jeudi 31 décembre 2009

un avenir radié

Un avenir radié.


J'ai envoyé mon dossier le 30 novembre 2009. J'ai demandé des nouvelles par courriel. Le directeur du greffe de Pôle de la nationalité française m'a répondu.

Monsieur,
La délivrance d'un certificat de nationalité française nécessite dans tous les cas une instruction du dossier. Si des pièces complémentaires sont nécessaires, elles seront réclamées à la personne concernée, par courrier ou courriel. Si des vérifications auprès d'autres administrations (ministère de l'immigration, préfecture de police, service central de l'état civil, etc..) sont indispensables, le greffier chargé du traitement du dossier les sollicitera lui-même.
Dès que le certificat de nationalité française sera établi, la personne concernée sera convoquée pour venir le retirer. Elle devra se munir de la convocation et d'une pièce d'identité.
Ce certificat ne sera remis qu'à la personne concernée qui devra le conserver précieusement pour justifier aujourd'hui et ultérieurement de sa nationalité française.
Je peux vous assurer que l'équipe du Pôle s'emploie à vous donner satisfaction dans le meilleur délai.

Cordialement.

Le directeur de greffe du Pôle de la nationalité française de Paris

Dès que j'aurai une convocation, je pourrai retirer mon certificat en présentant une pièce d'identité. Que je n'ai pas puisque ma carte d'identité n'a pas été renouvelée à cause que je suis pas français, ou plus français.

J'ai apprécié le "cordialement". Ils ne sont pas méchants, ils sont cordiaux.

Je n'ai plus de CI depuis juin 2009. Je décide d'agir. Je propose que tous ceux qui sont dans la même situation de retrouvent au Pole de la nationalité française, rue du Château des rentiers, Paris 13ème par exemple le jeudi à dix-heures, pour faire connaissance, échanger des informations, boire un verre. Nous créerons une association: l'association des Français radiés.
Ceux qui sont intéressés peuvent m'envoyer leur accord à mon adresse courriel maurice.goldring@wanadoo.fr

vendredi 25 décembre 2009

même pas peur

Cher Stéphane, j'espère que nous nous verrons bientôt. En attendant, comme la discussion qui a commencé sur un ton de dérision devient plus sérieuse, je veux te donner mon sentiment sur la question de l'Islam en France.

Dans les pays que je connais, les démocraties occidentales se créent avec une grande régularité de grandes peurs à l'égard d'une partie de la population. Dans l'Angleterre du 19ème siècle, ce fut la peur des catholiques irlandais. Leur religion, leurs mœurs, leur refus de la laïcité et du système démocratique les rendaient inassimilables. Dans la France du début vingtième, la grande peur se porta sur les Juifs. Leur religion, leurs mœurs, leur refus du modernisme, les rendaient inassimilables. Dans la France du XXIème siècle, la grande peur se porte sur les musulmans. Leur religion, leurs mœurs, leur refus de la laïcité et du système démocratiques les rendent inassimilables. Cette grande peur a des effets, dans le domaine de l'emploi, de l'habitat, des contrôles dans les lieux publics, des remarques, des regards. Cette grande peur doit être combattue car elle est porteuse de guerre civile et de clivages. Qui ne voit chaque jour des stigmatisations insupportables pour les intéressés, le voile, la burqua, les minarets sont autant d'occasions non pas de trouver des solutions à des difficultés réelles, mais à porter un jugement d'ensemble sur les Arabes et la religion que pratiquent assidûment une minorité d'entre eux?
Quand j'énonce des principes généraux, on me dit, c'est bien beau, mais tu n'as pas à affronter toutes les agressions contre la république et la laïcité. Le hasard m'a fait habiter rue Polonceau, où tous les vendredi la rue est occupée par des musulmans qui prient sur des tapis. L'espace ainsi pris par les fidèles va jusqu'au sommet de la rue, et parfois dépasse le 38 où j'habite. Généralement, les responsables de la mosquée préservent un passage pour les habitants. Il est arrivé (une fois) que ce passage n'ait pas été aménagé. Je me suis avancé en disant que j'habitais plus haut, et qu'il fallait me laisser passer. On m'a dit que je pouvais passer à condition d'enlever mes chaussures. Que je ne pouvais pas marcher sur les tapis. J'ai dit une première fois doucement que la rue était un espace public et que j'avais le droit de passage, et que s'il vous plaît, laissez-moi passer, et qu'il n'était question une seule seconde que j'enlève mes chaussures. On m'a dit de me taire. J'ai dit plus fort que j'avais le droit de parler dans un espace public et que la République leur donnait le droit de prier et à moi le droit de passer sans me déchausser et de parler dans la rue. J'ai ainsi fait un cours sur la laïcité, de plus en plus fort, jusqu'à ce que des membres de la sécurité arrivent et demandent aux fidèles de se pousser pour qu'ils puissent replier les tapis et ainsi me laisser passer. Je connais beaucoup de gens à qui il est arrivé la même histoire et qui n'ont pas osé demander le droit de passage. Mais ils ont ensuite raconté l'anecdote pour prouver que les musulmans ne pouvaient pas être intégrés dans la république. Quelle est la différence entre eux et moi? C'est qu'ils avaient peur et que moi je n'avais pas peur. Ces gens ne me faisaient pas peur. Je me suis adressé à eux comme à des citoyens et en tant que citoyen, et ils ont fini par comprendre, par relever le tapis et me laisser passer.
Ce qui fait le fond de commerce du front national, d'une droite agressive et raciste, ce n'est pas le racisme, c'est la peur. De ce point de vue, l'anecdote que tu racontes, d'un cinéaste qui voulait filmer les gens en prière et s'est fait insulter et menacer, cette anecdote me semble tout à fait extraordinaire. Tu as le vendredi des fidèles dont la mosquée est trop petite pour les contenir tous, qui doivent prier dans la rue ( tu penses vraiment que c'est pour attaquer la république qu'ils prient dans le froid et sous la pluie?) et quelqu'un passe et veut les filmer. Mais si tu veux, tu me présentes ton cinéaste et je lui explique que pour filmer les gens, souvent ça aide de leur demander s'ils ont d'accord. Je connais des cinéastes et des photographes qui sont allés voir les responsables de la mosquée pour leur demander de pouvoir filmer et photographier les prières dans la rue. N'importe quel étudiant de premières année en anthropologie est au courant. Mais ton cinéaste, que voulait-il, faire un film ou prouver qu'on a raison d'avoir peur des Arabes?

lundi 14 décembre 2009

un enfant

Lundi 14 décembre 2009. Un enfant de douze ans est mort criblé de balles à Lyon. Des jeunes lourdement armés sont passés en voiture et ont tiré sur un groupe d’autres jeunes pour se venger d’un regard ou d’une insulte. L’enfant de douze ans n’est pas mort sur une barricade. Il n’a pas été tué par la voiture d’une patrouille de police. Il n’a regardé ni insulté personne. Il était complètement innocent. Il sortait ou entrait dans une boulangerie. On lui avait peut-être promis du pain et des roses. Il a eu du pain et du sang.

Comme l’enfant n’a pas été tué par la police ou par un commerçant, les voitures n’ont pas brûlé. Les voitures brûlent quand une équipe de foot a été battue, ou a gagné, ou quand un motocycliste est heurté par une voiture de police. Quand un enfant est tué par d’autres enfants lourdement armés, les voitures ne brûlent pas.

Quand un enfant de douze ans est tué par balles par les jeunes de son quartier, la manifestation du quartier est silencieuse. Les gens défilent, tous, les parents, les commerçants, les éducateurs, les jeunes et les moins jeunes, les femmes et les hommes. Ils manifestent silencieusement et resteront silencieux. Quand un jeune est tué par la police, la manifestation n’est pas silencieuse. Les gens crient que la police est criminelle. Ils dénoncent les forces de l’ordre. Ils pointent du doigt les coupables. Ils désignent les assassins. Quand un jeune de douze ans est tué par des jeunes de son quartier ou du quartier voisin, la manifestation reste silencieuse. Personne ne désigne les assassins. La manifestation est silencieuse et restera silencieuse.

Une société en paix est une société où quand un policier tue un jeune, on téléphone à la police pour désigner l’auteur du crime ou aider à son inculpation. Une société en paix est une société où quand des jeunes en bandes armés tuent un enfant de douze ans, ceux qui connaissent les assassins ne restent pas silencieux, mais téléphonent à la police pour désigner l’auteur du crime ou aider à son inculpation.

Dans les sociétés en guerre, il y a des crimes, des attentats et des manifestations silencieuses.

Maurice Goldring

lundi 7 décembre 2009

élections

CAR (du communisme au réformisme)
Nous nous sommes réunis lundi 7 décembre 2009. Nous avons dîné et discuté politique. Comme d'habitude, nous sommes guidés par une vision stratégique et nous n'avons pas passé des heures à décortiquer la visite de Ségolène Royal à Dijon, le soutien de Vincent Peillon à Georges Frèche ou l'avenir de DSK. Non. Nous résistons. Nous n'en avons pas parlé. Il y avait plus important et plus urgent.
Nous, membres du CAR, pensons que l'avenir de la gauche passe par le PS. C'est autour du PS que peut se constituer un rassemblement permettant l'alternance. Ce n'est le cas ni du MODEM, ni des Verts, ni des néo-communistes. Cette situation déplaît, on fait encore le coup du vote utile. C'est exact. On fait encore le coup du vote utile.
Si l'avenir de la gauche en tant qu'alternance en 2012 passe par le rôle stratégique du PS, il ne faut rien faire qui puisse nuire ou affaiblir ce parti. Il faut que les prochaines élections régionales garantissent la possibilité d'une alternance aux élections générales de 2012 donc, que le PS conserve sa place hégémonique au sein de la gauche.
A qui nous adressons-nous? A l'électorat de gauche. Aux responsables du PS qui n'ont peut-être pas tous conscience du rôle historique de la machine qu'ils sont en train d'abîmer.

jeudi 3 décembre 2009

enfants de la goutte d'or

Chronique d'un habitant

Gentils enfants de la Goutte d'Or

Gentils enfants d'Aubervilliers, gentils enfants de la misère. Ce fut une chanson de Jacques Prévert pour le documentaire d'Elie Lotar de 1946 et il fallut plus d'une génération pour que les élus, les associations, les artistes, les commerçants, les syndicats de cette ville, se débarrassent de cette image geignarde et compatissante qui leur colla si longtemps à la peau. Aujourd'hui, on nous refait le coup des "petits enfants" , mais cette fois-ci de la Goutte d'Or. Une affichette a orné les vitrines dans notre quartier pendant le mois de décembre: offrez vos anciens joujoux aux enfants de la Goutte d'Or. Vos anciens joujoux. Pas des neufs, ce serait trop beau pour eux. Les joujoux que vous jetez à la poubelle quand Noël est passé, gardez les pour les enfants de la Goutte d'Or. Ainsi risquent de se trouver anéantis les années d'effort des politiques, des associations et des habitants pour que la Goutte d'Or ne soit pas un ghetto de misère, mais un quartier dont la diversité est une richesse, la mixité sociale une chance, le refus de la compassion une fierté.
Les enfants de la Goutte d'Or ont besoin de belles écoles avec des maîtres qualifiés, de parents qui travaillent, de formations qui leur permettent d'accéder à des métiers intéressants. Ils aiment aussi les jouets neufs.

Maurice Goldring

mercredi 2 décembre 2009

minaret

Nous, soussignés, habitants de la rue Polonceau, quartier de la Goutte d'Or dans Paris 18ème, n'avons aucune objection à la construction d'un minaret dans le projet architectural de la prochaine mosquée de la rue.
Premiers signataires:
Séverine Bourguignon
Maurice Goldring
Philippe Silvestre
Brigitte Pradier
Claude Moynot
Thomas Sylvand
Jessica Barre

Réponse à l'adresse électronique maurice.goldring@wanadoo.fr

lundi 30 novembre 2009

minaret

La Suisse a voté contre la construction de minarets. 60% de Suisses ont refusé les minarets. Le pays accepte l'argent blanchi, les dépôts d'escrocs qui placent leurs économies, mais refuse les minarets. Le porte-parole de l'UMP pense que les Suisses ont bien voté et que les minarets en France, non. Il y a des clochers, mais il y en avait avant la République. Nous sommes lundi 30 novembre 2009 et le danger principal c'est le minaret.

jeudi 26 novembre 2009

papier

du nouveau pour mes papiers. Premièrement, le pôle nationalité du tribunal de Paris m'a demandé les actes de décès de mes parents puisque je ne pouvais pas fournir les actes de naissance. J'ai demandé les actes de décès là où mes parents sont morts, dans le quinzième arrondissement de Paris. Le service d'état civil m'a renvoyé l'acte de décès de mon père, mais n'a pas retrouvé celui de ma mère. Ma mère n'est donc pas morte et je ne suis pas orphelin.

je reçois aussi le même jour une lettre du ministère de l'immigration et de l'identité nationale m'informant que mes parents ont demandé pour moi l'identité française, j'avais trois mois. Cette lettre me précise qu'elle ne vaut pas certificat d'identité, mais elle va certainement aider.

Dès que j'aurai une carte d'identité, j'irai dans la rue faire du bruit à trois heures du matin et m'enivrer, car je ne craindrai plus d'être renvoyé à Zakopane ou à Lublin.

vendredi 20 novembre 2009

carte d'identité

vous vous rappelez que le tribunal de paris m'a demandé les actes de naissance de mes parents. Ils sont nés à Lublin, en Pologne, les services d'état civil étaient inexistants. devant mon désarroi, une greffière m'a dit que les actes de décès valaient acte de naissance. J'ai demandé acte de décès de mon père et de ma mère. La mairie du 15ème me répond qu'elle a trouvé l'acte de décès de mon père, mais pas celui de ma mère, que pour retrouver l'acte de décès de ma mère, il faut indiquer le nom et le prénom des parents de ma mère qui sont morts en camp pendant la guerre (deuxième). J'avais huit ans, et je n'ai aucun souvenir du nom des parents de ma mère.

dimanche 8 novembre 2009

centres d'excellence

L'Université de Banville dans le New Jersey, a établi un classement des pays en fonction du nombre de saints. On retrouve parmi les dix premiers:
1. Italie 626
2. France 576
3. Angleterre 243
4. Japon 171
5. Espagne 157
6. Viêt Nam 107
7. Allemagne 102
8. Corée 90
9. Chine 75
10. Belgique 59

Le ministre des cultes recommande la création de "pôles de sainteté" qui regrouperait les pays suivants afin d'atteindre une masse critique.
Portugal 58, Pologne 25, Ouganda 22, Pays-Bas 20, ex-Tchécoslovaquie 15, Irlande 14, Hongrie 10, Autriche 8, Danemark 7, Écosse 7, Turquie 7, ex-Yougoslavie 7, Suède 6, Suisse 6, Arménie 5, Lituanie 4, Mexique 4, Norvège 4, Syrie 4, ex-URSS 4, Grèce 3, Inde 3, Canada 2, Pérou 2, Canaries 1, Équateur 1, Éthiopie 1, Géorgie 1, Liban 1 (Charbel Makhlouf, † 1898, canonisé 9-10-1977), Paraguay 1, Rép. dominicaine 1, Islande 1, Israël 1, Roumanie 1, USA 1 (Ann Seton, 1774-1821, canonisée 14-9-1975). De nationalité inconnue 141.

centres d'excellence

L'Université de Banville dans le New Jersey, a établi un classement des pays en fonction du nombre de saints. On retrouve parmi les dix premiers:
1. Italie 626
2. France 576
3. Angleterre 243
4. Japon 171
5. Espagne 157
6. Viêt Nam 107
7. Allemagne 102
8. Corée 90
9. Chine 75
10. Belgique 59

Le ministre des cultes recommande la création de "pôles de sainteté" qui regrouperait les pays suivants afin d'atteindre une masse critique.
Portugal 58, Pologne 25, Ouganda 22, Pays-Bas 20, ex-Tchécoslovaquie 15, Irlande 14, Hongrie 10, Autriche 8, Danemark 7, Écosse 7, Turquie 7, ex-Yougoslavie 7, Suède 6, Suisse 6, Arménie 5, Lituanie 4, Mexique 4, Norvège 4, Syrie 4, ex-URSS 4, Grèce 3, Inde 3, Canada 2, Pérou 2, Canaries 1, Équateur 1, Éthiopie 1, Géorgie 1, Liban 1 (Charbel Makhlouf, † 1898, canonisé 9-10-1977), Paraguay 1, Rép. dominicaine 1, Islande 1, Israël 1, Roumanie 1, USA 1 (Ann Seton, 1774-1821, canonisée 14-9-1975). De nationalité inconnue 141.
Quelques idées pour célébrer l'anniversaire de la chute du mur de Berlin


Le nazisme s'est effondré dans la débâcle d'une défaite militaire. Jusqu'au bout, les états fascistes ont obtenu le soutien de leur peuple. Le communisme ne s'est pas effondré dans la défaite militaire, mais par l'érosion de son influence, par une résistance sourde qui minait tous les rouages de l'état et de l'économie et a fini par l'écroulement, comme une falaise s'abat sous l'action des ruissellements souterrains.

Deuxième différence: les victimes du nazisme ont eu à souffrir beaucoup en tant que victimes, mais elles n'ont pas subi la deuxième souffrance des victimes qu'est la négation de leur malheur. Le négationnisme a été vigoureusement combattu et d'abord par les états des ex-pays fascistes, les historiens, les mouvements citoyens. Les victimes du communisme subissent cette deuxième souffrance que représente l'absence de jugement pénal et politique de leurs anciens bourreaux, le harcèlement de ceux qui dans la Russie de Poutine cherchent la vérité des crimes du bolchévisme. En France, les communistes, qui auraient dû être à l'avant-garde de la recherche historique, parce que c'est au nom de leurs principes que la prison stalinienne s'est construite, ont vigoureusement combattu les historiens qui mettaient à jour les crimes du système.

A la mesure de leurs hésitations stratégiques, les socialistes français hésitent encore devant l'événement. Ils ont tendance à voir dans la chute du communisme non pas la libération des peuples, mais comme les communistes et néo-communistes, la victoire du capitalisme. Ils hésitent à dire que le mouvement socialiste international, en se plaçant pendant la guerre froide du côté des démocraties occidentales, a fait le bon choix et a contribué à la chute du communisme.

Enfin l'effondrement de l'empire soviétique permet la résurgence des utopies pré-léninistes. Il faut collectiviser la propriété, supprimer l'argent et le profit, attribuer aux plus pauvres et aux plus démunis les vertus politique du prolétariat d'antan. La fin peu glorieuse de la Révolution d'Octobre permet d'en glorifier le début, de réhabiliter les coups de force, les avant-garde, les aventures, les solidarités internationales avec des adversaires résolus des principes démocratiques élémentaires. Ces mouvements fleurissent en France plus qu'ailleurs parce que le socialisme démocratique peine à les combattre.

jeudi 29 octobre 2009

identité nationale

L'identité nationale est une carte

Eric Besson, ministre de l'immigration, lance un débat pour savoir ce qu'est être français. J'interviens vite pour économiser les frais d'organisation d'une telle campagne. je connais la réponse. je suis né en France sur sol français. Le sol français ne ment pas. J'ai obtenu une carte d'identité française quand j'en ai fait la demande. J'ai voté aux élections, j'ai même été candidat. J'ai passé des concours qui exigeaient la nationalité française, j'ai été fonctrionnaire de l'état français, fait un bout de service militaire. j'étais français. Certains chipotaient, me rappelaient que mes parents n'étaient pas nés en France, mais je leur clouais le bec en sortant ma carte d'identité. Puis en juin dernier, ma carte d'identité étant périmée, j'en ai demandé le renouvellement et un fonctionnaire de la préfecteur m'a dit que mon dossier était incomplet, qu'il me fallait un certificat de nationalité française parce que mes parents sont nés à l'étranger. En attendant, est-ce que je pouvais voter? Certainement pas, il me fallait une carte d'identité encore valide. C'était la veille des élections européennes. Est-ce que je pouvais me rendre à l'étranger? Non, puisque je n'avais plus de carte d'identité. est-ce que je pouvais monter dans un avion? Non, sauf dans un charter, car sinon, on me demande une carte d'identité non expirée. Bref, je n'étais plus français. Il faut pour que je retrouve ma nationalité qu'un juge me délivre un certificat de nationalité française. Comment l'obtenir? En joignant à mon dossier l'acte de naissance de mes parents, leur acte de mariage. Ils sont nés et se sont mariés dans des régions du monde où la guerre n'a pas épargné les services d'état civil. En attendant, je ne suis plus français. J'ai pu voter aux élections européennes parce que je présidais le bureau de vote et que volontairement, je n'ai pas vérifié la date d'expiration sur la carte que je me tendais.

Tant que je ne retrouverai pas une carte d'idendité valide, je ne serai plus français. être franiais, c'est donc avoir une carte d'identité en cours de validité. Faut-il vraiment lancer un grand débat national pour trouver la réponse?

lundi 26 octobre 2009

Une majorité de membres du Parti socialiste partagent une conception social-démocrate de la politique. Les alliances sans principe, les synthèses résignées et les colères cantonales masquent cette réalité.
Actuellement, la situation est bloquée par les fuites devant les grandes questions politiques, le découragement et le retrait sur les territoires dont le cumul des mandats est l'expression administrative.
Notre groupe, le CAR (du communisme au réformisme), intervient sans guère de résultats dans les réunions de section. Il cherche d'autres sorties que les issues de secours.
A ce jour (mardi27 octobre 2009), nous pensons que seule une candidature inédite, surprenante et courageuse peut créer au sein du PS un choc salutaire.
Nous voulons contribuer à l'émergence d'une telle ambition en nous constituant en commission de recrutement pour auditionner les aspirants.
Les dossier doivent être adressés à …..

ateliers de mai

Ateliers de mai. Quelques réflexions proposées par Maurice Goldring. Octobre 2009.

Tout commence avec le regard sur la société où nous vivons. Evitons le catastrophisme. Tout va mal, tout va plus mal. La pauvreté s'accroît, la précarité s'étend, la famine se répand, l'insécurité inquiète. Nous demandons des analyses, pas des gémissements. Dans les pays émergents (Chine, Inde…), la pauvreté recule. En France, les Français sont mieux éduqués, vivent plus longtemps, en meilleure santé, habitent des logements plus spacieux et plus confortables. Le catastrophisme est démobilisateur, il insulte les luttes et les résultats obtenus par les générations successives. Je prends l'exemple du quartier où je vis. Dans la Goutte d'Or dominaient les taudis, les maisons de passe, la saleté. Les maisons insalubres ont été détruites, les maisons de passe ont disparu, une partie de la population a été relogée sur place. Mais parce que la Goutte d'Or est devenu un quartier "normal", les inconvénients qui subsistent ,sont peut-être plus insupportables qu'avant: la drogue, la prostitution visible…
Autre sujet: L'immigration est réduite au trafic des passeurs, aux victimes, à la misère, à la reconduite à la frontière. Mais elle aussi une chance pour des millions d'hommes de mieux vivre, d'abord d'échapper à la famine et aux guerres, elle ouvre de meilleurs perspectives et de nouvelles libertés pour les enfants et pour les femmes, L'immigration est une chance pour le pays mais aussi pour les immigrés.
Cette analyse commande le reste. Si notre société est un machine folle qui se précipite vers l'abîme, il faut sauter du train. Les militants réformistes de gauche ne veulent pas détruire la machine, mais choisir les itinéraires, la vitesse, les objectifs sociaux et environnementaux.
Il y a en France et en Europe une droite et une gauche, une extrême droite et une extrême gauche. Les difficultés, les conflits, les contradictions, ne sont pas plus ardues que dans d'autres périodes historiques. En politique internationale, l'islamisme radical, l'Iran et la Corée du nord ne sont pas plus dangereux que l'Union soviétique de Staline et la Chine de Mao. Les crises économiques sont graves, mais nous en avons connues d'autres aussi sérieuses. Les moyens existent pour surmonter les déséquilibres financiers, économiques, sociaux, climatiques.
La droite considère que les solutions se trouvent dans l'accumulation des pouvoirs des plus puissants et dans la culpabilisation des moins puissants. Ce qui est bon pour le CAC 40 est bon pour le pays et si les pauvres travaillaient davantage, il seraient moins pauvres. L'extrême droite rajoute un adjectif à cette politique: il faut protéger les entreprises françaises et mettre à la porte les pauvres quand ils sont étrangers. L'extrême-gauche considère depuis 1830 que la situation est révolutionnaire. Quand elle ne réussit pas à faire faire la révolution, elle aggrave les conflits et les tensions. Quand elle réussit à faire la révolution, que Dieu protège les peuples.
Face à cette politique particulariste, égoïste, favorisant les plus forts et les mieux nés, il n'est pas étonnant que les réactions soient si souvent corporatistes. Les mouvements d'ensemble dépassant les intérêts particuliers peinent à s'organiser. Selon les circonstances, les quartiers défavorisés vont flamber, les routiers bloquer les dépôts d'essence, les pêcheurs bloquer les ports, les agriculteurs bloquer les grandes surfaces. Dans les entreprises en difficulté, des colères circonscrites obtiennent des compensations. Les indemnités de licenciement sont les parachutes des salariés, un peu moins dorés. Ces mouvements parcellaires sont le miroir d'une politique gouvernementale communautariste. Aux cadeaux fiscaux pour les plus riches, aux avantages accordées aux populations qui vivent dans des quartiers privilégiés, au financement public d'une formation élitiste qui favorise les enfants favorisés répondent des actions parfois violentes de ceux qui sont exclus.
L'urgence pour un parti réformiste de gauche est de dégager les priorités, de construire un intérêt général, de mener un travail d'invention, de réflexion et de pédagogie. La gauche doit avoir l'ambition de construire la paix et la cohésion sociales par la justice, le respect, la solidarité, l'inclusion dans tous les domaines. Quand le quartier, l'école, le travail, dévalorisent l'individu, la reconquête de la dignité perdue se recherche dans le retrait à l'intérieur d'une communauté rêvée oui réelle. Ce retrait résulte de l'humiliation de ne pas pouvoir intervenir dans les mécanismes sociaux qui régissent les destins. L'humiliation d'être à la place que le lieu de naissance, le sexe, l'origine, la couleur de peau, le prénom, vous ont assignée. En l'absence de diplômes ou de salaires on se réfugie dans les valeurs qui vous disent le contraire de votre situation sociale : vous êtes important parce que vous êtes nés là vous êtes nés, vous êtes important parce que vous croyez ce que vous croyez. Ceux qui disposent des ressources matérielles et culturelles qui leur permettent d'intervenir dans leur vie et dans celle de la cité auront tendance à se dégager de leur communauté. Ils auront aussi tendance à admirer les replis sur la nation, sur la classe ou le quartier. Paradoxalement, "aider" les gens à rester chez eux, entre eux, peut contribuer à leur enfermement. On comprend que les privilégiés soient tenté s par cet égoïsme charitable. C'est la garantie que les exclus resteront chez eux et ne viendront pas les concurrencer sur leur terrain.
L'avenir peut prendre les formes du repli, du protectionnisme, des enfermements, des affrontement. Il peut prendre la forme d'un développement solidaire. La ville de Paris conserve un visage humain parce qu'on y construit des logements sociaux. C'est l'intérêt d'une ville dans toutes ses composantes, et les plus riches doivent participer à la solidarité urbaine sous peine de se refermer derrières des gardiennages, des systèmes de sécurité, des barbelés. La sécurité de tous dépend beaucoup plus de solidarités actives que du nombre de policiers.
La notion de solidarité est liée à la nécessité d'ouverture et de développement économique et culturel. La pression est forte pour réserver les ressources à ceux qui vous portent au pouvoir. Dans les quartiers en déshérence, la population en difficulté demande que l'on recrute prioritairement la main d'œuvre locale, qu'on construise des logements prioritairement pour les mal-logés du quartier. Le PS doit affirmer qu'il est de l'avantage de tous, mais d'abord des plus pauvres, de combattre le repli protectionniste. Il est de l'intérêt des plus démunis que viennent s'installer à Barbès des grands magasins comme Virgin ou la Grande Récré. Que là où le protectionnisme et le clientélisme ont joué à plein, comme en Corse, ou longtemps en Irlande, les éléments les plus dynamiques, les plus entreprenants, sont allés chercher ailleurs où employer leur talent et il en est résulté sur place une misère endémique.
Enfin le réformisme de gauche doit défendre la démocratie comme l'une de nos valeurs fondamentales qui nous distingue des extrémismes. Une partie de la société est attirée par des solutions et des modes d'action extrêmes. Il revient aux socialistes de ne pas souffler sur les braises, mais d'intervenir pour qu'émergent des solutions de compromis favorables à la société dans son ensemble. Il faut le dire à chaud, au moment du blocage des facs ou des séquestrations de cadres.
Le réformisme de gauche défend aussi la démocratie à l'échelle internationale. Au plan international Devant les menaces du terrorisme intégriste contre la démocratie occidentale, nous sommes du côté de la démocratie. Nous devrions, mais avons-nous choisi? Au Pays basque, les socialistes se sont alliés à la droite pour lutter contre le terrorisme et défendre la démocratie. Le nouveau dirigeant de la communauté autonome basque est socialiste. Aucun télégramme de félicitation. Sur l'Irak, l'Afghanistan, la Corée du Nord, Cuba, il faut choisir. Sur la construction européenne, il faut choisir. Faut-il mettre ne œuvre le traité de Lisbonne ou le dénoncer? Nul télégramme de félicitation du PS à la gauche réformiste irlandaise qui a contribué au succès du oui au traité de Lisbonne. Le Proche Orient est un autre terrain où le choix est nécessaire. Le Monde a publié un appel à soutenir ensemble la politique de Barak Obama au Proche-Orient. Cet appel est signé par Lionel Jospin, Romano Prodi, Simone Weil, Alain Juppé, Michel Rocard, Jean-François Poncet, Hubert Védrine. Silence sur une initiative qui dérange les simplifications.
Toutes ces idées ne sont ni neuves ni originales. Le PS est inaudible, pas parce qu'il manque d'idées, mais pour des raisons politiques. Un dernier exemple: Sommes nous fiers ou sommes nous honteux que des socialistes dirigent le FMI et l'OMC? Les réponses exigent un choix, un débat qui se conclut par une majorité et une minorité, pas des synthèses floues.
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lundi 12 octobre 2009

cherchez l'intrus

Cherchez l’intrus

Mozart monte sur les planches à l’âge de quatre ans, Minou Drouet a publié un immense succès, Arbre mon ami, un recueil de poésie, à l’âge de 8 ans, Stevie Wonder a enregistré son premier disque à l’âge de onze ans, Guy Moquet devient héros de la résistance à l’âge de 16 ans, Rimbaud termine son œuvre poétique à 17 ans, Évariste Gallois publie son premier article mathématique à l’âge de 17 ans et François Sagan Bonjour Tristesse à 18 ans. Jean Sarkozy accède à la présidence de l’Etablissement public d’aménagement de la Défense à l’âge de 23 ans. C’est un peu tard, non ?

dimanche 11 octobre 2009





Un quartier monde



Parfois le monde envahit mon quartier et d’autres fois mon quartier envahit le monde. Ces dernièrs temps, un homme issu des minorités visibles, militant associatif de la lutte contre la pauvreté et la précarité a été élu président d’une grande puissance mondiale et a même reçu le prix Nobel. Un ancien ministre de l’intérieur et présent maire du 18ème arrondissement demande la légalisation du cannabis. Des personnalités connues ont été rattrapées par leur addiction, c'est à dire une consommation irrésistible que l’usager est incapable de contrôler malgré les dégâts qu’elle provoque sur sa santé ou sa carrière ou dans son entourage. Exemple : addiction à l’alcool, à l’héroïne ou au sexe. Tout ça s’est passé dans la Goutte d'Or, dans mon quartier, dans les semaines qui viennent de s’écouler. Il y a dans les grandes villes des quartiers résidentiels, des quartiers culturels, des quartiers de loisirs, des quartiers dortoirs. Et puis il y a des quartiers monde. Un quartier où il s’est passé en quelques semaines tout ce que je viens de dire est un quartier monde. Il n’y en a pas beaucoup. La majorité des quartiers sont des portions d’humanité comme on dit des quartiers d’orange. La Goutte d'Or n’est pas un quartier, c’est le fruit tout entier.



Maurice Goldring

mardi 6 octobre 2009

respect

Respect

Dans certains quartiers privilégiés et banlieues huppées, l’absentéisme des fins de semaine atteint un seuil inquiétant, tant les familles préfèrent un séjour prolongé en résidence secondaire à l’assiduité scolaire. Pour combattre cet absentéisme, le chargé de mission propose d’offrir soit une montre Rolex soit des stock-options aux élèves des classes les plus touchées. L’expérience est en cours à Neuilly sur Seine et à Versailles .

samedi 3 octobre 2009

Vendredi 2 octobre 2009. Sur les marches du festival, des jeunes militants abertzale tout de noir vêtus portent des pancartes demandant ce qu’est devenu Jon Anza, un militant nationaliste qui a disparu. Je rentre chez moi et je prépare une pancarte au cas où ils reviendraient. Je la rédige, je la plie en quatre. La voici :



Je réclame pour Jon Anza ce que l’ETA a refusé à ses victimes :
justice

lundi 28 septembre 2009

cumul des mandats

il en est du cumul des mandats comme de la peine de mort. les adversaires de son interdiction ne sont jamais contre. Personne n'est pour la peine de mort, personne n'est pour le cumul des mandats. Mais il se trouve des cas particuliers, comme les crimes contre les enfants par exemple. Pour le cumul des mandats, il y a aussi plein de cas particuliers...

vendredi 18 septembre 2009

carte d'identité suite

Suite du feuilleton sur carte d'identité. J'ai RV le vendredi 17 septembre 2009 à 13 heures 30. Je prends le numéro 45 à une machine. On appelle le 45. Oui, la règle du code civil est claire: "la charge de la preuve en matière de nationalité française incombe à celui dont la nationalité est en cause". Ma nationalité est en cause. En 2006, on a demandé au service des cartes d'identité de demander un certificat de nationalité française à tous ceux dont les parents sont nés à l'étranger. 2006. Qui était ministre de l'intérieur? Il me faut donc constituer un dossier pour obtenir d'un juge le certificat de nationalité française (désormais CNF). Ce dossier comprend l'acte de naissance du père et de la mère. Vous ne les avez pas? Non. mes parents sont morts et sur leur lit de mort, je n'ai pas pensé à leur demander leur acte de naissance. où avais-je la tête? Grand étourdi, va…me dit l'employée en m'ébouriffant les cheveux. Il me faut aussi leur décret de naturalisation, l'acte de mariage et le livret de famille de mes parents, que je n'ai pas non plus pensé à leur demander avant leur dernier souffle. J'ai de la chance, parce que dans la liste des papiers demandés, ça va jusqu'à arrière, arrière grand-père de l'intéressé, pour les actes de naissance, les actes de mariage et le livret de famille. Je demande à l'employée si tout ça va prendre du temps. Elle me dit oui, les bureaux sont engorgés. Je lui demande, si je meurs avant, faut-il que j'envoie un certificat de décès. Elle ne répond pas. Je lui demande, est-ce que ce ne serait pas plus rapide d'épouser une française pour une somme modique, il y en a qui accepteraient même pour pas un sou, et de demander ensuite une naturalisation. L'employée me dit qu'il faut quatre ans minimum. Je rentre chez moi et j'envoie les lettres pour demander tout ce qu'il faut. Pour le décret de naturalisation, l'adresse à Rézé est ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale, sous-direction de l'accès à la nationalité française, rue tenez vous bien, rue de la Commune

carte d'identité suite

vendredi 11 septembre 2009

courage, camarades

Courage, camarades, l’avenir nous appartient.


Un vote a donné la majorité à Martine Aubry candidate au poste de première secrétaire du PS. Le résultat était serré et une commission compta et recompta. On se serait cru en Floride à la fin des élections présidentielles de 2000, on se serait cru au Gabon après les élections contestées d’Omar Bongo, on se serait cru en Iran après les présidentielles. Qu’y a-t-il de commun entre ces votes ? L’attraction irrésistible du pouvoir, bien plus forte que l’intérêt du pays, des peuples ? Sans doute. Mais la vie continue. Les votes sont contestés pendant quelques semaines, quelques mois, puis on passe à la vie courante, les dirigeants sont reconnus par les grandes puissances, le commerce reprend, avec les grèves, les manifs, les conflits, les crises. La vie politique, quoi…

Pas au Parti socialiste. Le parti socialiste depuis une dizaine d’années, considère qu’il est plus important de prendre le pouvoir au sein du parti que dans le pays, donc que les élections internes sont plus importantes que les élections générales. Le sort de l’Europe s’est joué par un scrutin interne à quelques milliers de voix prés et de toute manière, Laurent Fabius a dit qu’il y avait plus important que l’Europe, c’était son avenir personnel. Puis des votes ont eu lieu sur des motions, des orientations. Personne ne tenait compte de ces résultats, puisque la politique résultait de compromis entre dirigeants de courants. Aujourd’hui, des journalistes enquêtent et apportent des preuves de magouille électorale. Ségolène Royal, en exil en Poitou-Charentes, lance un appel à la résistance, connu sous le titre « appel du 11 septembre » « Ici Poitiers, Ici Poitiers, les socialistes parlent aux socialistes ».

Sur le traité de Lisbonne, sur la taxe carbone, sur la réforme constitutionnelle, sur la crise, sur la réforme universitaire, sur l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan, sur le cumul des mandats, les relations avec la gauche extrême, sur l’immigration, le PS prendra position et mènera le combat dès que les fraudeurs présumés seront punis, dès qu’un nouveau vote aura lieu, bref, encore cinq ou six ans, et la France saura ce que pense le PS sur ces sujets secondaires.

jeudi 10 septembre 2009

laxisme

deux prisonniers s'échappent le même jour. c'est le résultat d'une politique sécuritaire laxiste où l'on veut prévenir plutôt que punir. Nous demandons la démission immédiate du ministre de l'intérieur socialiste. Telle est la demande de plusieur députés UMP.

vendredi 4 septembre 2009

orléans tours

Orléans Tours lundi 31 août 2009


Brigitte pleure comme chaque fois que la randonnée se termine parce qu'une randonnée, dit-elle, c'est quelque chose de fort et chaque fois qu'une randonnée se termine, elle pleure la fin d'une randonnée. Elle ne pleure pas pour une raison précise. Comme la randonnée de Biarritz au Fouilloux où elle a appris que son frère Pierre était atteint d'un cancer à l'estomac. Elle pourrait pleurer pour le cancer de Danièle. Ces nouvelles font partie des randonnées comme elles font partie de la vie. Non. Elle pleure pour rien d'autre que la fin de la randonnée. Comme les ados pleurent à la fin d'une colonie de vacances. Je lui dis qu'elle est sentimentale. Elle dit non, qu'elle n'est pas sentimentale, mais que la randonnée, c'est quelque chose de spécial, rien qu'à nous deux et qu'après et avant une randonnée, il y a plein de plaisirs partagés, alors que la randonnée, ce n'est pas un plaisir partagé, c'est un plaisir à nous. que nous deux. Isolés. égoïstement. La piste est loin du monde. loin des villes. loin de la campagne. pas d'estaminet, pas de marchands de journaux, pas de radio, pas de télévision, nous ne croisons personne. Nous sommes deux seuls.

Deux seuls, tout seuls, nous prenons le métro Château Rouge direction gare de l'Est, puis ligne Porte d'Italie. Seuls, nous descendons Gare d'Austerlitz. La salle des billets est déserte et nous allons directement acheter deux allers Paris Orléans à 15 heures 48. Tarif senior. Nous avons une heure d'avance. Nous nous installons à la terrasse déserte d'un café, Brigitte commande un Nestea, un énorme verre de 35 centilitres, moi un café comme d'habitude. Je lis pour la dernière fois le Monde, Brigitte lit le supplément hebdomadaire consacré la semaine dernière à l'érection masculine et cette semaine aux personnages du film de Jacques Audiard, le Prophète. Comme nous avons vu le film hier soir samedi, ça tombe bien, les personnages sont encore frais dans notre mémoire parfois défaillante et nous pouvons en parler calmement, sans tension portant sur l'absence ou la présence d'un détail vestimentaire ou psychologique. Le train est annoncé à quai avec quarante minutes d'avance, nous terminons tranquillement café et Nestea en lisant qui le Monde qui le supplément, nous savons que pendant la semaine qui vient, nous ne lirons plus la presse, peut-être la trouverons nous, mais rarement, car dans les petites villes traversées, la presse nationale est rare sur les présentoirs. Même si nous l'achetons, ce qui arrive, entre la fatigue de la randonnée et les visites obligatoires aux monuments imposés, il ne reste plus de temps pour lire. Brigitte a faim, elle va acheter un croissant et mange son croissant en terminant la lecture du supplément. Nous prenons les valises roulantes par la poignée, plus un sac piquenique, et nous dirigeons vers le numéro du quai qui s'est affiché sur le tableau des horaires. Le quai n°17 ou 18. Un contrôleur conseille à Brigitte qui a encore quelques miettes du croissant sur son blouson, je lui fais remarquer, amicalement, avec tendresse même et elle ne m'en veut pas, car souvent elle me signale sur ma tenue tel ou tel morceau de viande ou une miette de biscotte ou une salade qui se colle et ce sont des services que nous nous rendons mutuellement depuis des années sans que ces remarques puissent être assimilées à des remontrances ou à des récriminations dont nous avons souvent été témoins dans les trajets Paris Biarritz surtout dans les wagons des seconde classe, parce qu'en première, les couples se haïssent autant qu'en seconde, mais le patrimoine les empêche de récriminer; la conseille sur le wagon qui se trouvera face au train de correspondance.

Le train est Corail, un TER intercity, avec des compartiments de six places. Nous choisissons un compartiment vide, mais un jeune homme viendra s'y installer, puis un autre. Des intrus. Nous disposons les valises et les sacs après être passés sans regret devant les wagons où s'accrochent les vélos, il faut grimper des marches, je ne vous dis pas. Le jeune homme colle son oreille à un téléphone portable. Allo maman, ne t'en fais ça ira, je ne prends pas de risque. Tout ira bien. J'ai pris toutes mes précautions. Au début, je croyais que c'était le fils de Ma Baker ou de Ma Dalton qui allait braquer une banque à Orléans, quelle idée de prendre le train pour un braquage de banque, à Orléans en plus et un dimanche où les banques sont toutes fermées. Puis, en écoutant, oui j'ai écouté, mais c'était à lui d'aller téléphoner dans le couloir et pas à moi à sortir pour ne pas entendre sa conversation, ce serait le monde à l'envers, non? Donc j'ai entendu qu'il avait perdu tous ses papiers, carte d'identité, carnet de chèques, tout. Non, pas volé. Perdu. Avec son billet de train. Perdu carte bleu aussi. Il n'a pas pu acheter son billet. Il lui fallait payer soit en liquide, soit par chèque soit par carte bleu. Trois modes de paiement. Il n'avait pas de liquide et n'a pas pu en retirer car il n'avait pas de carte bleu et au guichet de sa banque, on lui a dit qu'il fallait, pour qu'il retire de l'argent, un carnet de chèque et un papier d'identité. La déclaration de perte qu'il avait faite au commissariat ne valait pas document officiel. Non, il ne va pas prévenir les contrôleurs, car s'il les prévient avant le départ du train, maman, ils vont me faire descendre et je n'ai pas envie de passer une nuit de plus à Paris. Je vais attendre que le train ait démarré et ensuite j'irai les voir, ils ne sont pas loin. De ne pas avoir pris nos vélos personnels, d'attendre l'hôtel d'Orléans pour monter en selle nous éloigne peut-être du vélo et nous rapproche de récits non cyclistes. Je ne risque rien , maman, au pire, une amende. Je vais raccrocher,, maman, je n'ai presque plus d'unités. Si tu veux tu me rappelles. D'ordinaire, dans un train, quand quelqu'un passe du temps au téléphone, je fais remarquer le logo portable endormi ronfleur alors que dans le couloir, le logo est un portable aimable qui pète le feu en souriant. Tout le monde comprend, non, ou devrait comprendre. Mais en entendant ce pauvre jeune homme qui avait perdu tous ses papiers confier le récit de ses épreuves à sa maman, quand on a perdu ses papiers, à qui on téléphone, hein, on téléphone à sa maman, là il n'y a plus de copains qui vaille. Donc en entendant ce récit tragique, je n'ai pas eu le cœur et je l'ai laissé terminer, en me disant si sa mère rappelle, alors là oui, je lui montrerai le logo, mais la mère n'a pas rappelé, elle est peut-être près de ses sous. Le jeune homme d'à côté a passé les trois quarts d'heure du trajet à pianoter des SMS ou c'était peut-être un jeu, je n'ai pas pu voir. Dehors, le paysage était plat, des grands champs de céréales. Aux Aubrais, nous prenons la micheline dix minutes, nous sommes au centre d'Orléans et un taxi.nous emporte vers un hôtel en bord de Loire ou une hôtesse rayonnante nous accueille. Nous reprenons le vélo pour visiter la ville qui contient surtout la statue de Jeanne d'Arc et une cathédrale dont les deux tours se terminent en couronnes. Dîner, coucher tôt, déjeuner, en route le long de la Loire dont les chemins dans l'ensemble sont plutôt confortables. Nous croisons de promeneurs, des coureurs, des marcheurs, quelques cyclistes, peu de randonneurs. Meung sur Loire est lourd d'histoire et de passé. Beaugency aussi. Le château de Dunant, lieutenant de Jeanne d'Arc, est fermé pour travaux de rénovation. Nous nous promenons dans les rues de la ville, des rues pavées très anciennes qui nous arrachent des cris d'admiration. Le soir, une pute épouse un milliardaire.

Au départ de Beaugency, il pleut. Nous partons malgré le mauvais temps parce que nous sommes attendus à Blois. Enfin, attendus, c'est une façon de parler, je vue dire qu'une chambre d'hôtel a été retenue à Blois. Le chemin de Beaugency à Blois est superbe. Vue sur la Loire, sur des petits villages, sur des champs de mais, sur des vignobles. Il n'y a personne d'autre que nous dans les forêts traversées, sur la chaussée goudronnée ou les chemins de terre. Il pleut. La pluie de bruine. Qui pénètre. Qui monte par capillarité. Qui mouille partout. D'abord les genoux, puis l'humidité monte et envahit les poches de devant, l'intérieur des sacoches, l'intérieur du contenu des poches, les billets de banque s'alanguissent, l'humidité efface le montant en francs et en euros des tickets de carte bleu, la ceinture trop serrée n'empêche pas le flot de monter jusqu'aux épaules. Mais on s'en fout parce qu'il ne fait pas froid et qu'une douche habillée reste une douche. Ensuite, dès que la pluie cesse, en été, le soleil et le vent font merveille et en quelques minutes, tout est sec, sauf les reçus de carte de bleu et les billets de banque qui ont du mal à retrouver leur consistance normale. J'oubliais le mouchoir en papier qui est devenue une boule informe de cellulose mal digérée, mais le mouchoir n'importe, car on le jette alors que les billets de banque, même humides, même avachis permettent d'acheter des chemises ou des lunettes de soleil puisque je profite de l'occasion pour annoncer ici que j'ai oublié de mettre dans la valise à roulettes des chemises à manche courte et une paire de lunettes de soleil et donc que j'ai acheté des lunettes de soleil à Beaugency et des chemises à manche courte à Blois. Cet oubli m'inquiète. Est-ce l'âge? C'est le premier voyage où j'oublie l'essentiel, c'est à dire une paire de lunettes de soleil et des chemises de rechange. Est-ce la bruine du temps qui passe, les secondes qui tombent drues qui ont fini par pénétrer les cellules du cerveau et seraient-elles dans le même état qui mes reçus de carte bleu et mes billets de banque, dont le reçu des lunettes de soleil achetées à Beaugency, pas celui des chemisettes de Blois puisque je ne les avais pas encore achetées. Je rentre dans la boutique, puis-je vous aider, je voudrais des chemisettes à manches courtes, la vendeuse me toise, littéralement, comme une toise et me dit « il ne nous reste pas grand chose en XXL. Elle ne m'a pas demandé quelle taille. Elle m'a imposé ma taille. XXL, c'était à moi de le dire. Pas à elle. J'achète deux chemisettes, une grise et une blanche à motifs, et le reçu de la carte bleu va se blottir contre les autres reçus pendouillant de pluie et à son tour se pénètre des gouttes du Loir et Cher. Quand Brigitte arrive, je suis en train de payer et elle regarde la chemisette grise sans dire un mot.

De Beaugency à Blois en passant par Chambord. Étape obligatoire. S'il n'y a le temps que pour une château, Chambord s'impose. Les escaliers à double hélice. Les tourelles, le parc. Déjeuner dans le parc. Vélo jusqu'à Blois, achat des chemisettes, pluie, château de Blois, fermé à six heures, mais nous en voyons assez pour retrouver le style renaissance, avec des escaliers en colimaçon mais pas de double révolution comme à Chambord, irremplaçable. Les rues historiques, dîner au Monarque. Les habitants de Blois sont des blésiens. Les habitants de Tours étaient des turons et des turones, mais désormais ils s'appellent comme les habitants de Touraine, les tourangeaux et les tourangelles.

De Blois à Amboise, la piste quitte souvent la Loire pour s'égarer dans les collines de vignoble d'un raisin très noir, qui pend en bas de la pousse et dont la couleur se confond souvent avec le noir de la terre, le noir du sol, et nous nous arrêtons plusieurs fois pour vérifier que des raisins il y a, car si des raisins il n'y a pas, à quoi bon appeler cette route route des vignobles et grimper des côtes dont on pourrait franchement se passer en l'absence de raisins. Le temps est variable, des nuages, quelques gouttes, des éclaircies, la piste est bonne souvent goudronnée et bien signalisée. Heureusement, parce qu'il n'y a personne dans les champs ni dans les vignes ni nulle part, parois nous voyons une vache, un lapin, une biche, un chat qui traverse la route plus nous deux et des fils électriques qui indiquent un pays développé ainsi que des cuves de purification de l'eau sale, de la merde en centrifugeuse prise dans de gros bouillons, mais tout est automatisée et aucune présence humaine ne justifierait de se perdre, de s'arrêter pour demander notre chemin. Pas d'estaminets, bien entendu, pas de restaurant, et quand nous arrivons à Amboise, le premier restaurant qui passe devant nos yeux déclare que l'heure du dernier service est dépassée et le patron, après nous avoir regardé, a jugé que nous pouvions attendre un peu, que deux heures et demie, ce n'est quand même pas la catastrophe alimentaire du siècle. A-t-il pensé. Mais quand même. Même regard, même commentaire silencieux d'une serveuse qui nous laisse utiliser les toilettes sans consommer « vous n'avez pas besoin de consommer vous pouvez utiliser les toilettes », une gentillesse qui nous redonne de l'énergie pour emprunter une rue semi piétonne, est-ce la rue Louis XII? Une rue Joyeuse, je me rappelle, une rue Jean-Jacques Rousseau, et toutes ces rues qui portent des noms de rois guillotinés à cause de l'auteur du Contrat social. Sur la terrasse de la brasserie qui n'avait de brasserie que le nom puisque le service n'y était pas continu, nous nous rappelons brusquement, en même temps, que lors de notre première randonnée ensemble, nous nous étions arrêtés à Amboise, près d'une tour historique, et nous avons ensuite continué vers Poitiers, mais là, nous avions pris un demi panaché, peut-être, ou un chocolat chaud, et nous avions glissé la roue avant du vélo dans la même grille à vélo qui il y a dix ans était neuve et aujourd'hui rouillée, nous n'avions pas pris la rue qui menait au château d'Amboise et c'est dommage, car le château de l'extérieur est vraiment impressionnant et plusieurs restaurants profitent de la foule de touristes japonais, britanniques, allemands, italiens, pour restaurer sans arrêt de dix heures à vingt-deux heures et nous prenons un complète et une médicis, la crêpe des assassins de protestants. Les appareils numériques permettent aux Japonais de prendre des photos de mitrailler, les cartes comprennent dix mille photos peut-être et ils mitraillent et ensuite ils montrent leurs victimes sur l'écran. La fatigue s'installe, hôtel, nous nous endormons devant Nestor Burma et il est trop tard pour visiter le château d'Amboise, nous irons demain. Le soir, Mao prend le pouvoir en Chine. Nestor Burma joue du saxophone après avoir résolu une énigme policière complexe.

Amboise Tours. La piste est belle, le vent souffle. Nous avons visité le château d'Amboise avant de prendre la route, la guide est enrouée, mais pédagogue, compétente, nous apprenons plein de choses sur l'histoire de France, sur la famille royale, sur Léonard de Vinci qui est enterré ici, sur Abd el Kader. Tours est notre dernière étape et Brigitte se prépare à pleurer, mais elle ne pleure pas encore, elle pleure quand on arrive au dernier hôtel de la dernière étape, elle pleure de la fin de la randonnée et j'ai beau lui dire qu'il y aura d'autres randonnées, peut-être la traversée du désert de Gobi, elle me dit que ces futures randonnées ne l'empêcheront pas de pleurer. La cathédrale de Tours. Les rues piétonnes, les cyclistes. Nous achetons les billets à la gare de Tours, nous calculons le temps qu'il nous faut pour aller de l'hôtel à la gare, nous rendons nos vélos sans remords ni regrets, nous pensons à la prochaine randonnée qui doit être inédite, Brigitte remplit le questionnaire de satisfaction et refuse, dans la colonne suggestions, d'organiser une randonnée dans le désert de Gobi, la perspective d'une telle traversées s'estompe, car ce n'est quand même pas dans vingt ans que je traverserai le désert de Gobi. Ni même dans dix ans, ni même l'année prochaine. C'est la rentrée des classes les jeunes filles en fleurs discutent des qualités de leurs enseignants, surtout de leurs enseignantes, et elles téléphonent dans leur portable, le cauchemar des profs, paraît-il. Un couple se dispute tout bas. Comment s'appellent les habitants de Tours? Les Tourangeaux. Bien. Mais les habitants de la Touraine se nomment aussi les tourangeaux. N'y a-t-il pas confusion possible? Le directeur de l'hôtel l'admet.

Tout est tellement bien organisé que rien à raconter il ne reste. Randonnesquement. Il reste les relations entre nous, qui sont tellement régulièrement dans la colonne de satisfaction très bien, que là non plus, il ne reste rien à raconter encore que disséquer le bonheur ça ferait peut-être un malheur. Il reste à imaginer les romans des personnes croisées à la terrasse d'un café, d'une mère seule en décolleté avec une petite fille qui pleure, imaginer pourquoi la fille pleure et pourquoi une mère sort en décolleté. Il reste à imaginer pourquoi Brigitte pleure à la fin des randonnées.

mercredi 26 août 2009

25 septembre 2009

Le PS se dirige vers des primaires pour désigner son candidat aux élections présidentielles. C'est sur ce thème que la discussion va se focaliser et les autres questions vont s'évaporer. Le parti socialiste éprouve-t-il l'envie de trancher sur les questions fondamentales? On peut en douter à voir la succession de passions subites pour des sujets qui esquivent les choix fondamentaux. Aujourd'hui les primaires.
Deux exemples entre mille. Les licenciements, le chômage, la formation. Deux lignes de résistance existent et s'opposent. La ligne réformiste sociale-démocrate: les emplois disparaissent et apparaissent mais ceux qui les occupent doivent disposer de parachutes pour atterrir et d'un accompagnement qui leur permette de vivre et travailler dignement. La ligne "radicale" veut interdire les licenciements. Les syndicats sont majoritairement sur une ligne réformiste et les "radicaux" insultent leurs dirigeants et leur stratégie de luttes et de négociations. Le parti socialiste va discuter des primaires.
Deux lignes s'opposent sur les alliances. Soit le rassemblement des partis de gouvernement sur la base d'un programme: le PS, les Verts, la fraction des communistes qui aspire à gouverner, les radicaux de gauche, un Modem qui accepte de s'engager à gauche. Soit une alliance qui, de Besancenot au PS en passant par le Parti de gauche et le PC maintenu, organisera ensemble de vibrants meetings où l'on chantera l'Internationale et expliquera ensuite séparément les raisons de la défaite. Les primaires peuvent être un bon moyen de ne pas choisir pendant encore un ou deux ans.

Rien ne presse.

Maurice Goldring

vendredi 14 août 2009

autonomie du pays basque

Demain le Pays basque autonomie

Sous ce titre en français et en basque, une brochure de Batasuna, l’aile politique de l’ETA, est distribuée dans les boîtes aux lettres du mois d’août aux touristes qui passent leurs vacances à Biarritz. Batasuna est un parti interdit en Espagne pour ses liens avec une organisation terroriste, mais c’est un parti autorisé en France.

Le Pays basque est présenté comme un espace « naturel » de sept provinces. Le développement de « notre territoire » doit s’appuyer sur « notre histoire, notre culture et notre identité propre ». Le Pays basque exprime depuis de longues années sa volonté d’avoir une institution propre pour les trois provinces du Pays basque Nord. La France doit tenir compte du droit des peuples auxquels elle impose sa tutelle.

Est-ce une revendication nationaliste ? Non. Il s’agit d’une revendication démocratique. Demander que « nous » puissions nous-mêmes décider de notre avenir est une revendication qui émane de tout citoyen basque. « Nous » devons pouvoir décider dans le domaine du logement, de l’économie, de la culture, de nos relations avec les Basques du sud. Avec l’autonomie, l’argent public reste au Pays basque. Actuellement Paris refuse de reconnaître cette réalité et « cette négation est source de conflit ».

Aussi vrai que 2 et 2 font 4, tu épouseras ma sœur. Ainsi peut-on forcer des gens à se marier, puisqu’effectivement 2 et 2 font 4. Telle est la méthode utilisée par Batasuna. Actuellement, les différents partis qui réclament l’autonomie se présentent aux élections et obtiennent avec une grande régularité, moins de dix pour cent des voix. Ce n’est donc pas Paris qui refuse l’autonomie, ce sont plus de 90% des électeurs du Pays basque français.

Comment contourner la difficulté ? En décidant que ne sont citoyens basques que ceux qui réclament l’autonomie. « cette revendication émane de tout citoyen basque ». Donc le citoyen d’où n’émane pas la revendication n’est pas citoyen basque. À un référendum sur l’autonomie ne participeront bien évidemment que les citoyens basques, c'est à dire ceux qui sont pour l’autonomie.

En refusant d’accorder aux citoyens basques l’autonomie qu’ils réclament, Paris impose sa tutelle qui est source de conflit. La brochure ne s’étend guère sur ce terme. S’agit-il des bombes lancées sur des agences immobilières ou des résidences secondaires ? S’agit-il des assassinats d’élus et de gardes civils du côté espagnol, assassinats que Batasuna refuse de condamner ?

Les mensonges, la purification ethnique guerrière ou symbolique, l’intimidation et la terreur politique doivent toujours être combattus.

les valises sont pleines

Les valises sont pleines, il ne manque que la boussole.

Aux membres du Parti socialiste, on annonce des journées d’études, des consultations, des conventions thématiques, des votes, des études et des expertises. Sommes-nous un parti politique ou un institut de sondage ? Aspirons-nous à gouverner ou à lancer une étude de marché pour un nouveau produit ? Nous sommes une centaine de milliers de militants socialistes, des dizaines de milliers d’élus à tous les niveaux qui travaillent et réfléchissent avec les Français. Il ne s’agit pas de « ressenti », il s’agit d’expérience accumulée à tous les niveaux. Nos tiroirs débordent de propositions, de programmes, de réformes. Nous sommes prêts à les soumettre aux citoyens, nous savons ce que le pays pense, ce qu’il attend de nous.

Elles veulent un logement confortable dans un quartier aimable. Elles veulent un travail intéressant qui leur permettra de gagner correctement leur vie. Elles souhaitent habiter un quartier où l’école ne contribuera pas à enfermer leurs enfants dans le destin que l’histoire, la géographie, la biologie leur assignent. Elles souhaitent pouvoir sortir le soir en toute tranquillité. Elles souhaitent une société apaisée et plus juste où les intérêts divergents seront négociés et aboutiront à des compromis. La majorité des hommes partagent ces aspirations.

Nous ne manquons pas de propositions, nous sommes divisés sur les grandes questions stratégiques. Une petite partie de la société est attirée par des solutions et des actions extrêmes. Ce qui revient aux socialistes n’est pas de souffler sur les braises, mais d’intervenir pour qu’émergent des solutions favorables à la société dans son ensemble. La question des alliances : peut-on gouverner avec ceux qui considèrent que la social-démocratie est l’adversaire principal ? À l’échelle internationale, devant les menaces réitérées contre les démocraties occidentales, avons-nous choisi ? Sommes-nous fiers ou sommes-nous honteux que des socialistes dirigent le FMI et l’OMC ? Faut-il mettre en œuvre le traité de Lisbonne ou le dénoncer ?

Recenser les questions stratégiques qui nous divisent, engager la discussion et dégager sur les points les importants une minorité et une majorité semble plus urgent que de réinventer ce qui existe déjà. Discuter du modèle de voiture, de l’âge du conducteur et des aménagements intérieurs tant que nous ne fixons pas l’itinéraire, semble vain. Sans clarté sur l’orientation, nos propositions ne seront ni audibles et crédibles.

Maurice Goldring.

samedi 8 août 2009

enfants

qu'est-ce qui déchire davantage le coeur des parents qui abandonnent leurs enfants à d'autres (amis, famille, école)? Quand les enfants pleurent ou quand les enfants ne pleurent pas?

mardi 14 juillet 2009

union avec qui?

à aix-en-provence, pour les élections municipales de dimanche prochain 19 juillet, un accord de fusion a été réalisé entre PS, Modem et Verts contre la droite. la Liste "Aix à gauche", PCF et NPA, ne donne pas de consigne de vote et considère que la "gauche sort affaiblie de ce scrutin". PCF et NPA préfèrent la ville d'Aix gouvernée par la droite plutôt que par la gauche avec l'appui du Modem et des Verts. Faut-il commenter?

jackson et staline

Quand Staline est mort, j’étais jeune étudiant communiste à la Sorbonne et il m’a semblé que le monde se figeait. La mort du leader des peuples faisait la une de tous les journaux. On n’échappait pas à la nouvelle et même des connaissances qui ne partageaient pas mes convictions me présentaient leurs condoléances comme s’il s’agissait de la mort d’un proche. Le deuil était universel.

Quand Jackson est mort, j’étais un vieux réformiste à Biarritz et il m’a semblé que le monde se figeait. La mort du chanteur faisait la une de tous les journaux. On n’échappait pas à la nouvelle et je quand je croisais des jeunes admirateurs qui pleuraient, je leur présentais mes condoléances. Le deuil était universel.

De Jackson, je n’avais écouté aucune chanson, regardé aucun clip, aimé aucune note et ce que j’avais glané de lui me l’avait rendu assez détestable. En observant ce déferlement d’informations, d’images, de commentaires, ce tsunami médiatique pour la mort d’un homme qui me laissait indifférent, je me suis rappelé la mort de Staline. Et je me suis dit, est-il possible qu’un grand nombre de personnes eussent éprouvé à l’égard de Joseph Staline ce que j’éprouvais à l’égard de Michael Jackson ? Une gamme de sentiments qui allaient de l’indifférence à l’hostilité ouverte ?

Cette comparaison n’a évidemment aucun sens. Mais elle m’est venue. Elle a calmé mon irritation devant les interminables minutes où se déroulaient commentaires radiophoniques et images télévisées. Je voyais le stade plein d’endeuillés et je me voyais au Vel d’Hiv en train de pleurer Staline. Que celui qui n’a jamais péché leur jette la première pierre.

mercredi 8 juillet 2009

Loïc wacquant

La Cinquième Conférence Latine pour la Réduction des Risques (CLAT 5) s'ouvre à Porto le mercredi 1 juillet 2009 par une conférence en anglais du sociologue Loïc Wacquant, un disciple de Bourdieu, sur le rôle de l’État dans la réduction des risques. Il explique le rôle central de l’État dans la pauvreté, la précarité, les addictions. L’État n’est pas une ambulance, mais un agent actif de la précarité qui conduit à toutes les pathologies sociales et individuelles. L’État néo-libéral est au service du capital financier, il privatise la santé et l’éducation, détruit les protections sociales, accroît ainsi la vulnérabilité de la main d’œuvre et affaiblit les modes de résistance et de luttes. . Il criminalise ceux qu'il a enfermés dans la pauvreté. Il les traque, les emprisonne. Il les oblige par cette répression grandissante et permanente à accepter les pires conditions de travail. Ceux qui refusent, ceux qui se rebellent, en se réfugiant dans la délinquance, le trafic de drogue, les émeutes urbaines, le refus des règles, le squat, l'errance, sont punis pour en faire des employés dociles. L'État crée la délinquance, la toxicomanie, les dépendances et les criminalise comme on criminalisait jadis la pauvreté et le vagabondage. C’est ainsi qu’on est passé dans les grands pays capitalistes du welfare state au workfare state.

Les conclusions sont accueillies par des applaudissements polis et j’entends autour de moi des remarques qui semblent indiquer que l’orateur n’a pas convaincu toute l’assistance. Nombre de mes voisins partagent mon embarras. Embarras sur le caractère éternel d’une dénonciation qui prend mal en compte les changements. Hier, le welfare state était dénoncé par des penseurs radicaux pour deux raisons principales : Le système permettait de financer les revenus du travail par les fonds publics et réduisait la part du capital consacré aux salaires. Deuxièmement, il développait des modes de contrôle social qui entravaient et affaiblissaient les luttes ouvrières. Aujourd’hui, les héritiers de ces penseurs radicaux critiquent l’état néo-libéral parce qu’il détruit ce qu’ils vilipendaient hier avec les mêmes mots.

Le conférencier s’adresse à un public composé majoritairement de travailleurs sociaux, de responsables associatifs, des chercheurs en sciences sociales, d’élus responsables de la lutte contre les pathologies addictives, des gens qui sont payés ou soutenus par leur état respectif pour leurs compétences, leur temps de travail, leurs recherches dans le combat pour la réduction des risques. Il s’adresse à des gens qui se battent, qui obtiennent des résultats dans le domaine de la réduction des risques et il leur dit que le Léviathan étatique réduit leurs efforts à néant alors que c’est dans les pays occidentaux les plus avancés que la réduction des risques se développe le plus. N’est-ce pas aujourd’hui dans les pays les plus vivement dénoncés par le conférencier qu’on résiste le mieux et le plus efficacement à la criminalisation de la pauvreté et des addictions ? Quels sont les cinquante états où l’usage et le trafic de drogue sont punis de mort. Les états les plus développés ?

Après la conférence, je me suis approché de Loïc Wacquant, je me suis présenté et je lui ai posé cette question : « si vous êtes usager de drogue et que vous avez le choix de la résidence, quel lieu et quel pays choisiriez-vous ? La Corée du Nord, Cuba, l’Arabie Saoudite, la Chine, le Soudan, la Russie ou la Goutte d'Or ? ». Il m’a répondu sans hésiter : la Goutte d'Or, bien sûr. Une telle réponse aurait pu introduire une passionnante réflexion sur l’État et la réduction des risques. C’eût été une autre conférence.

lundi 6 juillet 2009

Nationalisme, terrorisme, démocratie.


La cour européenne de justice a reconnu le bien fondé de l'interdiction de Batasuna (la vitrine politique de l’ETA) par le gouvernement espagnol comme une décision nécessaire à la défense de la démocratie en Espagne. La police du nouveau gouvernement basque (une coalition parti socialiste et parti populaire) a décroché les portraits de prisonniers de l'ETA dans les rues et dans les manifestations. Le gouvernement basque continue sa campagne de laïcisation de la vie politique. La chaîne de télévision de la Communauté autonome ne présentera plus une carte météo composée des sept provinces du Pays basque, mais indiquera les frontières de la communauté autonome. L'ancienne carte était considérée par les non nationalistes comme une agression renouvelée chaque matin contre la province de Vittoria et contre la majorité des habitants des trois provinces françaises du Pays basque.

En Irlande du Nord, les paramilitaires protestants décident enfin officiellement de déposer les armes, c'est à dire de se dissoudre car une armée sans armes n’est plus une armée. Officiellement, la raison d'être des terroristes protestants étaient de s’opposer aux terroristes catholiques de l'IRA parce qu'ils considéraient que la police et l'armée britanniques n’étaient pas dignes de confiance. Les derniers attentats de dissidents républicains auraient pu justifier une prolongation du terrorisme protestant. La réaction rapide et efficace de la police qui a arrêté les auteurs de l'attentat a au contraire justifié le renoncement aux armes. D'autant plus que ces attentats n'ont provoqué aucun mouvement de sympathie à l'égard des assassins.

Il n’y a pas que de mauvaises nouvelles.
Départ Biarritz direction Valladolid, par autoroute. Dans les temps anciens, les gens voyageaient si peu que le simple fait de vous déplacer vous classait dans une élite, une avant-garde. On vous regardait passer. Le voyageur était aux paysans ce que les trains seraient aux vaches. Aujourd'hui, les millions de migrateurs cherchent désespérément un paysan dans la campagne. Aujourd’hui, c'est le fait de ne pas circuler qui vous classerait parmi une minorité éclairée. L’objectif premier d’un voyage moderne est de se distinguer de l’immense troupeau qui se déplace toute l’année, pour de petits voyages du domicile au lieu de travail, pour de grands voyages professionnels, pour des raisons familiales ou affectives. Les raisons sont multiples, les trains sont bondés, les autoroutes asphyxiées, les villes en fusion, poussez vous dans le fond pour faire de la place, crient les chauffeurs d'autobus. Comment dans ces conditions se faire une place au soleil ? On se fait une place par l’objectif : la lune, la traversée en pirogue d’un marécage où grouillent les caïmans. Ou bien par des incidents de voyage, depuis les plus dramatiques, un déraillement ou une chute d’avion, jusqu’au trivial qui peut prendre des proportions racontables. Par exemple, vous avez loué une chambre d'hôtel à Valladolid. Les panneaux de direction vous prennent par la main, vous vous retrouvez devant l’entrée principale, votre chambre est réservée, vous racontez et les mains se lèvent pour dissimuler les bâillements. Si l'hôtel se trouve à Valladolid avenue Salamanque et que cette avenue Salamanque est tronçonnée par des travaux qui en interdisent l’accès, que vous tournez autour de l'hôtel, mais vous ne parvenez pas à l'entrée et qu’en désespoir de cause, vous vous adressez à des policiers municipaux et vous leur demandez et ils disent avec les travaux, vous n'y arriverez jamais, je vais vous conduire, suivez nous, ils mettent le gyrophare, et vous voilà partis dans une course folle, vous brûlez les feux rouges, vous écrasez tout sur votre passage, et vous pilez enfin devant l'entrée du Novotel, les agents s'éloignent en faisant un signe de la main pour prendre congé, vous les remerciez d'un geste de la main en réponse et là d'un seul coup, les oreilles s’ouvrent. Jadis, le voyage était une aventure, entre les fondrières des chemins, les attaques de Mandrin et de Robin des Bois, les auberges malodorantes. Aujourd'hui, l’eau coule des robinets à la bonne température. De notre passage à Valladolid, la Plaza Mayor, les cathédrales, que peut-on en dire qui n’ait mille été dit ? Alors qu'une sirène hurlante et un gyrophare pour trouver l'hôtel, mille fois nous le raconterons et mille fois nous provoquerons d’authentiques émotions.

mardi 23 juin 2009

ps 23 juin 09


Le PS a connu des phases difficiles. Après le vote des pleins pouvoirs à Pétain, après la Guerre d’Algérie, après mai 1968, chaque fois la pente fut rude à remonter. Elle le fut pourtant. Les circonstances, un homme? La rencontre des circonstances et d’un leader? Allons-nous à nouveau rebondir? Aucune fatalité. Chacun doit contribuer à un à un nouveau départ.
Il y faut de l’entêtement. On n’encourage guère les militants à discuter des questions de fond. Où parle-t-on politique? Dans des groupes informels, dans des réunions restreintes. Ce n’est pas un hasard. L’équilibre interne issu du congrès de Reims est fondé sur l’esquive. Si les questions brûlantes réapparaissent tout l’échafaudage s’écroule. Traité de Lisbonne, avenir de l’Europe, alliances politiques, tout ce qui risque de faire chuter le château de cartes qui dirige aujourd’hui le PS ne sera pas abordé. À la place, des querelles internes, des affrontements de personnes. Des paroles vides (reconstruction refondation), des projets de primaires.
Tout le monde veut rassembler. Mais il faut d’abord choisir une orientation et rassembler autour de cette orientation. Rassembler avant de choisir, c’est interdire le choix. La période du choix est une période de division, pas de rassemblement. Le choix clive, renvoie les uns et les autres à des solutions différentes.
Gérard Colomb est l’un des rares qui est sorti du bois pour dire une chose simple, centrale, avec clarté: si le PS s’embourbe dans une alliance avec les néo-communistes, ça se fera sans lui. Depuis, le ciel lui est tombé sur la tête et il a fallu une page entière dans Libération et une autre page dans le Monde pour le dézinguer comme dictateur à Lyon. Quand il ne disait rien d’important, ce n’était pas un tyran, c’était le le maire socialiste qui avait arraché la ville de Lyon à la droite.
Il faut choisir d’abord, repérer les questions qui divisent et ensuite choisir. La politique extérieure est un bon marqueur. L’Iran est un exemple. La Russie, la Chine et le Venezuela de Chavez soutiennent Mahmoud Ahmadinejad en un rassemblement qui fleure bon l’anti-impérialisme. Dans la mouvance néo-communiste en France, on commence à dire que l’électorat de Ahmadinejad est plus populaire que les manifestants qui sont plutôt classes moyennes urbaines. Déjà, le NPA déclare que Moussavi est « le plus bienveillant à l’égard des intérêts occidentaux ». Encore quelques jours et on reprendra les thèses sur le complot de l’impérialisme contre l’Iran. On a connu cela. Il faut choisir. Le PS doit affirmer clairement qu’il n’est pas de camp-là. Signer une pétition avec Marie-George Buffet et Olivier Besancenot ne contribue pas à la clarté.
Le Proche-Orient est un autre marqueur. Dans Le Monde un appel à soutenir ensemble la politique de M. Obama au Proche-Orient est signé par Lionel Jospin, Romano Prodi, Simone Weil, Alain Juppé, Michel Rocard, Jean-François Poncet, Hubert Védrine… Le PS doit soutenir cette initiative. Il doit soutenir l’alliance Parti Populaire et PS au Pays basque contre le terrorisme et la défense de la démocratie. Il doit affirmer clairement qu’il appartient à ce camp-là.
Maurice Goldring

mercredi 17 juin 2009

La burka
C’est reparti comme en 14. Ce n’est pas le voile, c’est la burka. Si ce n’est toi, c’est donc ta sœur. Un groupe de députés (de droite et de gauche) lance une enquête sur la burka, ce voile noir qui couvre tout le corps des femmes. Intégralement.
Là où j’habite, je vois désormais depuis quelques années des femmes en burka, noires fantômes. Je réagis par des sentiments: je trouve cet enfermement insupportable. Je vois aussi dans d’autres quartiers des femmes entièrement recouvertes d’une robe en bure grise, d’une cornette blanche, qui avancent par deux et je trouve leur enfermement insupportable. Pas d’enquête parlementaire sur les couvents. Je trouve aussi insupportables aux Buttes Chaumont ces petites filles qui portent des robes de laine jusqu’aux chevilles, des bas de laine épais sur les jambes, et leur maman qui portent une perruque, par 35 degrés à l’ombre. Pas d’enquêtes parlementaires sur cet enfermement. D’autres, dont je ne suis pas, réagissent fortement à la burka de peau qui recouvre intégralement le corps des femmes et des hommes et ne laisse passer que les yeux, qu’on trouve dans des magazines de photos ou qu’on rencontre aussi parfois sur certaines plages. Pas d’enquêtes parlementaires sur la burka de peau. Je vois aussi des cardinaux porter de lourdes robes, des décorations, des coiffures écrasantes, sous le soleil de Rome, je trouve cet enfermement insupportable, mais pas d’enquête parlementaire sur les robes des évêques qui indiquent avec clarté que les femmes n‘ont pas accès à cette fonction. Dans certains lieux, il faut un costume trois pièces des souliers cirés et une cravate. À l’Assemblée nationale, pendant longtemps cet uniforme était une burka sociale qui enferme les hommes qui la portent et éliminait de l’enceinte parlementaire ceux, surtout celles, qui ne portaient pas l’uniforme. Pas d’enquête parlementaire sur les burka des législateurs.
La loi, les règles et les usages ne suffisent-ils pas? Par exemple, un enseignant ne peut pas pénétrer dans sa classe en burka de peau. Pas besoin d’enquête pour ça. Pour une carte d’identité, il faut enlever la burka de toile. Pour aller en piscine, il faut enlever la perruque et la burka de toile. Dans certaine piscines, on peut aller en burka de peau. Dans d’autres, non.
Si des braqueurs ou des cambrioleurs se mettent à utiliser la burka pour se dissimuler, il faudra bien sûr interdire la burka dans les banques et les bijouteries.
Maurice Goldring

dimanche 14 juin 2009

Encore un enterrement. Le crematorium du Père Lachaise est en haut d'une côte et je grimpe en soufflant jusqu'à la Place Gambetta. Grâce à mes amis qui meurent, je me maintien ainsi en forme. Hélas, je ne peux pas leur dire merci.

mardi 9 juin 2009

Le Lendemain
La démocratie est un merveilleux système. Imaginez un parti socialiste sans élections. Soumis à la seule influence des militants, des élus, des dirigeants, il resterait impassible dans la tourmente.
Heureusement, il y a les votes. Parce que des opinions éclairées, des prédictions vérifiées, des analyses confirmées, aucune n’a manqué. Rien n’y a fait. À ma petite échelle, j’ai demandé des explications sur la campagne des élections européennes: campagne pour une Europe sociale, ou campagne contre Sarkozy? On m’a répondu que ce n’était pas dans la section que ça se décidait. Ça s’est donc décidé ailleurs et les écologistes nous sont passés devant, en parlant de l’Europe. Dans la Goutte d’Or, vous vous rendez compte! Si un militant avait osé le dire avant les élections, on l’aurait rudement grondé. Heureusement, il y a les élections. Elles sont plus fortes que tout.
Que nous disent les élections? Que la confusion et les ambiguïtés sont porteuses de mauvais résultats. Qu’on ne peut pas mener campagne pour l’Europe en donnant raison à ceux qui veulent la construire et ceux qui veulent la détruire. Qu’on ne bâtit pas une politique en appuyant sans critique, sans recul, tous les mouvements sociaux. Qu’on ne construit pas une alliance de gouvernement avec des gens qui ne veulent pas gouverner. Que la perspective de gouverner en France pour la gauche réside dans l’alliance ou la convergence de ces deux fois 16%: socialistes et écologistes, deux mouvements bien ancrés à gauche deux mouvements responsables et prêts à assumer leurs responsabilité au plus haut niveau. Cette alliance, cette convergence, permettra de rassembler bien au-delà des 32%, parce que c’est le socle solide d’une France politique, réformatrice, sociale, qui envisage l’avenir en termes de dialogues, de compromis, avec une grande ambition pour le travail et pour l’intelligence. Cette alliance ou convergence permettra de clarifier les relations avec les néo-communistes. Certains seront rejoindront le mouvement pour gouverner et pour changer les choses. Ceux qui additionnent les manifestations et les jours de grève pour les placer sur un livret A récolteront à chaque élection leurs trois ou quatre pour cent d’intérêt. Cette alliance ou cette convergence permettra enfin et surtout d’attirer les électeurs du centre qui n’aiment pas les convulsions et les affrontements.
Ces idées ne sont pas nouvelles. Beaucoup de socialistes les ont exprimées à voix haute. On ne les a pas entendus. Le PS entendra peut-être davantage le glissement des enveloppes dans l’urne.
Maurice Goldring, (membre du PS Chapelle Goutte d’Or)

jeudi 4 juin 2009

carte d'idendité nationale

Vous me connaissez, je ne suis ni révolutionnaire, ni terroriste. Je suis un citoyen paisible français, social-démocrate. Enfin, je croyais. Parce dans ce que je viens d’écrire, tout est vrai, sauf français. Je suis un citoyen paisible, social-démocrate, mais pas français.
Voici les faits, bruts. Jamais les faits n’ont été aussi bruts. Ma carte d’identité était valable dix ans. La date de péremption est le 6 juin 2009. Je me présente à l’antenne de la préfecture de police pour demander le renouvellement d’une carte d’identité qui prouvait jusqu’aujourd’hui ma qualité de citoyen français. J’ai apporté une preuve de domiciliation, une facture d’EDF à mon adresse. Mon ancienne carte d’identité. Des photos d’identité où il faut regarder de face sans rire, sans sourire et sans lunettes. Je croyais encore à ce moment-là, dans la cabine photographique, que j’étais citoyen français alors qu’il ne me restait plus que quelques minutes de nationalité.
Je remplis le formulaire. Je suis né à Lille. Mes parents, Icek et Chawa sont nés en Pologne, naturalisés français après la Seconde Guerre mondiale. J’ai le numéro 127. On m’appelle. Je suis reçu par une dame aimable comme un centre de rétention. Elle regarde mon dossier. Elle me dit qu’il manque un certificat de nationalité française. Je lui dis que j’étais français, la carte d’identité le prouvait. Non, elle ne prouve rien. Je suis né en France. Ça ne prouve rien. Mon père a été engagé volontaire en 1939, il a passé les cinq années de guerre comme prisonnier de guerre et au retour il a été naturalisé. Ça ne prouve rien. C’est vous qui le dites. Il faut que je le prouve. Je dis que je suis universitaire et pour passer les concours il faut être français. Ça ne prouve rien. Le ton monte, forcément. Je dis qu’en droit français, c’est à l’accusation de prouver que le prévenu est coupable et non à l’accusé de prouver que qu’il est innocent. Or, dans ce cas précis, je dis à l’employée, c’est à vous de prouver que je ne suis pas français, donc coupable d’escroquerie puisque j’ai vécu longtemps en me faisant passer pour un citoyen français avec les avantages afférents, ce n’est pas à moi de prouver que je suis français, donc innocent de cette fraude. Elle me dit s’il vous plaît arrêtez de crier, je lui dis que mon père s’est battu pour la patrie, que je suis né en France et quand les policiers de Vichy et les Allemands m’ont arrêté en 1942, j’étais déjà citoyen français et c’est pour ça qu’ils m’ont relâché, ils ne m’ont pas demandé un certificat de nationalité française. Elle va voir son chef de service qui me demande de me calmer et je dis si on traite un prof de fac de cette manière je n’ose pas imaginer comment vous traiter un demandeur d’asile arrivé de Tchétchénie. Montrez moi l’article de loi qui vous permet d’exiger ce certificat. Je hurle, je téléphone, je prends la salle à témoin. J‘imagine la suite. Des policiers arrivent, ils me disent calmez vous, je dis je ne me calmerai pas, montrez nous vos papiers, disent-ils, je leur tends ma carte d’identité, elle est périmée, vous n’êtes pas en règle me disent-ils, ils m’emmènent dans un centre de rétention et je suis dans un avion qui vole vers Varsovie que je n’aurais jamais du quitter, me disent-ils, vous n’êtes pas citoyen français, avez-vous un visa, un permis de séjour? Je n’air rien qu’une carte d’identité périmée. Et bien vous rentrez chez vous, en Pologne, vous demanderez un permis de séjour à l’ambassade de France à Varsovie. Je ne parle pas un mot de polonais. Ce n’est pas une preuve me disent-ils. Si tous ceux qui ne parlaient pas polonais étaient automatiquement citoyens français, ça se saurait.
Je vais désormais militer pour que la France adhère à la l’Union européenne parce que ça donne aux citoyens un certain nombre de droits.
Maurice Goldring Paris 4 juin 2009.

mercredi 3 juin 2009

Capbreton-Biarritz

Un centre de soins et d’accueil de Franche-Comté organise pour ses patients, surtout des handicapés sportifs, ou des sportifs handicapés, un « défi » qui consiste à parcourir quelques centaines de kilomètres sur des pistes cyclables. Les handicapés sportifs, ou les sportifs handicapés, ont des machines adaptées. Par exemple, l’un des participants qui a une jambe coupée, pose son moignon sur un vase en plastique et pédale avec une seule jambe, un système de ressort remontant la pédale, et pour démarrer il lui faut un point d’appui, soit une personne solide, soit un arbre, ou une barrière. Mais solide. Un jour, il s’est appuyé sur une barrière de chantier qui s’est écroulée sous son poids et il s’est retrouvé dans un trou plein de boue. Un autre porte une prothèse pour remplacer une jambe coupée, mais au bout de quelques jours, la randonnée avait fait fondre les graisses et la prothèse ne tenait plus. Il a fallu l’adapter. Les autres, la majorité, n’ont plus l’usage de leurs membres inférieurs et ils roulent allongés sur des vélos dont le dérailleur, les freins, le guidon, sont tous regroupés sur la roue avant, tandis qu’à l’arrière, deux roues suivent sans être motrices. Certains modèles sont très sophistiqués, de véritables machines de course. Le handicap a frappé les participants généralement lors d’un accident routier. Quand les motocyclistes chutent, leur machine broit les membres inférieurs. Ce sont des suppositions, car on ne parle pas des circonstances de l’accident avec eux, comme on ne parle pas des raisons de l’emprisonnement quand on donne des cours à des prisonniers.
L’arrivée de ce défi étant à Biarritz, les organisateurs ont envoyé une lettre à la mairie, le maire a transmis cette lettre à la déléguée chargée du handicap et cette déléguée, qui se nomme Hélène, a réfléchi et trouvé des modes d’accueil de cette troupe d’une quinzaine de personnes, participants et accompagnants. Oui, Hélène, que vous connaissez déjà, que je connais aussi et c’est la raison de ce récit parce que sinon, pourquoi voulez-vous que je vous raconte un voyage de sportifs handicapés, ou de handicapés sportifs, j’ai ai déjà ras la musette avec les terroristes irlandais et basques et avec les drogués de la Goutte d'Or.
Hélène a réfléchi et voici ce qu’elle a proposé. D’abord, comme elle-même est randonneuse, elle a proposé de faire la dernière étape Capbreton-Biarritz à vélo avec le groupe, et elle m’a demandé si ça me plairait de l’accompagner, ça supposait de partir la veille, faire Biarritz Capbreton, dormir à Capbreton face à la mer, dans un hôtel trois étoiles et revenir à Biarritz avec le groupe le lendemain. J’ai acquiescé parce que je suis moi-même randonneur et je connais les pistes le long du Boudigo qui sont confortables et roulantes, à la différence du Canal du Midi. Donc, j’ai dit d’accord.
Hélène a ensuite proposé à une association cycliste, dite association Bibi, d’accompagner le groupe des handicapés sportifs ou revers, plus les accompagnants : personnel d’encadrement, médecins et infirmiers, plus la déléguée au handicap de la ville de Biarritz plus son compagnon randonneur. L’association Bibi a répondu à la demande avec enthousiasme, parce que souvent on parle de leur association comme une association de copains qui se font plaisir en pédalant et ils avaient l’occasion là de montrer qu’ils sont socialement utiles, et ils l’ont saisie. Eux étant des rouleurs expérimentés ont quitté Biarritz le vendredi matin et ont fait le chemin de retour le même jour, alors qu’Hélène et son compagnon, moi, sont partis la veille. C’est moi qui raconte.
Hélène a aussi proposé un accueil par un danseur traditionnel basque, malheureusement son musicien était pris par un mariage et il ne pouvait pas danser sans musique. Elle a demandé et obtenu un buffet sur l’esplanade du phare, des boissons fraîches, des amuse-gueules.
La journée du jeudi a été bonne. Le temps s’y prêtait, la piste déroulait son ruban sous des pneus bien gonflés, les ponts en bon état, le banc nous tendait ses planches pour le pique nique salade de jambon et eau plate. Nous avons trouvé l’hôtel sans difficulté, la chambre nous attendait. Si je devais chercher la petite bête dans la perfection de cette journée, je la trouverais dans l’accueil, une jeune femme qui nous a longuement présenté les codes d’accès aux différents services : le code pour ouvrir la porte de la chambre, le code pour entrer dans et sortir du, garage, le code pour allumer la télévision, le code pour accéder à nos codes, le code pour réserver le petit déjeuner le matin, mais franchement, le code n’a pas abimé le déjeuner face à la mer, les surfeurs surfant ni les bananes que les enfants écrasaient contre la vitre du restaurant. Je n’aurai pas mentionné l’histoire des codes, je le fais par honnêteté, pour ne rien masquer de la vérité, il n’y avait pas que du bonheur, cette dame de l’accueil m’a franchement gonflé, elle a failli gâcher ma journée et quand j’y pense à nouveau, le sang me monte à la tête.
Bien que cette promenade sans difficulté et sans incident eût toutes les apparences d’une sortie de loisirs, elle fut colorée par la mission qui était la nôtre, celle de rencontrer le lendemain le groupe des handicapés sportifs de Franche Comté. Malgré tous les aspects agréables, le temps, la piste, les bancs pour le repos, mentalement, nous n’étions pas dans la situation de randonneurs de fins de semaine, mais plutôt dans la peau de missionnaires ou d’humanitaires. Je ne me plains pas, au contraire. Parfois, les mêmes gestes et les mêmes comportements prennent plus d’importance quand la motivation est noble. C’est parfois plus beau quand c’est utile.
Le lendemain, nous avons raccourci le temps qui nous séparait de la rencontre avec les rouleurs de Bibi et les handicapés sportifs par différents moyens, petit déjeuner, promenade sur la digue, préparation des sacoches, etc. À onze heures, le groupe de Franche Comté est arrivé avec les monitrices, les médecins, les chauffeurs de camion et leurs drôles de machines. Quand ils arrivent, ils s’installent sur des fauteuils roulant et d’autres personnes rangent leur machine parce que si on laisse ces vélos allongés n’importe où, ils gênent le passage. Hélène s’est présentée et a devisé. Ils sont allés visiter un centre de réinsertion de handicapés sportifs, un centre privé, avec une piscine et des machines coûteuses. Nous avions deviné l’existence de ce centre grâce au grand nombre de béquilles appuyées sur les murs et les buissons autour des terrasses où ces jeunes gens et ces jeunes filles prenaient bruyamment l’apéro hier soir. En discutant avec les responsables du groupe, à l’heure du déjeuner collectif où tous étaient mêlés, nous avons appris la différence entre un centre de rééducation et un centre de réinsertion. Rééducation, à la suite d’un accident ou d’une maladie, mais plus souvent accident, l’hôpital reçoit des patients quelques semaines au plus et leur fournit des soins pour retrouver l’usage de leurs membres grâce à des machines chères, une piscine, des kinés. On voit plus de béquilles que de fauteuils roulants. Un centre de réinsertion est un véritable hôpital, où les accidentés sont accueillis dés la sortie de leur coma ou de leur anesthésie et pris en charge parfois pendant des mois ou une année jusqu’à ce qu’ils soient en état d’autonomie, si possible c’est. Là, il y a plus de fauteuils roulants que de béquille et l’aspect service public l’emporte sur l’aspect lucratif.
Puis nous partons, après le café, le code pour sortir du garage, le code pour payer, le code pour dire au revoir, le code pour la bagagerie et le code pour la facture. Le groupe s’est partagé en deux. Un groupe plus sportif que handicapé, un autre plus handicapé que sportif. Hélène et moi nous nous sommes retrouvés dans le groupe plus handicapé que sportif ce qui confirme ce qu’Hélène a appris dans un colloque où elle s’est rendue malgré ma formelle interdiction, parce qu’excusez-moi, les colloques, j’en ai une très longue expérience et je sais ce que c’est. Elle a expliqué que c’était nécessaire et la preuve, m’a-t-elle dit, elle a appris à ce colloque qu’il n’y a pas de handicap, mais que des situations de handicap. Si l’accident qui vous frappe vous plonge dans un univers où tout est organisé pour mener une vie normale, vous ne serez pas un handicapé. Mais si rien n’est fait pour vous aider à vous déplacer, à travailler, à bouger, vous serez à chaque instant en situation de handicap. Tenez, moi qui vous parle, je peux affirmer que l’accompagnement d’un vélo dans les gares et les trains de la SNCF transforme des gens qui ne sont pas handicapés en handicapés, parce que le vélo les met dans une situation de handicap. Grâce à la participation d’Hélène à ce colloque parisien malgré mon interdiction qu’elle n’a pas du tout prise au sérieux, nous avons appris cette chose importante. Et effectivement, pour rouler sur la piste entre Capbreton et Biarritz, il y avait deux groupes : les sportifs qui roulaient à plus de vingt à l’heure et nous deux, Hélène et moi, à douze de moyenne, en situation de handicap sans être handicapés. Nous sommes arrivés hachés menu à Biarritz, et en plus, Hélène devait prendre la parole pour souhaiter la bienvenue et pour dire aussi que la prochaine fois, elle fera le trajet avec des vrais handicapés, parce que des handicapés sportifs, elle ne pouvait pas suivre le rythme. On échangea des maillots et des casquettes comme à la fin d’une compétition, on but, on se serra les mains. Dans l’ombre des tamaris sur l’esplanade du phare de Biarritz, on se serait cru à une garden party s’il n’y avait pas eu autant de vélos couchés et de fauteuils roulants.
Le canal du Midi (18 mai-25 mai 2009)


Nous étions attirés par le Canal du Midi. Canal d’abord, parce que Canal implique un terrain peu vallonné, un agréable chemin de halage et des ombres propices aux terrasses des guinguettes. Nous avions cette expérience avec le canal de l’Ourcq, les canaux du Nord, les canaux du Pays flamand, le Danube. Nous étions attirés par le Canal du Midi, parce que nous avions vu des images de cyclistes heureux, pédalant sur une belle piste au soleil, tout sourire, genre cadres supérieurs en bonne santé, avec deux petits enfants qui pédalaient derrière et un enfant plus jeune dans une poussette attachée au cycle de l’homme. Nous étions attirés par le Midi avec son assurance de soleil au mois de mai. Chaque année à la même saison, nous sommes attirés par l’appel de la randonnée, l’appel du large, les montures piaffent, elles veulent quitter les trajets coutumiers, les routes goudronnées, la lutte quotidienne avec les automobiles pour se lancer à l’aventure. Comme chaque année, nous répondons présents à l’appel du vent et nous nous lançons dans une nouvelle épopée.
Nous, c’est moi et une autre, Hélène, un nom assez courant pour que la personne porteuse du prénom ne soit pas reconnaissable.
Le voyage commença le mardi 19 mai 2009. Hélène eut d’étranges appréhensions nourries par de précédentes épreuves. Coincée sous un vélo en bas d’un escalier mécanique, hurlant de terreur, happée par le tapis métallique. Les difficultés à hisser les vélos dans les trains, les efforts pour les descendre. J’avais beau dire et répéter que nous formions une équipe tellement unie, tellement efficace que si Napoléon nous avait confié la campagne de Russie, on parlerait aujourd’hui français à Moscou, rien n’y fit. Hélène passa les jours précédant le voyage dans les toilettes car ses émotions prémonitoires liquéfiaient les rares aliments qu’elle parvenait à ingurgiter. L’inquiétude est contagieuse et je passai une nuit blanche la veille du départ.
Nous avions décidé de tout organiser nous-mêmes, le transport des vélos, la location des chambres d’hôtel, la réservation des billets de train, le choix des étapes. On pourrait croire qu’après des dizaines d’années de randonnées vélocipédiques, nous aurions une certaine expérience, une sagesse, des connaissances, des ruses, une attention vigilante aux traquenards. Rien n’est jamais acquis. Nous pensions nous engager dans une randonnée, ce fut un cyclo-cross. Tout est devenu si compliqué que désormais il faut des codes et agences spécialisées pour la moindre promenade. Nous refusions l’idée d’être dépendants. Nous nous disions, quand même, avec un bon vélo, des jarrets entraînés, bon pied bon œil et une carte bleue, il n’y a pas de raison. Si, il y avait des raisons. Si vous entrez les paramètres : lieu de départ, lieu d’arrivée, train qui accepte les vélos, l’absence de rampes dans les gares, vous vous rendrez compte qu’il vaut mieux louer des bicyclettes sur place, voyager léger car.
Car dans les trains qui acceptent les vélos, il faut les hisser en haut des marches, puis les accrocher comme des pièces de viande. Nous savions, mais nous avions oublié. Certains trains ont des lieux pour vélos, d’autres non. Certains trains ont des sas mais n’acceptent pas les vélos, d’autres acceptent les vélos, mais n’ont pas de sas. On pose les vélos contre les portes et il faut rester près d’eux pour dégager selon les besoins la place pour descendre ou monter des voyageurs normaux. Ceux qui regardent nos vélos avec des regards de haine, comme une nuisance. Que font des vélos dans un train, demandent les yeux. Mais certains voyageurs sont de toute manière mauvais coucheurs et se demandent ce que font les autres qu’eux dans le même train.
Ne comptons pas sur une aide extérieure. Les autres voyageurs considèrent que si nous voyageons avec des bicyclettes, c’est en toute connaissance de cause, et les cheveux blancs ne leur tirent aucune larme, aucun soupir. Moi-même, qui suis plutôt le genre aideux, quand je vois des dames dans le TGV avec une valise qui pèse une tonne et qui me demandent de les aider à la placer dans le porte-bagage, je me dis (intérieurement, et ce que je fais, extérieurement est une autre affaire, mais je me dis) que si cette dame a bourré sa valise de vêtements pour se changer tous les jours, plus des produits de beauté et des livres de la collection Harlequin, elle n’a plus qu’à se les chuquer et pourquoi elle ne laisse pas la valise dans le coffre prévu où il suffit de déposer la valise lourde sans problème, et si elle a peur qu’on lui pique sa valise, elle n’a qu’à prendre une bonne assurance, moins de vêtements, moins de produits de beauté, plus d’assurance, et les vaches seront bien gardées, je me dis. C’est comme les enfants, pour un peu, certains parents vous demanderaient de les amuser, de leur raconter une histoire pendant qu’ils vont prendre l’apéritif au wagon restaurant, ah ça pour les faire, ils n’ont pas demandé qu’on les aide, je pense. En soulevant la valise malgré ma sciatique. Pour les mêmes raisons, les autres voyageurs, jeunes, vigoureux, cheveux noirs, nous regardent sans pitié nous débattre avec nos vélos, car non seulement les vieux gagnent deux fois ou trois fois plus que nous, ils ne sont pas précaires, ils ont une retraite assurée, ils passent leur vie à sillonner le monde et ils voudraient en plus qu’on leur porte leur vélo, ils rêvent ou quoi ? Des jeunes cagoulés nous regardaient faire, nous prendre les doigts dans les rayons. Juste une fois, un jeune Africain, enfin, africain, sans doute français avec carte d’identité, mais pas très assimilé parce qu’il croyait que c’était nécessaire d’aider les cheveux blancs, mais il apprendra bien vite nos usages. Quant aux contrôleurs, à qui Hélène demandait ingénument s’ils pouvaient donner un coup de main, ils répondaient le doigt plongé dans la joue droite gonflée d’air. Nous ne sommes pas payés pour ça. À Toulouse, le contrôleur avait un lumbago et la contrôleuse dit qu’ils n’avaient pas d’assurance au cas où un accident se produisait, par exemple, un vélo coincé dans les escaliers mécaniques et qui va payer les dégâts ? Les raisons de ne rien faire sont multiples, les raisons de faire sont rares. Il faut enlever les sacoches, les remettre, en haut des marches, les enlever, les garder, descendre les vélos, remonter prendre les sacoches. Louer les vélos c’est cher, mais nous transporter avec nos vélos, c’est cher aussi. Sans compter les soucis qui n’ont pas de prix.
Nous avions toujours nos vélos en gare de Béziers et il fallait changer les billets parce que le 26 les cheminots faisaient grève et nous devons arriver à Biarritz le mardi pour repartir vers Capbreton pour une autre balade. Impérativement. Naïvement, je tends mes billets vers le guichetier en demandant les mêmes billets pour lundi au lieu de mardi. Puisqu’il y a grève, lui dis-je, sans exprimer mon opinion sur cette grève qui pourtant a du être prise comme une condamnation par le guichetier puisqu’elle m’obligeait à changer mes projets, mais ce n’est pas ma faute si les cheminots avaient décidé de nous empêcher de rouler avec des handicapés de Capbreton à Biarritz. En un sens, pourrais-je dire, ce sont les cheminots qui expriment par leur mouvement social une opinion négative sur mon action de solidarité avec les handicapés. Mais les arguments ne s’échangent pas puisque je n’ai rien dit sur la grève, l’employé n’a rien entendu, mais il n’a rien dit non plus, il aurait pu exprimer son sentiment, dire, j’en ai assez de toutes ces grèves qui me font engueuler par les clients au guichet, ou bien, la grève est parfaitement justifiée, on n’en peut plus, les salaires stagnent, les conditions de travail sont épouvantables, voyez la queue qui s’allonge devant mon guichet et il me faut changer six billets, Béziers Toulouse, puis Toulouse Bordeaux et enfin Bordeaux Biarritz, deux adultes sans compter les vélos, jamais je n’y arriverai. En plus, ces imbéciles, voulant faire couple moderne genre on partage tout, ils ont payé chacun leur billet avec leur carte bleue individuelle et il faut que je leur rembourse à chacun leur contribution avant de pouvoir encaisser pour les nouveaux billets qu’ils paient quand même avec une seule carte. Derrière la queue s’allonge, je me retourne vers les gens qui attendent et qui s’impatientent et je leur dis « je comprends que vous soyez agacés, il m’est souvent arrivé d’être derrière un client de la SNCF à me demander pourquoi il restait vingt minutes pour un malheureux billet, désormais, je leur ai dit aux contrariés, je ne m’énerverai plus. Ils ont tous fait semblant d’avoir bon cœur et ont bredouillé que c’était normal, chacun ses difficultés, il faut comprendre. Parler aux gens transforme les crispations en sympathie. Le lendemain, lundi, veille de la grève, nous avons pris un train à Agde, à six heures du matin, nous nous sommes trompés mille fois et heureusement il y a des éboueurs qui travaillent tôt ils nous ont renseignés et nous avons pu monter les vélos dans le train, puis à Toulouse le TER avait du retard et nous aurions manqué la correspondance de Bordeaux à Biarritz et nous voyons sur le panneau annonciateur qu’un train transporte des voyageurs et des vélos de Toulouse à Bayonne en passant par Pau et Lourdes et nous le prenons avec un piquenique, en passant par des escaliers, voir plus haut mode d’emploi. En arrivant à Bayonne l’idée était de pédaler de Bayonne à Biarritz, tranquille, mais un orage se déferle, nous décidons de prendre un taxi il nous faut deux taxis, un pour nous deux un autre pour les vélos et c’est promis juré, la prochaine fois, nous louerons les vélos.
Il y a plus malheureux. Pendant que je me débrouille avec le guichetier, Hélène surveille les sacoches et un touriste espagnol s’approche. Je ne manque jamais une occasion de pratiquer l’espagnol car trouver des gens m’est difficile. Je cherche en vain une personne pour parler espagnol, une autre personne pour jouer du piano à quatre mains. J’interroge le net sans succès. Chaque fois que je tape « cherche à parler espagnol » ou « cherche partenaire pour jouer piano à quatre mains », je tombe sur des sites de rencontre, monsieur de cinquante ans cherche pianiste de vingt ans pour jeux de mains. J’espère toujours trouver une personne qui joue du piano et parle espagnol, un homme de préférence. Je saute donc sur le touriste espagnol qui a rencontré de plus grandes difficultés que nous alors qu’il n’a même pas de vélo. Non, il ne joue pas du piano. Mais il parle espagnol. Il est arrivé à Béziers avec ses valises. Il avait réservé une chambre d’hôtel. À l’accueil, son nom n’apparaissait nulle part. Comme nous à Toulouse, je lui ai répondu, dans la même langue. Sauf, qu’on nous a, à moi et à Hélène, trouvé une chambre sur place alors que l’hôtel de mon hispanophone était complet et qu’ils lui ont trouvé une chambre d’hôtel minable dans un hôtel sans étoile et le lendemain, il va sortir et demande comme il est d’usage de laisser ses deux lourdes valises pour venir les reprendre dans l’après-midi. Ça se fait dans tous les hôtels, il faut quitter la chambre vers onze heures, mais vous pouvez laisser vos bagages (maletas) dans une bagagerie. Le gérant de l’hôtel lui a dit que son établissement fermait à onze heures pour toute la journée et que lui personnellement il avait un repas de famille et qu’il n’allait pas manquer un important repas de famille pour deux valises castillanes. Il parait très vite, le voyageur en détresse et je comprenais tout et je répondais dans la même langue. Il était en gare de Béziers, sans parler français, et il cherchait un employé pour laisser ses deux valises en consigne. Il a fini par en trouver un et l’employé lui a dit non bien sûr « est-ce que vous voulez que je règle l’heure de l’explosion aussi ? ». Il me raconte tout, je lui suggère une brasserie, il met dit c’est risqué. Pendant ce temps, le guichetier se démenait devant un écran et il marmonnait : sans un mot de travers, il y a en qui circulent mais ne prennent pas de vélos et ceux qui prennent des vélos ne circulent pas. Finalement, il a trouvé un train qui part d’Agde à six heures il faudra se lever à cinq heures. Le touriste espagnol est toujours à côté de moi et puisque que je suis si aimable et que mon espagnol est si bon, est-ce que je pourrais traduire pour lui des questions qu’il voulait poser au guichetier.
À Toulouse nous avons tourné autour et visité l’église Saint-Sernin, un joyau de l’art gothique, une porte classée monument historique par l’UNESCO et la place du Capitole où des tentes étaient dressées pour protester contre le manque de logements. Nous avons passé une soirée agréable avec des amis et leurs enfants. Nous reprenons la route le lendemain, jeudi 21 mai, jeudi de l’Ascension. Nous suivons un chemin de halage mal entretenu, mal balisé, mais il enfin, il fait beau, le soleil brille dans le ciel et dans nos cœurs. Au bout de quatre ou cinq kilomètres, Hélène pousse un cri. Je m’arrête, car il est exceptionnel qu’Hélène pousse un cri, pour qu’elle pousse un cri, il faut qu’un événement grave se fût produit, genre deuil familial ou crevaison. « J’ai oublié ma carte senior ». Et pour ça tu pousses un cri ? Quelle importance, tu en referas une autre. Mais j’ai les billets de train du retour dans la pochette. Ah ! oui, là ça vaut la peine de pousser un cri. Tous les billets de retour que nous devrons changer plus tard à Béziers. Hélène dit avec détermination, tu m’attends ici, je retourne à l’hôtel. Je dis, non, moi je retourne à l’hôtel. Non, dit Hélène, c’est à moi de refaire le chemin que j’ai rendu nécessaire par mon étourdissement. Étourderie corrigè-je. Étourdissement, c’est quand on a un vertige ou un sentiment d’évanouissement. Tu n’as pas oublié la carte senior et les billets de train du retour à la suite d’une vertige ou d’un évanouissement, mais à la suite d’un oubli, d’une étourderie. Enfin, dit Hélène, d’une certaine manière, tu es responsable de cet étourdissement parce que tu m’as dit hier soir que ce n’était pas la peine de me promener à Toulouse avec les billets de train et obéissante et docile, j’ai sorti la carte et les billets de mon sac à main et ce matin, j’ai tout oublié. Donc, dis-je, si c’est ma faute, je vais les chercher. La discussion a duré, les heures coulaient ainsi que l’eau du Canal du Midi. Étourderie, pas étourdissement.
Es-tu certaine de les avoir oubliés à l’hôtel ? J’ai pris mon téléphone portable tout neuf et je me suis rendu compte à quel point un instrument dont j’ai longtemps nié l’utilité dans une vaine résistance à la modernité pouvait être utile. J’ai téléphoné à l’hôtel, la réception a appelé la femme de chambre et je me suis rendu compte à quel point tous les maillons de la chaîne étaient nécessaires et m’a rappelé au numéro qui s’était inscrit sur l’écran et ce qui permet de pister un escroc ou un assassin permet aussi de retrouver des billets de train. La réception me rappelle. Nous avons retrouvé vos billets, nous les mettons dans une enveloppe, ils vous attendent à la réception. Vous rappelez-vous il n’y a pas si longtemps quand vous aviez oublié vos billets de train dans une chambre d’hôtel il fallait trouver une cabine, puis de la monnaie et comment les cartes de téléphone s’étaient rendues utiles. Hélène revient triomphante avec la carte senior et les billets de train qu’il faudra changer à cause de la grève.
La piste se composait de grosses pierres, de ravins, de racines d’arbre et parfois se rétrécissait en un mince ruban où le pneu passait tout juste et les genoux frôlaient les épines, les arbres. Pour croiser un cycliste, il fallait s’arrêter, marcher dans les hautes herbes. Dépasser, n’en rêvez même pas. Dans ces conditions, les crevaisons s’imposent. J’ai regonflé, j’ai eu beau, je sentais les cailloux de plus en plus et les racines de plus en plus et le pneu dégonflé dérapait dans les crevasses de boue séchée. Il a fallu s’arrêter et dans ces épreuves, nous mesurons la solidité de l’équipe. Pied à terre. Retourner le vélo. Scalpel. Ciseaux. Enlever la roue. La roue est encore trop gonflée pour passer l’obstacle des freins. Elle est à la fois trop dégonflée pour rouler et trop gonflée pour être réparée. Nous voilà beaux. Pas une plainte, pas un énervement. Quand l’angoisse monte, une goulée d’eau fraîche. J’appuie sur le pneu pour dégonfler davantage, mais la crevaison suffit à m’empêche de rouler et ne suffit pas pour réparer. Finalement, par hasard, j’ai appuyé sur le clitoris de la chambre à air et le koutchou s’est dégonflé, la roue a passé l’obstacle, scalpel, gorgée d’eau, changement de chambre à air, remise de la roue, mains couvertes de cambouis, chemise maculée conception car c’était le Jeudi de l’Ascension.
Après les minutes et les efforts passés à réparer une crevaison, le redémarrage est une infinie jouissance. Remonter en selle, appuyer sur les pédales, ne plus sentir les cailloux, les racines d’arbre, les ravins, survoler les obstacles. C’était compter sans le vent. Le vent de la mer, la tramontane, le mistral, selon les endroits, les hommes marchent courbés, les herbes se couchent sous un râteau géant. Parfois un rideau d’arbre, une grange, nous protège du vent. Un cycliste passe en nous disant « qu’est-ce que ça muffle ! ». Le restaurateur nous dit que le vent qui souffle souffle généralement deux ou trois jours, on en a comme ça jusqu’à lundi, jusqu’au dernier jour de cette randonnée et donc il faut s’habituer à rouler vent debout épuisés, pédaler comme on monte une côte mais sans côte, une côte infinie. Et parfois, oui, nous sommes épuisés, pas toujours en même temps, pas toujours ensemble, mais on s’arrête et l’autre s’arrête par solidarité, pour boire une gorgée d’eau, grignoter un reste de petit déjeuner, du fromage enveloppé dans du plastique transparent ou un biscuit enveloppé dans du plastique transparent, et pour l’un comme pour l’autre, le vent souffle et il est impossible d’arracher l’étui transparent du fromage ou du biscuit, la pellicule résiste. On finit par arriver, on finit toujours par arriver, mais dans quel état, on range les vélos dans un garage en traînant les pieds, on s’écroule sur le lit de la chambre, on dort, on mange une salade, on n’a pas vraiment faim car à un certain degré de fatigue, la fatigue efface la faim. Les mains tremblent, les jambes ploient, le vélo pèse lourd avec les sacoches. Et toujours en arrivant à la ville d’étape, la montée. Les villes sont ainsi faites. Pour partir, dispos, frais, reposé, on descend vers la piste. En arrivant épuisé, traînant les kilos, il faut monter. Le canal est en bas. L’hôtel est en haut. Aucune ville n’échappe. En bas ; la ville basse, en haut la ville haute. Entre les deux, une grande avenue serpente et nous poussons les vélos. L’hôtel est en haut. Toujours.
La ville basse est pauvre, abîmée, habitée par des Turcs, des Arabes, des Roms, le linge pend aux fenêtres, les enfants jouent au foot sur le trottoir. Aux terrasses, des hommes sirotent leur thé avec une seule moitié de l’humanité. Les femmes sont voilées. Quand nous demandons un renseignement, on s’empresse. Il fait pauvre, il fait chaud, il monte. Selon l’heure, la ville basse est déserte ou pleine d’une foule colorée. La ville haute est la ville forte, elle a été construite par des Gaulois, puis par des Romains, puis par les Cathares pour se protéger contre Saint-Louis et Simon de Monfort qui a tué les Cathares. Dans la ville haute circule une foule énorme, comme au Mont Saint-Michel ou à Lourdes ou sur la butte Montmartre, Place du Tertre. Les enfants se promènent avec des panoplies en plastique du parfait guerrier du Moyen Âge, l’épée, le bouclier, le heaume et ils se battent avec les épées qui se vendent dans les rues piétonnes où nous nous asseyons pour prendre un verre de vin rouge et nous regardons les gens passer. Le petit train fait le tour des remparts pour sept euros, avec huit langues disponibles, dont l’occitan. Une affichette demandent aux touristes de ne pas confondre le 1 et le 7 parce qu’en anglais, le 1 s’écrit I et le 7, 7. Donc si un Anglais lit le 1 avec son auvent, il comprend 7. Le 3 est espagnol. Les villes hautes ont été restaurées par Viollet le Duc et depuis leur restauration, elles ne désemplissent pas. Les historiens sont sévères avec Viollet le Duc, ils disent qu’il a restauré au goût du jour, de manière anachronique et que ce n’est pas du tout comme ça que les villes étaient bâties. Mais tout le monde doit reconnaître que sans Viollet le Duc, beaucoup de villes hautes du Midi de la France, des bords de Loire et d’autres, seraient des villes mortes. Sans Viollet le Duc, peut-être que les villes hautes seraient devenues les quartiers pauvres et le long du Canal du Midi se déploieraient les quartiers riches, les villas avec jardins et piscines et nous aurions trouvé un hôtel sans avoir à grimper dans la ville haute, un hôtel le long du Canal qui s’appellerait par exemple l’hôtel des randonneurs.
La ville haute semble avoir pompé toutes les ressources de la ville, le commerce, le tourisme, le petit train, l’argent et dans la ville basse, les murs sont lépreux.
Au restaurant de Béziers, un couple de Flamands roses nous interroge sur notre randonnée et en retour, nous les faisons parler de la Belgique, des problèmes linguistiques. Ils n’y sont pour rien. Ils ont appris à parler français alors que les francophones n’apprennent jamais le flamand.
Nous avons passé la dernière nuit à Agde, dans un nouveau quartier avec un seul restaurant proche, la cafétéria du supermarché où toute la nourriture est passée dans la moulinette, tout a le même goût, poissons et viande, légumes et purées, pâtisserie et salade de fruits. Nous n’irons pas y manger le soir parce que quand même il ne faut pas exagérer. Je note pour notre prochain voyage : louer les vélos, faire transporter les bagages d’un hôtel à un autre hôtel, s’assurer de l’état de la piste.
Raconter aux amis, à la famille, aux enfants et aux petits-enfants les épreuves que nous avons traversées pour essayer de balancer les efforts musculaires et financiers investis par des cris de sympathie, d’encouragement et d’admiration.