques, de Bastilles détruites, d'écoles en fleurs et  d'assemblées inventives. Si j'étais mort en octobre 1917, mon dernier regard eût été pour le tsarisme russe en fuite, la montée du peuple révolutionnaire, les soviets partout et l'injustice nulle part. Si j'étais mort en 1949, j'aurais salué la victoire de Mao contre les impérialistes et les réactionnaires. Si j'étais mort le 31 décembre 1958, j'aurais été comblé de la fuite de Batista, du succès de l'insurrection populaire de Fidel Castro. Dans tous les cas, je serai mort le sourire aux lèvres.
               Si l'on souhaite prendre un congé final extatique, il est conseillé de mourir les premiers jours de l'Apocalypse. Pour le bien des peuples, il vaut mieux que les morts soient tristes. 

mercredi 12 octobre 2011

débat

Mercredi 12 octobre 2011 : L’un et l’autre. L’une et l’autre. Le ou la future candidate socialiste aux présidentielles ont refusé les exigences de Montebourg. Bonne nouvelle.



mardi 11 octobre 2011

Sixième ou quatrième?

6ème ou 4ème ?




            Le projet du PS a été adopté à l’unanimité. Il n’y avait pas dans ce projet de démondialisation, de protectionnisme, de refus de l’Europe de Lisbonne. Pour les primaires, Arnaud Montebourg s’en est écarté, mais les résultats sont sans appel : par 83% des voix, les électeurs ont apporté leur appui aux candidats qui respectaient le projet socialiste. Majorité, minorité. En démocratie, la majorité l’emporte. Déjà, Montebourg avait voté non au projet de constitution européenne. Ce n’est pas encore une habitude, c’est déjà une manie.

            17% qui suivent le candidat Montebourg dans ses écarts, ce n’est pas rien. Mais c’est la minorité.

            Dans le parlement des années cinquante, l’influence des partis minoritaires dépassait largement leur score électoral. Les alliances se faisaient et se défaisaient sans principe.
           
            En présentant aujourd’hui des « exigences » au nom de sa défaite, Montebourg nous ramène aux pires moments de cette période, où des accords de sommet défaisaient régulièrement les résultats des élections. Champion d’une sixième république, ou nostalgique de la Quatrième ?

            Il faut refuser ces exigences qui nous mènent à l’échec. Un groupe de gauche minoritaire à l’assemblée mené par Montebourg et Mélenchon nous promet de belles joutes oratoires. Le peuple de gauche a d’autres rêves.




dimanche 9 octobre 2011

primaires

            En France, la phrase révolutionnaire nous fait du tort car elle donne l’impression qu’il suffit de demander la lune pour qu’elle soit déjà décrochée. Plus l’on crie, plus on demande, plus on obtient. J’ai longtemps fait partie de ceux qui criaient plus fort et plus à gauche que tout le monde et à qui l’intensité des cris et la radicalité des revendications valaient brevet  d’engagement exemplaire. Dans les usines, on parlait souvent de « grèves dures » sans se poser la question de savoir pour qui ces grèves étaient dures. Les grèves des mineurs anglais sous Margaret Thatcher ont été particulièrement dures pour les mineurs : licenciements et déroute syndicale, démoralisation, divisions. Le bilan fut amer. Ce furent des grèves dures, très dures.

            Si l’on mesure l’intensité de l’engagement aux résultats obtenus, le bilan est pour le moins contrasté. La protection sociale de santé et les assurances vieillesse se sont mises en place en Allemagne en 1883, en Autriche en 1888, au Danemark en 1891, en Belgique en 1894, en Grande-Bretagne en 1942 et en France en 1945. Les femmes ont obtenu le droit de vote en Nouvelle-Zélande en 1893, en Finlande en 1901, au Canada en 1916, en Grande-Bretagne en 1918. En France en 1945. Pour qui la gauche était-elle dure ? Je ne parle pas évidemment des pays où la gauche la plus dure a pris le pouvoir…

            Cette semaine nous allons choisir. Certainement pas entre gauche dure et gauche molle. Les deux candidats ont complètement assimilé les leçons de l’histoire et les alliances municipales de Martine Aubry montrent qu’elle est complètement engagée dans le pragmatisme réformiste. Mais voilà que les électeurs lui imposent, pour gagner, de s’allier avec le héraut de la phrase révolutionnaire. Qui a une logique : il a voté non au référendum européen, il continue sa campagne en demandant la démondialisation. Nous savons tous que l’une des tâches qui attend un gouvernement de gauche dans l’éventualité d’une victoire en 2012 sera de reconstituer des règles européennes et mondiales qui seules pourront réguler le capital financier et spéculatif. Il ne s’agira pas de démondialiser, mais au contraire de mondialiser davantage le marché, la protection sociale, les règles démocratiques.

            Devinez pour qui je vote dimanche prochain. 

vendredi 7 octobre 2011

le monde nous regarde

Projet d'édito pour alter EGO

            Trois rapports viennent d'être publiés en cette fin d'année 2011: Le premier est issu de la Commission mondiale sur la politique des drogues (Global Commission on Drug Policy). Plusieurs personnalités ayant participé à l'élaboration de ce rapport, dont des anciens présidents latino-américains, préconisent une dépénalisation des drogues et une légalisation du cannabis. La guerre contre les drogues a été perdue, il faut une autre politique. Le second sous la direction de Martin Hirsch demande une protection sociale universelle. Il démontre avec de solides arguments que la solidarité avec les plus pauvres n'est pas seulement une exigence humanitaire, elle est économiquement rentable, l'une des conditions du développement pour un pays et pour l'ensemble de l'humanité. Le troisième rapport, sous la direction de Gilles Kepel (Banlieue de la République), étudie l'évolution de l'islam dans les banlieues françaises. La montée réelle des pratiques religieuse est mise en rapport avec la discrimination et la ghettoisation de certains quartiers. Pour la population qui y vit, la religion devient un moyen privilégié de survie et d'organisation sociale.
            En quoi ces trois rapports intéressent-ils notre activité à EGO?
            Ils portent sur notre quotidien: drogues, misère, dérives, discriminations…Nous savons que les graves difficultés que rencontrent les usagers peuvent être utilisées pour nourrir les peurs, les préjugés. Elles peuvent être utilisée pour stigmatiser les politiques d'aide sociale. Les politiques de solidarité sont dénoncées comme des invitations au déferlement de la misère du monde. Les réductions des risques sont accusées d'encourager la consommation sans limite. Les actions contre les discriminations deviennent des armes données aux ennemis de notre civilisation. La peur des drogues, la peur des pauvres, la peur des différences, deviennent des moyens de gouverner.
            Les trois rapports montrent le contraire. Ils montrent que ces sujets peuvent aussi être traités comme des sujets de réflexion, de recherche, d'intelligence durable, porteurs de solutions à long terme.
            Pour une institution comme la nôtre, qui fonctionne sous les regards du sensationnel, sous l'incompréhension parfois, avec un soutien et une sympathie construite lentement, patiemment, ces trois rapports sont précieux. Ils indiquent que des chercheurs, des hommes d'état, des institutions internationales nous regardent et nous disent: ce que vous faites est utile pour l'ensemble de la société. Continuez.


jeudi 29 septembre 2011

festival latino

    Leonardo Padura, (L’homme qui aimait les chiens) rencontres littéraires festival latino Biarritz septembre 2011. Le marché comme liberté de l’écrivain. Quand il déposait un manuscrit à Cuba, il était lu par un fonctionnaire qui cherchait dans son texte ce qui était favorable ou  dangereux pour la carrière du fonctionnaire. Quand il envoyait son manuscrit à un éditeur espagnol, un lecteur cherchait dans son texte des qualités d’écriture et les ventes possibles. Bien entendu, le marché, c’est aussi des livres qui pourrissent dans les invendus, ou les manuscrits non publiés. Mais tout compte fait…En tout cas, Padura préfère le marché.

    Un docu-fiction sur les mères de la place de Mai en Argentine. Je regarde et je pleure. Je pleure de quoi ? Je pleure aussi parce que les mères de la place de Mai en Argentine ont pu mener campagne et obtenir des résultats, pendant la dictature des généraux. Les épouses de juifs emprisonnés, sous le régime nazi, ont pu manifester et obtenir la libération de leur époux. Il y a un endroit où de telles manifestations étaient impensables, impossibles : à Moscou, sous Staline. 

dimanche 25 septembre 2011

CAR

Le groupe CAR (du communisme au réformisme) comprend une dizaine d’anciens membres ou sympathisants du PCF qui se sont éloignés ou en ont été exclus et se sont rapprochés des courants réformistes de la société française. Il avait été formé en toute fin du XXème siècle  pour peser sur les orientations du parti socialiste et mettre en garde inlassablement contre les discours et les postures post-révolutionnaires au sein de ce parti. Dans ce but, il avait été reçu par le premier secrétaire de l’époque, François Hollande, qui nous avait vivement encouragés. Le CAR a été intégré dans la Fondation Jaurès grâce à Pierre Mauroy qui croyait que le groupe allait peser à gauche et représenter la classe ouvrière au sein de la Fondation. Malgré sa déception, il a permis que le CAR tienne des réunions régulières à la Cité Malesherbes. Les textes de nos interventions peuvent encore se visiter en ligne sur le site de la Fondation Jaurès. Certaines ont donné lieu à des tribunes dans les journaux.

            Aujourd’hui, la mission a été accomplie avec succès. Les courants de rupture se sont détachés du PS et cherchent à recomposer une nouvelle famille de preux chevaliers  avec ce qu’il reste de communistes. Front de gauche à la poursuite du Graal, Don Quichotte inventeurs de moulins à vent. Mais pour l’essentiel, à l’intérieur du PS, le Congrès de Tours est désormais achevé.

            Dans ces conditions, l’intervention du CAR ne correspond plus à des nécessités politiques et ses membres ont décidé de mettre en harmonie l’organisation et la pratique, donc de dissoudre l’organisation. Le CAR n’existe plus. Il reste un groupe d’amis qui ont en commun une  histoire, une expérience et se rencontrent chez les uns et chez les autres pour affuter leurs arguments lorsque les petits-enfants leur demandent de les accompagner à le fête de l’Humanité

vendredi 23 septembre 2011

scandales

méfions-nous des grandes manoeuvres et ne nous fixons pas sur les scandales. si la droite est de plus en plus certaine que Sarkozy sera battu en 2012, elle est tout à fait capable de choisir un autre homme, honnête, neuf, etc...pas mêlé aux scandales. et donc de faire couler le président actuel.

jeudi 22 septembre 2011

primaires socialistes

Primaires 22 septembre 2011

       Six candidats. Ils ont tous signé le projet socialiste et expriment des orientations différentes. Premier résultat des primaires: le retour des discussions politiques. Sauf surprise, le second tour, s'il y a second tour, mettra face à face François Hollande et Martine Aubry. Souhaitons que le choix se fasse sur leurs orientations politiques.
La crise et l'arrogance de la droite au pouvoir créent un terrain favorable aux discours de la radicalité. Sortir de l'euro, démondialiser. Fascination pour Chavez, pour le mouvement des indignés, les révoltes…Le PS n'échappe pas à la tentation de l'outrance, aux discours apocalyptiques qui décrivent des situations de galère réelle, douloureuse et insupportables et les présentent comme l'état de la société toute entière. En ne pointant que les situations extrêmes, le PS risque de rejeter en dehors de son influence la majorité du peuple qui ne partage pas les galères les plus sévères.
Ces discours sont possibles d'abord parce que les millions de personnes qui vivent chez dans des situations d'une extrême sévérité ne sont jamais présentes dans nos réunions, car elles ne s'intéressent pas à la politique, elles sont tout simplement dans la survie: un travail, un logement, des soins accessibles… Le personnel du PS, nous le savons, est composé de la fraction de la population relativement privilégiée: élus ou aspirants. Une partie de ces militants compense un sentiment diffus de culpabilité par la compassion ou le soutien des révoltes sans avenir. C'est plus facile qu'un effort pour intégrer dans les rangs du PS les catégories qui en sont actuellement exclues. Bien entendu, un parti de gauche n'est plus de gauche s'il ne considère pas les urgences comme des problèmes politiques pour toute la société. Mais cela passe , non par la compassion et la fascination pour les colères sans lendemain. Cela passe par un travail d'intégration dans le PS de ceux qui en sont actuellement exclus. Cela passe par une attention et un respect soutenu pour tous les personnels qui sont à l'interface entre la galère et le corps social: les éducateurs, les personnels de santé, les militants associatifs, les syndicalistes, etc. Tous ces gens qui ne vont pas "visiter" les pauvres, mais œuvrent à les tirer vers le haut.
       Cette fascination conduit à un été de sidération devant les surenchères de la gauche radicale. La gauche extrême n'est pas critiquable parce qu'elle demande l'impossible, mais parce qu'elle déprécie et méprise le possible. Un migrant qui obtient des papiers ne l'intéresse pas. Une famille modeste qui obtient un logement social est moins intéressante que les SDF parce qu'elle échappe aux discours d'apocalypse. Elle aime les révoltes et se méfie des succès électoraux. L'alliance de toute la gauche doit se réaliser sur un projet qui ne fera pas fuir un électorat dont nous avons besoin pour faire une majorité. Ce qui suppose un dialogue sans concession avec la gauche extrême. Or que voyons-nous? Un Front de gauche et le NPA qui passe leur temps à taper sur la gauche réformiste, à les accuser d'être des affameurs du peuple, des criminels, des suppôts du capitalisme et la "réponse" d'une partie des responsables socialistes est d'aller faire la bise à Jean-Luc Mélenchon qui se rengorge et se félicite que "certains" socialistes rejoignent ses positions. C'est ça un dialogue sans concession? Benoit Hamon, responsable de la campagne de Martine Aubry, ne répugne jamais à se trouver sur les mêmes tribunes que Mélenchon et Besancenot, pas pour défendre le programme du PS, mais pour crier ensemble contre Sarkozy. Et je n'arrive pas, malgré tous mes efforts, à oublier que Laurent Fabius a mené campagne pour le non au traité européen contre l'avis majoritaire de son parti. La tradition de ce dialogue sans concession, condition de la victoire, passe dans le PS par François Mitterrand, par Lionel Jospin et aujourd'hui par François Hollande. 

mardi 20 septembre 2011

salut au drapeau

Bonne idée que ce salut au drapeau. Je propose que tous les propriétaires de capitaux qui fuient l'impôt national soient contraints de saluer le drapeau en jurant de payer leurs impôts à la nation.

samedi 17 septembre 2011

en rues libres

            Pendant vingt ans, des critiques venant de la droite, de l'extrême-droite et de l'extrême radicalité laïque ont stigmatisé les musulmans qui priaient dans la rue. Pendant vingt ans, la gauche socialiste, les progressistes, les antiracistes naïfs ou généreux, réclamaient un lieu de culte comme solution aux prières dans la rue. Daniel Vaillant a suggéré des casernes désaffectées. Claude Guéant, le ministre des rues envahies, s'est frappé le front, mais c'est bien sûr, comment n'y ai-je pas pensé plus tôt? Les musulmans de la Goutte d'Or ont quitté les rues Polonceau et Myrha, les photographes et les cameramen du sensationnel sont au chômage technique. L'habitant de la Goutte d'Or qui remonte chez lui avec son caddy à l'heure de la prière du vendredi ne peut plus s'énerver que contre les vendeurs à la sauvette, chrétiens, bouddhistes, musulmans et athées, des marchands de maïs chaud, des évangélistes et des marabouts et des stands de téléphones qui permettent de dire "je suis dans le métro" à un oncle de Bamako. Si on trouvait un lieu, une caserne désaffectée peut-être, un supermarché de la contrefaçon, un dépôt vente de cigarettes de contrebande ou un comptoir de drogues, une galerie marchande des religions, l'habitant de la Goutte d'Or pourrait rentrer chez lui tranquillement, sans pester contre les obstacles. Pas impossible qu'il soit un peu frustré, car on s'habitue à râler.

            Cet incident comporte une leçon politique. Si pendant vingt ans, on a montré du doigt des fidèles en prière dans la rue en dénonçant les atteintes à la République et à la laïcité, sans leur trouver un lieu de prière, l'important n'était pas la solution, mais la dénonciation. La stigmatisation. Si on ne construit pas de logements en nombre suffisants, il y aura des personnes qui dormiront dans la rue et dormir dans la rue est une atteinte sans doute plus grave à la République que de prier sur le pavé. Si on ne distribue pas des seringues propres, les usagers de drogue s'injecteront les hépatites en même temps que leur produit. S'il n'y a pas de lieux pour consommer proprement, les usagers consommeront sur les trottoirs.

            J'entends les objections. Comment peut-on comparer la religion à une drogue? Comment assimiler la consommation de drogues à des rites religieux? Il faudrait trouver un lieu où pourraient se débattre de telles questions.   

fête de l'huma

            Année après année, les dirigeants communistes dénoncent les trahisons des socialistes français, leur renoncement devant le grand capital. Les résultats de ces campagnes permanentes ont des effets: dans les débats à la fête de l'Humanité, Besancenot est applaudi chaleureusement par les participants, pas pour les résultats qu'il a obtenus, parce que l'unité de mesure de son bilan est le nanomètre, mais pour ses dénonciations de la social-démocratie qui a trahi et ne veut pas faire la révolution, et il somme la gauche de faire la révolution et de renverser le capitalisme. Sinon tout de suite, au moins la semaine prochaine. Et François Hollande se fait huer et chahuter parce qu'il ne promet pas de faire la révolution dès la semaine prochaine.

            Cette année, c'est Mélenchon qui va remplacer Besancenot dans le rôle de procureur de la social-démocratie, qui va dénoncer le rôle des socialistes au FMI, ces massacreurs des peuples, ces affameurs, ces criminels. Il sera vivement applaudi par les révolutionnaires de la fête de l'Huma, et il s'arrêtera dans les stands de la cité internationale pour serrer les mains des représentants de Cuba. Martine Aubry sera chahutée comme François Hollande les années précédentes.

            Je me réjouis que François Hollande n'ait pas été chercher un brevet de gauche à la fête de l'Huma.

vendredi 16 septembre 2011

débat primaires

Vendredi 18 septembre 2011. Après le débat des primaires socialistes.

            Le débat devant écran ordinateur, quatre hommes deux femmes sur l'écran, dans la salle quatre hommes deux femmes. Une femme dit que l'un des hommes sur l'écran s'est teint les cheveux, exclamations des hommes on n'aurait jamais du leur donner le droit de vote, voyez ce qui les intéresse, la couleur des cheveux, s'il est mignon ou pas…Un homme qui dirait, comme souvent, que l'un des candidates a un joli minois, on ne dirait pas "on n'aurait jamais du leur donner le droit de vote". Une majorité d'hommes devant le débat. Les compagnes ne sont pas venues. Fuite devant des réflexions sexistes? Mêmes dites sur le ton de la plaisanterie, pas à prendre au premier degré, on s'aime bien, on se respecte tu le sais bien. N'empêche, les poids les plus légers, les plus aimables, contribuent à faire pencher la balance.

            Début de débat sur légalisation/dépénalisation des drogues. Ceux qui sont pour sont les plus éloignés de la victoire. C'est même le signe qu'ils ne se battent plus pour gagner. Il y a des sujets comme ça, la peine de mort, l'avortement, le divorce, qui ne sont jamais tranchés d'un seul coup par le vote, référendum ou élections générales, car les candidats sont peu portés à prendre parti sur des sujets qui vont leur éclater à la figure. Donc ce qu'on appelle les "sujets de société" avancent par à coups, par crise, comme l'euthanasie. Quand la société est mûre, une loi, un référendum entérinera les évolutions. 

mercredi 7 septembre 2011

les vérités du matin

            Francette Lazard et René Piquet, Les vérités du matin


Je n'attendais rien et je n'ai pas été déçu.

            Francette Lazard et René Piquet ont exercé des responsabilités nationales au PCF pendant les années 1960-1970. Ils sont toujours communistes. Ils sont tout heureux de s'être ainsi engagés. Ils ont tout accompagné. Ils ont accepté les mises au pas, les bilans globalement positifs. Ils se sont réjouis des ouvertures et mis les journalistes de l'Huma et de France nouvelle au pas, ils ont déploré les replis sectaires et exclu Henri Fiszbin et les dirigeants de la fédération de Paris. Puis ils se sont retirés sur la pointe des pieds, sans dire un mot et ils continuent à se taire, à bavarder sur le marxisme et sur la vitalité du concept de communisme.

            Ils racontent leurs doutes, leur rébellion. La scène de la fête de l'Huma de l'automne 1968 où René Piquet, chargé du discours de rentrée, négocie avec les membres du BP présents le choix entre "condamnation" ou "réprobation" de l'invasion soviétique à Prague est désopilante. S'il avait su, Dubcek aurait sangloté sur les souffrances du jeune Piquet et savouré la chance qu'il avait d'être communiste tchèque. En 1978, après la défaite de la gauche, Francette Lazard est consternée par le discours ouvriériste et sectaire de George Marchais. Elle s'approche de Henri Fiszbin et lui demande de réagir: Toi, tu es un ouvrier, ils t'écouteront. Chère Francette, je t'assure qu'on t'aurait écoutée. J'en suis certain. Je mettrais ma main à couper. Et même aujourd'hui, on t'écouterait si tu te mettais à parler.

            Ils ne sont responsables de rien. Dommage. Sans regard critique sur le passé, le présent se brouille. Leurs mensonges d'hier résumés en "engagement" chaleureux et porteur d'espoir les enferment dans des choix sectaires ou dans les silences. Le bilan du gouvernement Jospin? : les privatisations et la mise en cause des grands acquis progressistes. Et aujourd'hui? L'alliance du PCF et de Mélenchon qui se proclame le nouveau Georges Marchais, dont le modèle est Die Linke dont le groupe refuse au parlement européen de condamner les crimes staliniens. Qui prend Hugo Chavez comme modèle. Qui dit et répète que le modèle social-démocrate est épuisé du haut de leur deux pour cent.

            Maxim Leo visite la France avec son grand-père Gerhard, ancien résistant et personnalité de la RDA. Ils sont invités par Gilles Perrault qui a une maison près d'Avignon avec piscine. Nous sommes en 1987. Régis Debray est là. Tout le monde trouve que la RDA est fantastique. Gilles Perrault dit que Maxim devrait être fier de vivre dans un pays révolutionnaire. Maxim n'ose pas le contredire. Mais comment peut-on habiter dans une villa pareille et chanter les louanges de la RDA? Les hommes rient, ils trinquent et Maxim se dit qu'il est bien agréable d'être révolutionnaire dans le sud de la France.

            En un tout petit paragraphe, Maxim Leo (Histoire d'un Allemand de l'Est) en dit infiniment plus sur le communisme français que Francette Lazard et René Piquet dans Les vérités du matin

square léon

Le square Léon est un concentré de la Goutte d'Or. Selon les heures, les jours, le temps qu'il fait, il attire ou repousse. Par beau temps, les retraités nord-africains jouent aux dames, les mère de famille surveillent leurs enfants comme une soupe sur le feu. Les garçons jouent au foot et au basket ou tiennent les murs. Des promeneurs utilisent l'allée centrale pour passer de la rue de la Goutte d'Or à la rue Léon. Le soir, les familles se retirent, les joueurs de dames se reposent, les groupes de jeunes se resserrent. Puis les grilles se ferment. Autour, les fumeurs de crack commencent leurs activités à l'abri des buissons. Comme ils paraissent inquiétants, la station Velib du square Léon a toujours des places si vous rentrez très tard, quand les autres stations sont pleines. Donc, selon les heures, les jours, le temps qu'il fait, vous serez attendri par les bambins et les ancêtres, vous aurez peur des capuchons, vous serez fiers d'une mixité de couleurs et de langues et contents de trouver une place pour votre vélo.

prière de rue

Des locaux vont être prêtés par les pouvoirs publics aux musulmans pour qu'ils prient à l'intérieur et plus dans la rue. Mes sentiments sont partagés. Mon cœur laïque accueille la nouvelle avec plaisir. On ne doit pas prier dans la rue, la religion est une affaire privée, etc. Mon cœur social et humanitaire n'est pas moins satisfait: la République permet à toutes les confessions de se pratiquer dans de bonnes conditions. Mon cœur d'habitant va regretter. Tous les vendredi, la rue où il habite était nettoyée dans les moindres recoins et devenait pour quelques jours l'artère la plus propre du quartier. 

dimanche 4 septembre 2011

la Ténarèze en VAE




 La Ténarèze en VAE

            La Ténarèze est un chemin naturel entre la Garonne et l’Adour dont la ville de Condom est  le centre. La région est plus connue sous le nom du département : le Gers, en raison de ses produits : magrets de canard, foie gras, Armagnac. Condom signifie préservatif en anglais et souvent les touristes anglophones se font photographier à côté du panneau de l’entrée de ville en montrant du doigt les lettres légères, en se tapant sur les cuisses et en rigolant stupidement. La ville tente de lancer un musée du préservatif et cherche à déposer le nom Condom comme une marque protégée, parce que des petits malins ont déjà tenté de commercialiser des préservatifs à l’Armagnac ou des bouteilles de Floc en forme de capote.

            En juin 2011, nous avons tapé randonnée vélos électriques (à assistance), un site apparut, une maison d’hôte à Condom, qui recevait des invités, leur louait des VAE (vélos à assistance électrique), et organisait des balades dans une région riche de vignes, de villas gréco-romaines, d’abbatiales, de cathédrales, de couvents, de tumulus et de routes départementales. Cette maison se nomme « Les Angelots », ce qui à Condom, ne manque pas d’épices. Enthousiasmés par cette description, par la perspective de visiter une région vallonnée interdite aux muscles affaiblis par l’âge, l’alcool, les mauvaises graisses et une vie dépravée, nous avons retenu un paquet cadeau comprenant trois nuits aux Angelots, deux journées de randonnées sur VAE, trois petits déjeuners, trois repas du soir avec apéritifs et vins tout compris. Pour une somme raisonnable.

            Sur le chemin de Condom, nous nous sommes arrêtés devant une église portant le nom de « Notre-Dame des cyclistes ». Une ancienne chapelle transformée en lieu de pèlerinage vélocipédique. À l’entrée du chemin, un arc de triomphe en porte le nouveau nom. Au bout du chemin, une grille d’entrée dessine en fer forgé la silhouette de deux draisiennes avec guidon extérieur dont peuvent se saisir les cyclistes pour une photo en situation. Les vitraux racontent le chemin de croix des sportifs à deux roues. Jésus-Christ grimpe le Tourmalet, le Pic du Midi, meurt au Mont des Alouettes et ressuscite aux Champs-Elysées. Devant l’église, une statue en pierre blanche de la Vierge Marie, toute neuve, bénie par le champion André Darrigade, remercie les cyclistes de respecter la Terre, création de Notre Seigneur. Photo d’Hélène sur VAE près de la Vierge. Sur un banc face au jardin de l’église, sont assises deux personnes âgées, très âgées même, avant on disait des vieux, maintenant on dit quatrième âge. Le monsieur dit à Hélène qu’il vient souvent ici avec son épouse car il a été coureur cycliste, champion amateur, mais il n’a pas voulu faire carrière car c’était un milieu pourri. Il aurait pu être professionnel et participer au Tour de France, mais il a refusé, malgré les nombreuses propositions. Il aime l’idée d’une chapelle dédiée à Notre-Dame des cyclistes et je les prends tous les trois en photo, en train de discuter, ainsi que les vitraux et les draisiennes en fer forgé.

            La gare de Condom n’existe plus, le train a expiré, les rails ont été remplacés par des coulées vertes. La voiture à assistance motorisée nous emporte. La route, le repas à Mont-de-Marsan où des travaux brouillent les souvenirs. Salades avec magrets de canard, toujours des magrets. Plus tomates, asperges, œufs durs, et magrets de canard. Gâteau basque ou salade de fruits en dessert. Se rappeler le quai Laboupillière, la maison d’hôte les Angelots que nous demandons en vain plusieurs fois jusqu’au succès à force de persévérance. Monsieur et madame Gheeraert sont mariés puisqu’ils portent le même nom encore que le hasard fait parfois bien les choses. Mais il est extrêmement rare, en tout cas, pour moi, c’est la première fois, et je pense que pour Hélène c’est pareil, que Dreant divorce de madame Dréant née Bricourt et se remarie avec une madame Dréant, divorcée de monsieur Chambrun, née Dréant. S’ils portent le même nom, ils pourraient vivre ensemble, en concubinage sans être remariés. Le nombre de gens qui divorcent et se remarient est étonnant, mais après tout, c’est leur affaire. Monsieur Gheeraert est en short et chemisette, Madame Gheeraert porte une blouse échancrée et un pantacourt. Ils devisent.

            Il ressort de ces conversations que Monsieur Gheeraert était enseignant dans des écoles primaires, d’abord en banlieue parisienne, puis quand il a compris l’évolution des situations à Montfermeil et Tremblay, a demandé sa mutation en Bretagne, parce qu’il ne voulait pas que ses enfants se fassent régulièrement racketter. Il a donc acheté une maison en Bretagne, près de Saint-Brévin, face à la mer, l’inconvénient de ces maisons face à la mer, que souvent les passants envient bêtement sans savoir, c’est que les touristes qui se promènent sur le jetée, traînant un sac avec une serviette de bains et des pommades protectrices, souvent s’arrêtent et sans gêne, sonnent ou frappent à la porte, ou s’approchent de la pelouse où vous essayez de faire la sieste et vous demandent une adresse de restaurant, est-ce que vous faites chambre d’hôte, pouvez-vous nous donner un verre d’eau pour le petit et comment refuser un verre d’eau à un petit déshydratée ou à sa grand-mère non moins déshydratée ? Ce qui semble le paradis devient vite un enfer, sans parler bien entendu du vent qui emporte des tonnes de sable et toute la nuit, on entend battre les grains de silex contre les vitres, on ne rend pas compte, et bien sûr, il faut refaire la façade tous les ans et qui paye, d’après-vous ? Madame Gheeraert était contrôleuse financière d’une institution et quand elle a rencontré Monsieur Gheraaert, là j’invente, je complète la charpente à partir de quelques ossements épars. Dans la villa gallo-romaine, les fouilles ont mis à jour deux squelettes d’adolescents un garçon, une fille, le garçon passait son  radius sous l’omoplate de sa bien-aimée et on les appelle les amants de Seviac et leurs squelettes attirent les regards des visiteurs émus qui expliquent à leurs enfants ou à leurs petits-enfants l’histoire de Roméo et Juliette, de Tristan et Yseult, de la Princesse de Clèves et d’Anna Karénine. Mais rien ne peut se prouver.

            Madame a eu le coup de foudre pour Monsieur et a demandé une retraite anticipée pour partir avec Monsieur. Ils ont vendu la maison de Bretagne et ont acheté à Condom une maison en ruines qu’ils ont retapée, et transformée en maison d’hôtes où deux pièces attendent les vacanciers, plus un garage qui contient six ou sept vélos à assistance électrique (VAE). Cette hypothèse s’appuie sur le fait que Serge mentionne « mes enfants » et que Madame de même parle de « mes enfants », ils ne disent pas « nos enfants » qu’on utilise quand on a fait les enfants ensemble et pas avec d’autres. Pour les petits-enfants, c’est différent, on peut dire « nos petits-enfants » sans les avoir fait ensemble puisque de toute manière, même si ce sont de vrais petits-enfants, on ne les a jamais fait ensemble ou alors, c’est très lourd à porter, comme secret.

            Nous n’en saurons guère plus. Madame a un fils dans la marine, il a passé presque un an sur la Jeanne d’Arc, et a plusieurs enfants qu’il ne voit pas grandir, il veut prendre une retraite anticipée et vendre ses compétences sur terre, pas loin de sa famille. Monsieur a des enfants aussi. Madame rêvait depuis longtemps d’accueillir des gens dans une maison d’hôtes et ils ont trouvé cette maison. Il s’entendent bien, Madame fait la cuisine, Monsieur s’occupe des vélos à assistance électrique, ils ont plein d’idées pour rendre le séjour des vacanciers le plus agréable possible. Et tout est bien.

            La cuisine est bonne, provinciale, gersoise, écolo, fabriquée à partir de produits du terroir, à portée de main, épices poussant dans le jardin, éleveurs proposant leurs produits. Condom est une petite ville de sept mille habitants où de nombreuses associations organisent des fêtes. De cette région viennent les Mousquetaires du Roi, qui étaient trois plus d’Artagnan. Sur la place de Condom face à la cathédrale qui mérite quelques pas à l’intérieur, un sculpteur russe a offert un ensemble en bronze des quatre mousquetaires de Dumas, les épées penchées vers le sol, les pointes regroupées en grappe de bronze, jurant de s’entraider, le serment des quatre mousquetaires immortalisés par Dumas. Les passants se font prendre en photo au milieu des mousquetaires, certains se mettant en garde comme s‘ils étaient un cinquième mousquetaire à la recherche des ferrets de la Reine et bien entendu je me glisse parmi eux et Hélène me prend en photo, elle passera désormais en diaporama sur l’ordinateur de Biarritz et peut-être aussi sur l’ordinateur parisien.

            Le Gers se spécialise en photos d’histoire. À l’Abbaye de Flaran, on prête aux enfants des habits de moine, capuches noires et robes de bure, qui courent dans le cloître en psalmodiant du rap grégorien. Les parents prennent des photos. Une animatrice raconte l’histoire d’un moine assassiné et les moines doivent retrouver l’assassin grâce à des indices. Il fait très chaud. À l’entrée de la Villa gallo-romaine de Seviac, des figures d’un seigneur romain et de son épouse, en robes d’époque, avec un trou à la place du visage et en plaçant le visage à la place du trou, on peut faire croire. Dans le village moyenâgeux de Larresingle, remis aux normes grâce à des bienfaiteurs de Boston récompensés par une plaque, à l’entrée du village, une silhouette en contreplaqué dessine un chevalier du moyen-âge, épee, armure, cotte de mailles, et à la place du visage, un trou. Derrière le contreplaqué, des marches permettent aux générations différentes et aux tailles diverses de se faire photographier en bouchant le trou de la silhouette par le visage, l’effet est saisissant. Rien qu’en quatre jours de voyage, nous avons pu nous faire photographier  près de draisiennes, dans un groupe de mousquetaires du Roi, en costume de romains et en armure du Moyen-âge. La Romieu est une abbatiale mondialement connue. Une collégiale.

            Les routes sont bien entretenues, peu de randonneurs, peu de cyclistes. Les côtes sont rudes même avec assistance, à cinquante kilomètres la première journée l’assistance électrique n’évite pas les crampes douloureuses qui prouvent que se préparer physiquement n’est pas un luxe. Moralement non plus, mais c’est plus facile.

            Nous retiendrons de cette épopée la mélopée du bien-être, de l’optimisme, du tout va bien. Nos hôtes s’entendent sur tout, ne se contredisent jamais, sont d’accord sur les détails et sur les sujets généraux. Les clients débordent de reconnaissance pour les vélos, pour la nourriture. Ils reviennent. Ils s’en vont sans plaisir. Dans un monde où tant de gens se plaignent de tout et de rien, où les difficultés s’accumulent et l’avenir se prive d’espoir, une telle satisfaction est rafraichissante. Pourtant, nos deux voyageurs sont sans pitié. Ils pensent que c’est trop. Qu’à trop insister sur le bonheur parfait, on cache des malheurs, des souffrances, des insuccès. La guerre dans de nombreuses régions du monde, le chômage qui fait fuir les jeunes de Condom vers les grandes villes, des maisons qui tombent en ruines et ne sont pas réparées, des commerces à vendre…Nous reviendrons à Condom pour d’autres randonnées, pour découvrir peut-être des blessures cachées.  

            Nous reviendrons à Condom, aux Angelots, ce n’est pas parce que c’est le paradis, mais justement parce que ce n’est pas le paradis car le paradis n’existe pas. Le paradis est un endroit où l’on ne peut jouir de rien puisque le mal, la souffrance, les manques, y sont inconnus. Si tout est bien, comment apprécier ? Or, nous avons découvert quelques petits inconvénients, qui ne seront pas sur le site de Condom, bien entendu, ils ne sont pas fous, ils veulent développer le tourisme et on ne développe pas le tourisme en montrant les failles. Par exemple : la signalisation des chemins de campagne est très incomplète et plusieurs fois nous nous sommes perdus. Nous avons retrouvé notre chemin grâce à la gentillesse des gens, mais le dépeuplement des campagnes raréfie les renseigneurs, il faut se mettre au travers de la route, mettre les bras en croix pour arrêter le tracteur et le conducteur dit d’où venez-vous ? Comment vous êtes-vous rencontrés ? Il dit aussi que dans le Gers, jamais on ne se perd. Il nous indique le chemin. Autre inconvénient : le floc, apéritif local, monte à la tête, c’est un mélange d’armagnac et de jus de raisin. Le pousse-rapière, cocktail d’Armagnac et de vin pétillant est non moins redoutable.  et si on ne fait pas la sieste après quelques verres de floc ou de pousse-rapière, on est ensuqué. Or, il n’y a guère d’endroits dans la Ténarèze pour faire la sieste et beaucoup d’endroits pour boire le floc et le pousse-rapière.