mardi 7 juillet 2020

entre soi


Remaniement.  

Impression bizarre. Les enfants de la comtesse de Ségur jouent dans la cour du château avec les petits-enfants du comte Rostropovitch et ils échangent les rôles. Toi qui crie si fort pour défendre les puissants, on te verrait bien à la justice. Toi qui passe des soirées désopilantes avec des potes à faire de jeux de mots, on te verrait bien à la culture. Et ainsi de suite. À l’heure du goûter, les enfants des paysans et des ouvriers agricoles viennent apporter le chocolat fumant et ramassent les miettes.  

Je ne suis pas révolutionnaire. Je ne souhaite pas que par un coup de baguette tragique les entrepreneurs, les financiers disparaissent et soient remplacés par des gueux. Je sais ce que ça donne. Mais à ce point l’entre soi, c’est un peu exagéré. Pour se diriger vers l’égalité h/femmes, il vaut mieux donner des responsabilités à des femmes. Autant qu’à des hommes. Ça ne se discute plus. Pour se diriger vers plus de justice sociale, il vaudrait mieux que soient représentés dans les organismes de direction quelques ouvriers, quelques militants syndicaux, quelques militants associatifs. Or, ceux-là, on ne les voit qu’en face. En face dans les tables de négociations ou dans les manifestations. Et pourquoi pas Laurent Berger comme ministre du travail ? Pourquoi pas Bernard Gibault comme ministre de la formation ?  Personne ne s’étonne qu’un médecin devienne ministre de la santé. Une infirmière à ce poste serait surprenante. Les responsables du système éducatif sont très majoritairement passés par les filières les plus sélectives. Et si un prof de collège connu pour son succès dans la promotion des plus démunis devenait ministre de l’éducation ?

Entendez-moi bien. Je ne souhaite pas la disparition du paysage politique de tous ceux qui occupent actuellement le devant de la scène. Mais les cris d’étonnement qui accueillent l’intronisation d’un avocat à la justice, et d’une mélomane à la culture pouvaient s’accompagner de stupéfactions devant l’arrivée au plus haut sommet de gens qui ne sont pas du sérail, je suis persuadé que ça changerait la donne politique.

jeudi 2 juillet 2020

une haine chasse l'autre


Quand le suffrage était censitaire, le seigneur du village était élu député dès sa naissance.  Les élections se démocratisèrent, le suffrage devint universel, et le seigneur du village dut mener campagne, visiter les fermes, offrir l’apéritif aux ouvriers, embrasser le dernier-né.  Né au bon endroit, dans la bonne famille, il pouvait malgré tout être assuré de remplacer son père au Parlement.

Elle aussi. La famille Arosteguy a franchi un parcours sans faute. Un ancêtre, Felix Arosteguy actif dans les milieux du chant et de la danse basques, dirigeant d’Oldarra. Les descendants étaient Ours blancs, surfeurs, dirigeaient une épicerie fine de renommée internationale.

Maïder Arosteguy, héritière, chants basques, danses, surfs, ajouta le rugby à l’écusson familial. Elle croise sur son chemin la famille Gave, une famille tellement à droite que même Nicolas Dupont d’Aignan n’en voulut pas sur sa liste. Elle trouve les nouveaux propriétaires du club, effectivement un peu « rugueux », mais avec un sens aigu de la communication, elle déclare qu’ils n’ont quand même construit des camps de concentration nazis. Sa déclaration fait scandale. Elle présente ses excuses auprès d’une communauté juive. Elle explique qu’elle aime bien les Juifs. Ceux qu’elle n’aime pas ce sont les musulmans. Elle voit nos plages envahies par des surfeuses voilées. M. Pinatel, un soutien actif, demande au Biarrots d’aller voter pour nous protéger contre les « forces qui veulent nous imposer un régime dans lequel le Coran se le seule source du droit ».
Les choses sont ainsi claires : La preuve que notre nouvelle maire aime les Juifs c’est qu’elle déteste les Musulmans.

Elle a été largement élue. Les électeurs savaient tout ça. Elle est rugueuse, mais quand même elle n’a pas prévu d’interdire le voile dans l’espace public.

jeudi 25 juin 2020

malgré tout


Pas la peine de jouer les fiers à bras. L’âge, la maladie, la fatigue, les cures, les médicaments, gagnent du terrain et rognent mes espaces de liberté. Rester assis pour taper sur un clavier devient une épreuve. À la médiathèque, me sont désormais interdits les deux rayons inférieurs, les livres d’un poids supérieurs à un livre de poche m’arrachent les bras. Je dois recourir davantage aux services de ma compagne pour mettre le nez dehors. Donc pourquoi, à quoi bon ? Que reste-t-il qui vaille la peine ? La plus belle des compagnies dont je ne me lasse jamais et dont chaque instant de présence et d’échange suffit à répondre à la question. Puis des coups de fil, mais bon sang qu’ils sont lointains et comme ils s’éloignent. Une psychologue qui me demande comment je vais et que voulez-vous que je lui dise, elle sait mieux que moi comment je vais. Des amis des relations des contacts, des projets, des conversations, un virus qui va qui vient, des conversations de clubs. Ces dix lignes que j’envoie comme une lettre électronique à combien de personnes ? Les repas, un film à la télé, un verre de vin avec des amis et je me rends compte en faisant cette liste que chaque minutes qui passe est un délice renouvelé. Plus l’espace se restreint, plus il est précieux.

mardi 23 juin 2020

trois jours


24/06/2020

Le deuxième tour sera dimanche prochain. Quels gestes, quels paroles, pourront éviter à la ville de Biarritz de sombrer dans le cloaque d’extrême-droite ? Bon, son langage est un peu rude, mais elle n’a pas la construction de camps de rétention pour les femmes voilées et leurs enfants dans son programme municipal. Tous les jours la candidate LR répète qu’elle est au centre. D’ailleurs, le RN vote Maïder Arosteguy parce qu’il est au centre aussi. Et si vous aviez vu la candidate LR se démener dans les lieux d’accueil pour migrants à Hendaye et à Bayonne, distribuer des repas, chercher des abris… Vous ne l’avez pas vue ? Vous avez mal cherché.

Il reste mercredi  jeudi vendredi. J’ai épuisé tous mes arguments. Si vous en voyez d’autres, envoyez-les-moi et je les partagerai.

inquiétudes

Ils se sont préparés par de multiples exercices qui assouplissent l’échine. Le plus dur fut de faire taire J.B. Aldigé pendant aussi longtemps. Il a rongé son frein. Sois patient, les clés de la ville t‘attendent. L’hôtel du Palais donne une assez bonne image de ce que sera la ville de Biarritz après quelques années de pouvoir LR extrême droite. Un bâtiment prétentieux en chantier. Mgr Aillet a compris lui aussi la prudence. Il faut encore attendre pour demander l’interdiction des manifestations pour la PMA, l’IVG, l’égalité pour tous. Les entrepreneurs tracent leurs plans et surtout pas de logements sociaux. Toutes les forces réactionnaires, rétrogrades, qui ne veulent pas voir la misère, tous ceux qui n’en peuvent plus de subir une société ouverte, solidaire, tous ceux qui se cassent les dents sur les villes de la côte, ces villes qui ont en commun  de respirer ensemble l’air de la modernité et de la solidarité, vont enfin introduire leurs valeurs, s’inviteront entre Béziers, Fréjus, Hénin-Beaumont pour chanter ensemble les airs du folklore moisi, viens poupoule viens poupoule viens.

 

Bien sûr, nous serons partiellement protégés par la communauté d’agglo et par les représentants de l’Etat. Mais quand même, entre les bons Français qui n’ont pas construit les camps, l’interdiction aux femmes voilées d’accompagner les enfants en sortie scolaire et les plaisanteries sur l’homosexualité, conservez vos masques car l’air sera fétide.


jeudi 18 juin 2020

luttes


Soyons pompeux. Ceux qui vivent ce sont ceux qui luttent. J’ai lutté pendant la seconde guerre mondiale pour survivre. J’ai ensuite lutté pour un système de destruction des peuples qu’on appelait alors communisme. Je pourrais me justifier en disant que dans le même courant, je luttais contre l’intervention impérialiste au Vietnam, puis contre la guerre d’Algérie. Ne mégotons pas : il y avait beaucoup de militants contre l’impérialisme français et américain qui n’étaient pas communistes. Et qui luttaient aussi contre l’impérialisme russe. Puis j’ai lutté contre le dogmatisme du PCF et contribué ainsi à son affaiblissement. En conséquence, j’ai contribué à la victoire de François Mitterrand. Puis j’ai lutté au sein du PS contre la honte de tant de militants de ne pas être révolutionnaires, juste réformistes. Puis j’ai lutté contre d’avant-garde léniniste qui ont nourri les mouvements terroristes nord-irlandais et basques et contribué à leur défaite militaire, idéologique et politique. Je continue à lutter au Pays Basque français contre le joueur de flûte de Hamelin qui   confondait les rats et les enfants.

            Je constate avec le temps qui passe que les mouvements dans lesquels je m’inscris se rétrécissent et que les mouvements qui me sont étrangers occupent l’espace médiatique. Je m’étais inscrit dans La République en Marche  qui se révèle un salmigondis sans principe. Des élus font appel à des ministres du même gouvernement pour mener campagne dans des listes opposées. Il ne reste plus que des listes de droite, ou de centre droit, ou des alliances écolo plus insoumis plus abertzale. Cet éparpillement donne toute ses chances à une liste LR au garde à  vous devant les forces de l’argent et les idées RN. Nous ne sommes pas très nombreux à dénoncer ce danger mortel qui va transformer une ville ouverte et solidaire en ville fermée et égoïste.



            Faisons confiance malgré tout. Même si la famille Gave et J.B. Aldigé accèdent à la mairie par leur représentante Maïder Arosteguy, rien n’empêchera de lutte contre une dérive annoncée.

dimanche 14 juin 2020

harmonie


Pour une personne qui a passé sa vie à intervenir dans les débats publics par la parole et par l’écrit, par les usures des semelles plus rapides que le lustrage des pavés, par les montées des étages pour expliquer à ceux qui acceptaient d’ouvrir leur porte, par des réunions sans fin du temps où la cigarette était permise, par des articles et par des livres, par des soirées entre amis et en famille où mes convictions chassaient les opinions plus molles, pour cette personne-là, ce qui se rapprochait du bonheur était l’harmonie entre les aventures individuelles, familiales, enfants parents, clinique d’accouchement dont la douleur était réduite grâce aux méthodes importées du pays du socialisme réellement existant, vous vous rendez compte, le bonheur d’une naissance braillarde d’un petit être destiné à reprendre le flambeau des luttes qui prouvait par son arrivée que la mère poussait et soufflait et ne hurlait pas comme dans les temps anciens où le capitalisme torturait les parturientes.



            Le bonheur ou ce qui s’en rapprochait était donc l’harmonie entre votre histoire individuelle et la situation du monde. Donc, en ce moment précis où je vous parle, je constate cette harmonie et je suis heureux. Des aortes rétrécies et la victoire de Donald Trump, un cancer du poumon et le Brexit, une immense lassitude et le Brésil en décrépitude. Un monde malade et une évolution politique virale. Tout contribue à tracer un tableau harmonieux, à conduire à l’extase de l’homogène, au bonheur du même. Sans même parler du monde, parce que si l’on inclut dans cette réflexion la Chine et la Russie, l’Inde et le Moyen Orient, il me faudrait ajouter le diabète, le lupus, les plaquettes et la goutte.



            La même harmonie règne en France où chaque intervention du président que j’ai élu augmente les tourments médicaux, à moins que ce soit l’inverse, c’est pour se trouver en phase avec mon état général qu’il gazouille avec Philippe de Villiers, Bigard et Eric Zemmour,  qu’il accuse les universitaires  d’être des intellectuels et les intellectuels d’être des universitaires.



            Sans compter la situation à Biarritz où gauche, écolos, n’ont pas voulu fusionner avec le centre, ouvrant ainsi la mairie d’une ville plutôt centre gauche à une liste LR tendance droite de Wauquiez tellement droite que le RN renonce à se présenter, s’estimant autant représenté que par Rachida Dati à Paris.  



            Je suis donc heureux. Mon état de santé correspond à la situation politique, mondiale, nationale et locale.

vendredi 12 juin 2020

bilinguisme


Jean Esterle, nouveau conseiller municipal à Biarritz, est intervenu en basque lors du conseil du 11 juin. C’est bien. Dans les conseils du Pays Basque français, la langue basque est permise (il faut  traduire évidemment). Dans les municipalités où EH Baï (le parti de Jean Esterle), il arrive que le français ou l’espagnol soit interdits. Voici ce qui nous sépare. Sa présence dans la liste Baruch montre que son chef de file est prêt à surfer dans toutes les piscines.



En tout cas, à la fin d’une discussion, c’est en français qu’il m’a dit « « retourne à Paris connard ! J’oubliais : est-ce que je vous ai dit qu’il est dans la liste Baruch ?

lundi 1 juin 2020

petits marquis


À Biarritz, la bataille des municipales paraît pliée. Comme les candidats anti-Maider n’ont pas réussi à se mettre d’accord pour le second tour, Maider Arosteguy, LR de droite, va se trouver à la tête d’une ville qui est plutôt centre gauche, par sa population, par ses convictions. On disait ça aussi de la population des États-Unis et ce n’était pas faux puisque Donald Trump a été élu avec trois millions de voix de moins qu’Hillary Clinton. J’avais l’impression aussi que le Royaume-Uni était terre de modération et puis voilà qu’il est gouverné à coups d’éructations d’un nouveau membre du club BJT. Si l’on ajoute Modi en Inde, Poutine en Russie, Orban pour la Hongrie, on a le droit d’être attiré par le destin de Walter Benjamin et de Stefan Zweig, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Consterné par le spectacle du monde, ils ont préféré disparaître. Si l’on ajoute à cette liste L’étrange défaite de March Bloch, il y a de quoi être attiré par des décisions irréversibles.



            Rassurez-vous. Je reste. D’abord parce que Zweig et Benjamin laissaient en héritage une œuvre durable. Soyons lucide. Ce n’est pas mon cas. Si je disparais, les quelques milliers de pages imprimées que j’ai pu signer disparaîtront avec moi. Une disparition volontaire ne les transformera pas en œuvre respectable. D’autre part, le calendrier et les aléas de santé remplacent de manière plus confortable une mort volontaire. De manière plus confortable et aussi plus modeste. L’euthanasie me semble un faire-part grandiloquent, l’annonce bruyante d’une fin universelle et annoncée alors que chacune de ses victimes ne joue qu’un rôle infime dans cet effacement.



            Je vais donc continuer à vivre, c'est à dire à lutter contre tout ce qui abîme les hommes. Les injustices, les inégalités, les racismes, les exclusions, les égoïsmes. La victoire électorale d’une droite extrême dans une ville paisible ne va pas supprimer les raisons de se battre,  bien au contraire. Au conseil municipal, dans les réunions de quartier, dans les rencontres mensuelles, il me suffira de me lever, sans dire un mot, et d’un seul coup, d’un seul, resurgiront les camps de Buchenwald et d’Auschwitz, les éructations d’Eric Zemmour, les asiles des pauvres, les interdictions de la mendicité, les exclusions des journalistes, 

J.B. Aldigé est un foutriquet dans la tradition des petits marquis qui irritaient tant  le Misanthrope. La soumission a un prix : Maïder Arosteguy va être contrainte de trouver ses poèmes exquis.

dimanche 31 mai 2020

il reste deux jours


Il reste deux jours.





Elle est proche d’Éric Zemmour et de sa peur du grand remplacement. Son mentor Max Brisson veut interdire aux femmes voilées d’accompagner les enfants pour les sorties scolaires. Elle va transformer la ville. Il y aura les étrangers, les pas d’ici, et les vrais, les authentiques Biarrots, ceux qui n’ont jamais construit de camps de concentrations, les journalistes vraiment Biarrots qui écriront sous la dictée de J.B. Aldigé. Pour la majorité de la population, rien ne changera. Sauf que ceux qui ne sont pas d’ici se sentiront encore moins d’ici.

En Italie, les démocrates furent incapables de s’unir et Mussolini marcha victorieusement vers Rome. En Espagne, les divisions entre les forces républicaines permirent la victoire de Franco. En France, un puissant mouvement fasciste fut stoppé par le rassemblement des radicaux, des socialistes et des communistes qui réussirent à surmonter leurs différences.

Le passé nous livre ainsi sa leçon.  Le fascisme ou l’extrême-droite l’emportent là où les démocrates sont divisés.

Maider Arosteguy n’est pas fasciste, elle est d’extrême-droite. Elle a introduit dans la vie politique biarrote les poisons du racisme, le révisionnisme sur les crimes nazis, l’encouragement au mépris des élus (qu’ils ferment leur gueule), de graves atteintes à la liberté de la presse.

L’extrême-droite est en ordre de marche. Soutenue par les puissances d’argent, elle marche d’un seul pas. En face, les démocrates pourraient obtenir la majorité s’ils s’unissaient. Mais ils trouvent plus important de se disputer les places plutôt que de sauver le cœur de leur ville.

Demain, la famille Gave pourra diriger l’urbanisme de Biarritz avec l’aide soumise d’une majorité conservatrice. Elle pourra interdire la mendicité, repousser les points d’accueil de la misère loin de la vue des touristes. Les immeubles de rapport passeront avant les logements sociaux qui sont souvent occupés par des gens pas d’ici.

Guillaume Baruch a d’autres priorités que l’avenir démocratique de la ville. Il est préoccupé par la place qu’occuperont ses amis dans l’opposition. Les abertzale semblent préférer une ville d’extrême droite plutôt qu’une entente républicaine. Les élus de la majorité sortante pourraient dire un mot pour éviter la droite extrême. Ils se taisent.
 Tant que la bataille n’est pas terminée, elle n’est pas perdue. Il reste encore deux jours.