lundi 24 mai 2010

égoïsme social

Maurice Goldring : L'égoïsme social

Les succès électoraux des partis xénophobes en Europe ont officialisé les discours d'exclusion ethnique. L'arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy a donné légitimité aux discours et aux pratiques d'exclusion sociale. Les habitants des beaux quartiers peuvent manifester contre la construction de logements sociaux. On peut supprimer des postes dans les collèges en difficulté et utiliser les économies réalisées pour parfaire la qualité des classes de préparation. Les encoches aux boucliers fiscaux provoquent de déchirants sanglots.
L'égoïsme social est au pouvoir et nourrit les colères parcellaires. On ne combat pas l'égoïsme social en justifiant les insurrections de quartier ou de métier. Un parti politique de gauche qui prétend combattre l'égoïsme social en justifiant toutes les révoltes symétriques n'arrivera jamais aux responsabilités qui permettent une autre politique.
Dans Le Monde du 22 mai 2010, Claude Bartolone fait le point sur le département de Seine-Saine-Denis dont il préside le conseil général. La Seine-Saint-Denis est au bord de la crise de nerfs. A tout moment, les quartiers peuvent s'embraser, la violence est latente. Les parents pendant les émeutes de 2005 appelaient leurs enfants au calme, aujourd'hui, ils disent au président du conseil général: "pourquoi le ferions-nous puisque les pouvoirs publics nous ont abandonnés". Pourquoi une telle tension? parce le tissu associatif est asséché par un gouvernement qui coupe les subventions, parce que les promesses n'ont pas été suivies d'effet. Parce qu'entre le jeune sérieux et travailleur qui a obtenu des diplômes et se retrouve au chômage, et celui qui a choisi la facilité, l'argent de la drogue et de la délinquance, qui a raison?
D'un côté, des populations victimes délaissées qui attendent des subventions et brûlent des voitures quand elles n'arrivent pas assez vite, et des politiques qui demandent des subventions sinon ça va cramer. Des politiques impuissants et des émeutiers revendicatifs.
Ainsi se déroule une justification par un responsable national du PS des émeutes à venir. L'insurrection qui vient de Tiqqun ne dit pas autre chose.
On peut combattre l'égoïsme social par des politiques fondées sur la notion d'intérêt général. Et aussi par des comportements. Pour ce qui revient au Parti socialiste, le cumul des mandats est une des formes de l'égoïsme social, justifié comme toujours par un argumentaire bien rôdé. Son abolition ouvrirait la voie par dizaines de milliers à des possibilités de promotion pour des catégories nouvelles. Ce n'est pas rien, et plus politique que des discours incendiaires. L'annonce de cette abolition pourrait faire l'objet d'une grande manifestation publique où des milliers d'élus rassemblés dans une grande salle annonceraient qu'ils renoncent à leurs privilèges. Cette manifestation pourrait se tenir la nuit du 4 août.

mercredi 12 mai 2010

catastrophe

Le petit dernier a trouvé un poste de grouillot à la mine. Il a douze ans, je suis tranquille pour son avenir. La plus grande, elle a trouvé à se placer dans une famille à Paris, elle va à la messe le dimanche matin à six heures et elle peut se promener avenue Foch l'après-midi de deux à quatre, elle doit être rentrée pour le goûter des enfants, mais ils sont très gentils et je pense qu'ils vont la garder longtemps, jusqu'à ce qu'elle trouve un mari. Je suis contente, je ne me fais de souci pour elle. Les autres sont encore à la communale.
En période de stabilité, tout le monde est tranquille. Les pauvres tirent dans les harnais familiers, les riches obtiennent respect et salutations quand ils visitent l'hôpital ou l'hospice. Il n'y pas d'inquiétude pour l'avenir.
Aujourd'hui le catastrophisme domine. La crise, plus le volcan islandais, plus le tremblement de terre en Haïti, plus la marais noire en Louisiane, plus le caillassage des bus, où va-t-on, je vous le demande. Le catastrophisme est le principal argument pour le succès des politiques et des idéologies conservatrices. Il justifie les mesures d'urgence impopulaires et injustes. D'un côté, des bricolages financiers, de l'autre des explosions de colère. Berlusconi et Sarkozy qui veulent faire payer les pauvres, et de l'autre, Benoit Hamon et Olivier Besancenot dans des meetings communs veulent faire payer les riches. Le combat est inégal.
Nous vivons dans des sociétés qui disposent d'atouts considérables. Il faut les nommer pour qu'ils soient utilisés. S'ils sont niés, oubliés, on ne les utilisera pas. Parmi ces atouts: les gens vivent plus vieux en bonne santé. Les jeunes passent plus de temps dans les écoles et les universités, ils sont mieux formés, plus intelligents. Ce qu'on appelle souffrance ou stress au travail est l'expression de cette avancée: les femmes ne veulent plus être traitées comme des sous-hommes. Les salariés dans leur ensemble ont atteint un degré de compétence et de culture qui entre en contradiction avec une gestion du personnel abrutissante et abêtissante. La productivité est incomparable et permet d'envisager des politiques redistributrices audacieuses. A la différence des années 1930, où les aveuglements et les égoïsmes ont conduit à la guerre et à l'instauration de régimes dictatoriaux, on assiste à une ébauche d'entente, de décisions communes qui permettent d'envisager, peut-être, d'éviter le pire et de sortir de la présente crise par le haut. Pas sûr, mais c'est possible.
Le catastrophisme est chez nous. Il permet d'obtenir l'unanimité des conseils nationaux du PS. Les solutions seront moins unanimes.
Maurice Goldring

samedi 8 mai 2010

amnésie

Pour Alain Badiou (le monde, 8 mai 2010) les trois grands créateurs de systèmes de pensée du 19ème siècle sont Darwin, Marx et Freud. Dans tous les pays soumis sous le nom de « démocratie » (les guillemets sont d’Alain Badiou), au « capitalo-parlementarisme », les conservatismes se sont « acharnés » contre les dispositifs qu’ils ont créés. Aux États-Unis, le créationnisme est enseignement obligatoire pour contrer le darwinisme. L’anticommunisme et l’antimarxisme dominent. Le positivisme psychiatrique dénonce la psychanalyse comme une imposture. Dans tous les pays « capitalo-parlementaristes » fleurissent les « livres noirs » du communisme, de la psychanalyse et de l’évolutionnisme. Ces mouvements sont nommés par Alain Badiou « l’obscurantisme contemporain ».

Dans les pays où le capitalo-parlementarisme a été aboli, où l’on ne vote pas, où ne règne pas la démocratie, l’évolutionnisme de Darwin est devenu une sinistre plaisanterie biologique avec le lyssenkisme, dogme obligatoire du stalinisme agricole. Dans ces pays, la classe ouvrière avant-garde révolutionnaire s’est retrouvée dans des prisons ou dans des camps. Dans ces pays la psychanalyse était considérée comme pratique « bourgeoise », dénoncée, vilipendée, interdite, emprisonnée. Ces pays portaient un nom : la Chine de Mao, l’Union soviétique de Staline. Les lieux, les pays, où les théories de Darwin, de Marx, de Freud, ont le plus fertilisé la pensée, provoqué des débats, modifié les pratiques, sont les pays « capitalo-parlementaristes ».

J’appelle « amnésie contemporaine » toutes les formes de négation et d’éradication des lieux, des temps et des systèmes, où la pensée de Darwin, de Marx et de Freud, a été le plus mise à mal.

vendredi 7 mai 2010

je pourrais dire

Je pourrais dire, à peine né, la guerre a éclaté et ma famille s’est dispersée. Ensuite, j’ai milité au Parti communiste et voyez ce qu’il en reste. J’ai participé à des journaux qui sombraient dès que nom apparaissait dans l’ours. Hebdomadaires, mensuels, revues trimestrielles, si la liste vous intéresse, je vous la donne : France nouvelle, Nouvelle Critique, Politique aujourd’hui, Rencontres communistes . Les groupes auxquels j’ai accordé du temps sont en perdition, partis politiques, famille, groupes de recherche. Je me suis réfugié dans un corps qui peine à se déplacer. Dans une tête qui peine à tisser des idées entre elles. Quand je prends la parole en public, je provoque colères, sifflets, insultes. Ma vie sexuelle s’estompe, ma vie affective se réduit, j’enterre mes amis les uns après les autres. Voici ce que je pourrais dire.

Je pourrais dire aussi que j’ai participé aux premières loges à toutes les passions, à tous les tumultes, à toutes les aventures du vingtième siècle, que j’ai écrit et que mes articles et mes livres ont été publiés et discutés, que j’ai toujours trouvé des groupes, des associations, des partis, qui m’ont permis d’exercer des talents de chercheur en politique. J’ai tissé avec mes enfants, avec mes amis, avec les familles rencontrées, des liens qui sont d’excellents substituts à toutes les drogues licites ou illicites, naturelles ou synthétiques. Que les années ne m’ont pas jusqu’ici empêché de me déplacer où je le souhaitais, par les moyens que je souhaitais, et que grâce à tout ce travail ininterrompu, je jouis d’une retraite qui ferait baver d’envie 99% de l’humanité. Que je continue d’écrire et de trouver des lieux de publication. Que ma vie sexuelle se maintient malgré les statistiques, que ma vie affective est jalousée, que les amis qui meurent me témoignent de leur amitié en me demandant de parler à leur enterrement, que je suis entouré de créatures de rêves.

C’est selon les jours. Je pourrais dire ceci et je pourrais dire cela et tout est vrai.

Je rêve

Je rêve. Je suis nommé comme enseignant, ce n’est pas tout à fait clair, mais comme quoi d’autre puis-je être nommé dans un établissement aux murailles grises, pas comme plombier polonais, je ne suis ni l’un ni l’autre. On me montre mes quartiers, mon logement, il s’agit d’une pièce moyenne où quatre ou cinq collègues occupent des matelas posés à même le sol. Ils sont tous plus jeunes que moi, mais d’âge mur. Des hommes, figures d’intellectuels qui montrent intelligence, détachement des choses matérielles, sans étonnement d’être ainsi relégués dans une chambre où traînent des matelas et des draps douteux. Ils m’accueillent poliment, sans chaleur excessive. Je cherche un matelas pour m’y allonger, l’un d’eux, une barbichette de scientifique et une voix grave, me conseille de ne pas m’inquiéter. Les matelas sur le sol cachent d’autres matelas et il suffira le soir venu de glisser un matelas de dessous un autre matelas pour que je puisse m’y allonger. Je ne vois aucune salle d’eau, aucune toilette, aucune armoire de rangement. Les valises traînent dans les couloirs marqués par les matelas sur le sol et vomissent des chemises froissées et des slips de modèles et de tailles diverses. Je tire un matelas et je m’y allonge. Tout habillé. Une porte s’ouvre et révèle une autre chambre, avec d’autres matelas rangés parallèlement, alors que dans ma chambre à moi assignée, les matelas sont rangés n’importe comment. Dans cette chambre voisine, des jeunes collègues, masculins et féminins, sont couchés à trois ou quatre par lit, ils se touchent d’une façon ludique, rien n’indique la partouze, mais quand même je suis jaloux. Les corps sont délimités par des dentelles et des chemises vibrantes, et je ne vois pas pourquoi. Les jeunes collègues me regardent et leur regard me réveille.

Me voici donc revenu au point de départ. Enfant, j’enviais les parents des autres qui me paraissaient tous plus intelligents et plus attentionnés avec leurs enfants mes camarades de jeux. Étudiant communiste, j’enviais la facilité d’élocution de mes camarades de combat et l’intelligence de leur analyse de la situation mondiale. Marié, j’ai envié les femmes des autres que je trouvais toutes plus jolies et plus intelligentes. Journaliste, j’ai envié les écrivains. Écrivain, j’ai envié les autres maisons d’édition. Grimpant la hiérarchie universitaire grâce à un travail régulier et reconnu par mes pairs, j’enviais ceux qui travaillaient plus, qui étaient plus reconnus. C’est sans fin. On peut se satisfaire de ce qu’on a ou envier ce qu’on n’a pas. Si on se satisfait de ce qu’on a, évidemment, on n’a plus de motivation pour continuer à travailler, c'est à dire à étonner le monde. Si l’on ne se satisfait pas de ce que l’on a, on conserve de puissantes motivations de travailler c'est à dire d’étonner le monde et l’environnement humain. Mais voilà que je me retrouve dans une chambre avec des collègues qui dorment sur un matelas jeté sur le sol, sans sommier. Et moi, je dis non, je refuse de travailler dans ces conditions. Prof de fac, je dois être reçu dans de meilleures conditions. Je range ma valise et je m’en vais. Quand je me réveille. Dans mon rêve, je reste, j’accepte les matelas jetés à terre, la grisaille, l’inconfort. Une fois réveillé, c’est trop tard. Je me trouve dans une chambre confortable, un matelas solide, un sommier de bonne tenue, un corps qui me tient chaud, une salle de bains voisine, le tout digne d’un prof de fac retraité, mais malgré tout. Il n’y a plus rien à envier, plus rien à regretter. C’est tout de suite, dans mon rêve, parmi les matelas honteux, indignes, que j’aurais du rebrousser chemin et dire à qui de droit que dans ces conditions. Je ne l’ai pas fait. Qui est le vrai moi, celui qui ne proteste pas contre d’infâmes conditions de travail, contre d’indignes conditions de logement, ou celui qui proteste une fois réveillé contre le confort et des conditions de vie et de travail qui ne méritent pas de protestation ?

mercredi 5 mai 2010

pays basque

Le 30 mars 2010, une trentaine de personnalités dont quatre prix Nobel de la paix ont publié une déclaration en faveur de la paix au Pays basque. Cette déclaration prend en compte la demande de trêve adressée à l’ETA par la gauche abertzale et demande au gouvernement espagnol de réagir à cette trêve par des mesures politiques.

Réagissant à cette déclaration, le porte-parole de Batasuna, Xabi Larralde, dans une entretien avec La semaine du Pays basque (30 avril 2010) montre combien il est difficile de sortir des vieilles ornières.

Pour Xabi Larralde, la déclaration de Bruxelles soutient la demande de trêve adressée à l’ETA par Batasuna. Sur le modèle irlandais, répète-t-il. Or le « modèle irlandais » ne fut pas une « trêve » de l’IRA. Une trêve est la suspension de la lutte armée, pendant que s’ouvrent des négociations. Si les négociations aboutissent à des résultats qui ne conviennent pas aux porteurs d’armes, ils reprennent la lutte armée. L’élément nouveau à Belfast fut une déclaration de cessez-le-feu unilatérale et définitive, avec l’acceptation d’une commission de vérification internationale de la réalité de ce cessez-le-feu par la destruction des armes. Par cette déclaration, l’IRA affirmait qu’elle renonçait à la lutte armée et acceptait les règles fondamentales du système démocratique. C’est cette déclaration, et pas une nième trêve qui a permis des négociations aboutissant à la paix en Irlande du Nord. La déclaration de Bruxelles demande un cessez-le-feu « vérifiable » selon les principes de la commission Mitchell. Pas une trêve. Cette phrase semble avoir échappé à Xabi Larralde.

Pourtant, Batasuna semble accepter les règles de la démocratie. C’est la majorité qui décide. « S’il y a 60% en faveur de l’autonomie, mettons en place un statut d’autonomie. S’il y a 60% pour le statu quo, ce sera le statu quo ». Mais la majorité a déjà décidé ! Elle décide à chaque élection, municipale, cantonale, régionale et législative. Elle accorde une majorité qui oscille entre 90 et 95% des voix à des représentants qui ne veulent pas d’une autonomie du Pays basque, qui ne veulent pas être réunifiés à un Pays basque imaginaire. Qu’importe ces résultats pour Batasuna. Comme ils ne lui plaisent pas, Batasune invente un « peuple » qui demande le droit de décider. Mais pour Batasuna, le peuple n’a qu’un seul droit : celui de décider d’être d’accord avec Batasuna. Ainsi, Batasuna « ne peut pas accepter que la Navarre soit séparée du reste du Pays basque ». Batasuna n’accepte pas la volonté majoritaire des Navarrais parce que la Navarre c’est la « mère-patrie » comme le Kosovo était le territoire sacré des nationalistes serbes. Les nationalistes serbes ne pouvaient pas accepter la volonté majoritaire des Kosovars et Xabi Larralde ne peut pas accepter pas la volonté majoritaire des Navarrais ou des Basques français. Tant que ces citoyens seront en désaccord avec Batasuna, il y aura un conflit avec des « expressions violentes » et une « souffrance humaine ».

Tous les Basques seront heureux et émus de savoir que Xabi Larralde, porte-parole de Batasuna, affirme dans son entretien qu’il n’est pas du tout « insensible » à ces souffrances.

Maurice Goldring

benoît Hamon

Le PS: si l'on veut brouiller les cartes, il faut des textes,des décisions et un porte-parole qui fait et dit l'inverse. Manifester avec Attac et tous les extrêmes, contre les décisions européennes et du FMI, alors que les députés socialistes votent en faveur du prêt accordé à la Grèce (les députés communistes ont voté contre), comment voulez-vous que les militants s'y retrouvent? Il m'apparaît urgent de changer de porte-parole. Maurice Goldring